Carême 2025
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Cette sculpture s’appelle un saint-sépulcre. C’est un groupe sculpté, presque grandeur nature, qui représente le Christ mort, couché sur la dalle du tombeau, juste avant l’inhumation, à la manière d’un gisant. Des personnages debout l’entourent : deux anges et trois saintes femmes qui tiennent des pots d’onguent pour l’embaumement. L’une des saintes femmes semble nous désigner le corps de Jésus étendu à ses pieds et nous prendre à témoin. Le corps du Christ mort occupe la place centrale dans ce groupe sculpté et l’attitude de recueillement des personnages suggère la contemplation du corps de Jésus-Sauveur. Au pied du tombeau, des soldats romains dorment.

Loin d’être une sculpture isolée, le saint-sépulcre de Niederhaslach correspond au contraire à une dévotion extrêmement répandue dans la vallée du Rhin aux XIVe et XVe siècle. De nombreuses églises, des plus riches aux plus modestes, ont eu à cœur de faire sculpter un pareil groupe. Ces saints-sépulcres, véritables mises au tombeau, permettent aux fidèles qui ne peuvent se déplacer jusqu’à Jérusalem de développer une dévotion personnelle en leur proposant cette mise en situation.

Les sépulcres de la résurrection
Dans l’effigie du Christ mort et étendu sur la dalle du sépulcre, on ménage souvent une cavité au niveau de la poitrine, au niveau du cœur. Cette ouverture joue un rôle essentiel dans les rites liturgiques de la déposition et de l’élévation, entre le Jeudi saint et le dimanche de Pâques. Après la messe du Jeudi saint, le prêtre dépouille l’autel principal de l’église et vient en procession déposer la réserve eucharistique dans cette cavité. Le gisant de pierre devient ainsi le réceptacle des hosties consacrées. Les fidèles assistent à une véritable mise au tombeau et le groupe sculpté s’anime grâce à la présence réelle. La réserve eucharistique reste cachée dans le cœur du gisant jusqu’à la veillée pascale où le prêtre vient solennellement rechercher les hosties, cérémonie qui symbolise la résurrection.
À Niederhaslach, l’artiste n’a pas représenté la mise au tombeau du Vendredi saint, avec la Vierge Marie et saint Jean en déploration. Au contraire, il s’est attaché à représenter les saintes femmes qui arrivent au tombeau le dimanche matin. L’accent est ainsi mis, non pas sur le moment où le prêtre vient déposer la réserve eucharistique, mais sur le moment où le prêtre vient la chercher, c’est-à-dire sur la résurrection. Cette tradition rhénane est en lien avec la dévotion au Sacré-Cœur qui se développe dans toute la région à partir du XIIIe siècle. Les nombreux prédicateurs rhénans aiment à évoquer le cœur de Jésus, à l’instar de Jean Tauler qui invite les fidèles à venir se "reposer sur le cœur aimable de Notre-Seigneur Jésus-Christ", et à lui demander qu’il transforme notre cœur pour le conformer au sien.

Si les saints-sépulcres alsaciens ne sont plus utilisés aujourd’hui, ils n’en sont pas pour autant oubliés, ni des fidèles ni des historiens de l’art. Les paroissiens sont toujours heureux et fiers d’expliquer la pieuse coutume de ceux qui foulèrent avant eux les dalles de grès de leur église pour se recueillir dévotement devant le Christ au tombeau.
