Carême 2025
Ce contenu est gratuit, comme le sont tous nos articles.
Soutenez-nous par un don déductible de l'impôt sur le revenu et permettez-nous de continuer à toucher des millions de lecteurs.
Le programme d’éducation à la sexualité que l’État souhaite imposer dans toutes les classes de la maternelle à la terminale a suscité des réactions fortes, et souvent justifiées, quant à ses contenus. Cependant peu se sont interrogés sur la méthode elle-même : parler à des enfants réunis en groupes, et donc de façon publique de sujets touchant à l’intime, intimité de l’histoire d’amour où s’origine l’enfant, intimité de son corps et de sa conscience. Certains soutiennent même que cela ferait maintenant consensus.
Or ce n’est pas le cas. Comme le constate le pape François, "il y a une multiplication des prétendus "experts" qui ont pris la place des parents, même dans les aspects les plus intimes de l’éducation. Sur la vie affective, la personnalité, le développement, les "experts" savent tout, [..] et les parents doivent seulement écouter, apprendre et d’adapter. [...] Et ainsi aujourd’hui, les parents courent le risque de s’auto-exclure de la vie de leurs enfants" (Catéchèse, 20 mai 2015).
Dépasser le simple cadre du biologique
Pourtant, les enfants ont besoin de leurs parents ! La découverte de l’amour et de la vie dépasse le simple cadre du biologique, sur lequel elle s’appuie bien sûr, mais auquel elle ne se réduit pas. "La sexualité concerne la personne dans ce qu’elle a de plus intime" (Jean Paul II, Familiaris consortio, n. 11). Elle a donc une dimension anthropologique et éthique qui lui donne son sens : son lien à l’amour et à la vie, au rêve du bonheur d’un amour durable, d’un accomplissement de soi. Loin de se réduire à une information sur la sexualité, l’éducation à l’amour est une pédagogie du corps humanisante. L’enjeu de cette éducation est le bonheur et l’épanouissement de l’adulte que deviendra l’enfant, et cela se prépare dès l’enfance : apprendre à aimer, c’est aussi apprendre à vivre progressivement les vertus humaines, le service, et l’amitié.
Une telle éducation n’est pas le fait d’"experts", médecins, sexologues, militants idéologisés. Elle demande avant tout des témoins de l’amour, les parents, dont c’est la mission propre auprès de leurs enfants jusqu’à la puberté, d’autres témoins ensuite, venant conforter ou compléter par leur discours et leur cohérence de vie la première annonce faite à l’enfant en famille.
Éducateurs parce que parents
Les parents ont à la fois un droit et un devoir d’éducation ! Celui-ci "s’enracine dans la vocation primordiale des époux à participer à l’œuvre créatrice de Dieu : en engendrant dans l’amour et par amour une nouvelle personne, [...] ils assument par là même le devoir de l’aider à vivre une vie pleinement humaine" (Jean Paul II, Familiaris consortio, n. 38). L’Église, comme le Code civil d’ailleurs, reconnaît le rôle premier des parents dans l’éducation. "Les parents, parce qu’ils ont donné la vie à leurs enfants, ont la très grave obligation de les élever, et à ce titre, doivent être reconnus comme leurs premiers et principaux éducateurs. […] C’est aux parents, en effet, de créer une atmosphère familiale animée par le respect envers Dieu et les hommes telle qu’elle favorise l’éducation totale, personnelle et sociale, de leurs enfants. La famille est donc la première école des vertus sociales nécessaires à toute société " (Gravissimum educationis, n. 3).
L’aide apportée par l’État (écoles…) ou par l’Église (patronages…) à l’action éducative des parents doit toujours se faire selon le principe de subsidiarité. "La subsidiarité complète ainsi l’amour paternel et maternel et elle en confirme le caractère fondamental, du fait que toutes les autres personnes qui prennent part au processus éducatif ne peuvent agir qu’au nom des parents, avec leur consentement, et même, dans une certaine mesure, parce qu’ils en ont été chargés par eux" (Jean Paul II, Lettre aux familles, n. 16). Être parents est la "compétence fondamentale" (ibidem) de tous les parents. Personne ne connaît, n’aime leurs enfants comme eux. Il faudra donc toujours chercher à aider les parents plutôt qu’à les remplacer : l’enfant est une personne humaine, avec toute sa richesse, son caractère unique, et un appel à l’amour inscrit au plus profond du cœur. C’est pourquoi les enfants ont besoin de grandir dans l’amour, d’être éduqués dans l’amour. Cela oblige… Pour parler des sujets intimes, pour révéler l’amour aux enfants issus de leur amour, les parents sont les mieux placés. Ils peuvent s’ajuster aux questions de chaque enfant, lui parler avec tendresse, dans un cœur à cœur, sans risquer de le blesser, comme cela arrive si souvent en groupe.
Enraciner l’enfant dans l’amour
L’enfant blessé par la séparation de ses parents a particulièrement besoin de savoir qu’il vient de leur amour, et que cet amour, s’il s’est arrêté, est toujours pour lui amour paternel et maternel. Cela peut demander du courage d’aborder le sujet quand on a été blessé soi-même, mais c’est tellement important pour l’enfant. On pourra ajouter que tout enfant vient aussi de l’Amour, avec un A majuscule.
La première annonce faite à l’enfant dans l’amour contient la révélation de cet Amour qui le précède et qui se fait si souvent consolateur de son cœur, de nos cœurs blessés par le manque où les trahisons de l’amour. "Et moi, d’où je viens ?" demandent les petits. "Tu es "quelqu’un d’unique et d’irremplaçable, quelqu’un choisi par l’Amour éternel" " (Jean Paul II, Théologie du corps, Cerf, 2014, TDC 14-4). L’enfant découvre la beauté d’être un don, une merveille, en écoutant ses parents, ou l’un des deux, lui dévoiler son origine dans l’amour. On commence par l’histoire de l’attente et de la naissance des tout-petits qui lui dira la vérité du corps, de son corps. L’enfant entend son histoire, et cela le rend très heureux. À nous parents de ne pas manquer cette première annonce, car "le bonheur est l’enracinement dans l’amour" (TDC, 16- 2). C’est le premier enjeu de l’éducation à l’amour.
La famille, lieu de l’éducation à l’amour vrai
De multiples pressions pèsent sur les enfants et adolescents aujourd’hui : la pression de la pornographie, qui vante la prostitution du corps ; la pression de l’éducation à la sexualité, qui vante les pratiques sexuelles et leurs conditions de possibilité ; la pression en faveur du changement de sexe que l’on prétend, de façon mensongère, indolore et réversible… Face à ces pressions les parents ont plus que jamais un rôle à jouer pour révéler à leurs enfants la beauté de l’amour entre les personnes. Par leur exemple, déjà, et leur cohérence de vie, ou même… leur désir de cohérence. "Le don de soi qui anime les époux entre eux se présente comme le modèle et la norme de celui qui doit se réaliser dans les rapports entre frères et sœurs, et entre les diverses générations qui partagent la vie familiale" (Familiaris consortio, n. 37). Par leurs paroles aussi, ajustées à la situation et aux demandes de chaque enfant. "L’éducation de l’amour comme don de soi constitue les prémisses indispensables pour les parents appelés à donner à leurs enfants une éducation sexuelle claire et délicate. [...] Elle visera fermement une culture sexuelle vraiment et pleinement axée sur la personne" (ibidem).
Une telle éducation est appelée à donner le goût du oui à l’amour par l’éducation progressive à la maîtrise de soi. Comment se donner, si on ne se "possède" pas ? Accepter les frustrations est ainsi un enjeu dès la petite enfance. La chasteté, affirmation positive de la personne, fait partie de cette éducation. Elle est la "gloire de Dieu dans le corps humain" (Théologie du corps, TDC 57- 3).
L’éducation sexuelle, droit et devoir des parents
L’une des difficultés des parents à assumer l’éducation à l’amour de leurs enfants vient souvent de leur souffrance dans leur propre vie affective et conjugale. Ils en ont la pudeur, et préfèrent alors éviter le sujet. Mais il ne faut pas attendre d’être des parents parfaits pour éduquer ses enfants ! «"Pour assurer une éducation graduelle de la vie sexuelle, la famille est le milieu le plus adapté. Elle possède une charge affective capable de faire accepter sans traumatisme les réalités les plus délicates et de les intégrer harmonieusement dans une personnalité équilibrée et riche. Pour que les liens affectifs naturels qui unissent les parents aux enfants soient pleinement positifs, les parents doivent réaliser un équilibre sexuel serein, et instaurer une relation de confiance et de dialogue avec leurs enfants, adaptée à leur âge et à leur développement" (Orientations éducatives sur l’amour humain, 1983, n. 48-49.)
C’est de la profondeur de l’imprégnation du cœur de l’enfant par la révélation de la beauté du corps et de l’amour que viendra sa capacité à intégrer les significations contenues dans cette révélation, à les faire siennes. Une telle imprégnation ne peut se faire que dans l’amour, en passant par le cœur, dans une transmission de parent à enfant ou, en cas de défaillance d’un parent, selon un mode paternel et ou maternel, dans un cœur à cœur toujours respectueux de l’enfant et de ses conditions. Et cela, d’autant plus que l’enfant manque d’éducation. Un enfant ainsi éduqué à l’amour saura beaucoup mieux rejeter les contenus glauques. Il les verra pour ce qu’ils sont : des mensonges sur l’amour. Et il saura qu’il peut revenir vers ses parents si nécessaire.
Les parents chrétiens
Pour assumer notre mission éducative, nous parents ne sommes pas seuls. Nous avons la grâce du Christ que nous recevons des sacrements. "Pour en montrer la grandeur en quelque sorte sublime, saint Thomas d’Aquin n’hésite pas à comparer le ministère éducatif des parents chrétiens à celui des prêtres !" (Familiaris consortio, n. 39). Dans cette lumière, l’éducation à l’amour est inséparable de l’éducation dans la foi et la charité du Christ, maître du don de soi. Elle comporte un enjeu pour la vie présente, qui est aussi un enjeu d’éternité : l’accomplissement de l’enfant dans sa vocation propre au don de soi, à l’amour, à suivre le Christ selon son appel personnel, une vocation que les parents ne fabriquent pas, mais qu’ils portent dans leur cœur, et qu’ils aident l’enfant à discerner.
"Le nouvel être humain, de la même façon que ses parents, est appelé, lui aussi, à l’existence en tant que personne ; il est appelé à la vie "dans la vérité et dans l’amour". Cet appel ne concerne pas seulement ce qui est dans le temps, mais, en Dieu, c’est aussi un appel qui ouvre à l’éternité" (Lettre aux familles, n. 9). Pour cela il nous faut accompagner l’enfant sur son chemin de maturation vers l’accomplissement de sa vocation personnelle : se trouver en se donnant. Alors les parents "deviennent pleinement parents : [...] ils engendrent à la vie qui, à travers la renaissance dans l’Esprit, jaillit de la Croix et de la résurrection du Christ" (Lettre aux familles, n. 39). Pour rendre à l’enfant le beau service éducatif qui lui est dû, "il est temps que les pères et les mères reviennent de leur exil et assument à nouveau pleinement leur rôle éducatif… Et cela, seuls peuvent le faire l’amour, la tendresse, la patience" (pape François, Catéchèse, 20 mai 2015).
