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Au Congo, le combat de l’Église pour la paix et la liberté politique

Les rues de Kinshasa, en RDC, inondées, en avril 2025.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 10/04/25
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Au Congo, encore frappé par des inondations dévastatrices cette semaine et en pleine guerre du Kivu, l’Église catholique s’engage comme médiatrice de paix. Lutte contre la corruption, appel à la responsabilité, soutien de la démocratie, son rôle social est essentiel, rapporte le géopoliticien Jean-Baptiste Noé.

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Dans le nord-est du Congo, la guerre ne finit pas de durer et de s’enliser. Depuis février 2025, le groupe armé Mouvement du 23 mars (M23) a affermi son contrôle sur une part importante du Kivu en prenant les chefs-lieux de Goma (Nord-Kivu) et Bukavu (Sud-Kivu). Appuyé militairement et diplomatiquement par le Rwanda, le M23 revendique de faire appliquer les accords de Nairobi (2013) et protéger la communauté tutsie des discriminations dont elle fait l’objet. Il réclame notamment des négociations directes avec Kinshasa. Le gouvernement congolais s’y est toujours opposé, qualifiant le M23 de mouvement terroriste. Mais les choses ont changé le 18 mars avec la rencontre surprise du président congolais, Félix Tshisekedi, et de celui du Rwanda, Paul Kagame. Depuis, le Congo a légèrement infléchi sa position et ouvert la voie à une négociation, position soutenue par l’Église au Congo.

L’Église comme médiatrice de paix

L’Église catholique a toujours défendu une solution négociée à cette crise, afin d’éviter qu’elle ne gangrène un État congolais en décrépitude. Rongé par la corruption, miné par les problèmes sociaux et les violences, notamment à Kinshasa, le Congo craint que cette guerre dans cette province des marges qu’est le Kivu n’aboutisse à un renversement du gouvernement et à une instabilité pour l’ensemble de l’immense pays. Raison pour laquelle l’Église a toujours promu le dialogue, notamment avec le M23, une nécessité d’autant plus évidente que le groupe armé tient fermement le terrain face aux forces congolaises qui ne parviennent pas à reprendre les territoires perdus. L’Église s’est aussi toujours levée contre la corruption qui mine le pays et les problèmes de gouvernance, qui ont vu le Congo connaître de nombreux coups d’État. Bien que le Rwanda intervienne au Kivu, en soutenant le M23, l’origine de la crise dans cette région est bien d’abord un problème congolais, dû notamment à une mauvaise gestion et à la corruption. L’Église est donc convaincue que la résolution du conflit ne peut pas passer par une opération militaire, mais par une entente avec les groupes armés et une rénovation de la gouvernance générale du pays. 

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Funérailles à Bukavu (République démocratique du Congo) des victimes des explosions du 27 février 2025 lors d'une réunion du mouvement M23.

Le 9 février dernier, l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Fridolin Ambongo, a ainsi célébré une messe pour la paix et pour les victimes de la guerre, dont l’homélie, signalée par l’agence VaticanNews, s’est révélée très politique. Soulignant la "complexité des causes du conflit", le prélat a appelé à soutenir et appliquer le programme proposé par les Églises catholiques et protestantes : "La pêche miraculeuse peut se produire si nous adhérons notamment au pacte social pour la paix et le bien vivre-ensemble proposé par la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) et de l'Église du Christ au Congo (ECC, protestante [Ndlr])." Ce pacte social reprend les fondamentaux de la palabre africaine, qui promeut le dialogue et la discussion pour que les belligérants abandonnent les armes et négocient. Le cardinal a également invité les étudiants présents à devenir "des artisans de la paix, de la tolérance, de la vérité et de la justice", seule manière selon lui de mettre un terme au conflit au Kivu et aux maux qui rongent le Congo.  

En défense de la démocratie

Le même archevêque avait suscité l’ire du gouvernement en avril 2024, selon RFI, en accusant Kinshasa d’armer des milices et donc de contribuer au pourrissement du conflit. Il avait dénoncé la stratégie du gouvernement qui, au lieu "de renforcer l'armée régulière avec des soldats sélectionnés et bien formés, arme des groupes" qui "agressent les citoyens, commettent des vols et des meurtres". Des paroles qui lui ont valu une enquête pour "propos séditieux", ce qui avait hautement ému les catholiques congolais et inquiété les services diplomatiques du Saint-Siège. L’épisode s’était soldé par une rencontre entre l’archevêque et le président du Congo, en présence du chargé d’affaires de la nonciature apostolique. Réunion à l’issue de laquelle "le malentendu a été dissipé", selon les dires de Mgr Ambongo. 

Au Congo, l’Église a toujours joué un rôle central pour assurer l’émergence de la démocratie, notamment à l’époque de Mobutu, et pour lutter contre la corruption et les prises illégales d’intérêts. Un rôle qui lui vaut le soutien de la population et lui permet de bénéficier d’un espace de liberté pour ses propos et ses analyses. Lors de sa visite au Congo en février 2023, François avait ainsi exhorté la jeunesse congolaise à ne pas céder aux maux du tribalisme et de la corruption, à se défier des manipulations opérées par des groupes pour servir leurs intérêts et à savoir pardonner, notamment aux personnes d’ethnies différentes. Des propos qui s’appliquent à la guerre au Kivu, pour un pays qui cherche encore la voie de l’unité et de la prospérité. 

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