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Ukraine : le Saint-Siège peut-il jouer les bons offices ?

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Vladimir Poutine et Donald Trump.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 20/02/25
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États-Unis et Russie négocient actuellement le sort de l’Ukraine, au risque d’ignorer les intérêts de Kiev. Le Saint-Siège tente quant à lui de jouer les bons offices pour trouver une paix juste, mais il lui faudra d’’abord réparer les fractures religieuses, note le géopoliticien Jean-Baptiste Noé.

Russes et Américains ont parlé d’Ukraine, ce mardi 18 février, en Arabie saoudite. Un pays neutre, qui convient à l’ensemble des partis : le royaume arabe est l’allié fidèle des États-Unis tout en entretenant des liens stables avec la Russie. Le sort de l’Ukraine, et donc de l’Europe, s’est-il décidé dans la péninsule arabique, preuve que l’Europe ne compte plus ?

Pour les parties prenantes, il s’agit de trouver un pays qui puisse jouer les bons offices en servant de lieux pour les négociations. La Turquie a longtemps joué ce rôle, elle qui est dans l’OTAN tout en étant alliée de la Russie. Le Saint-Siège pourrait lui aussi jouer ce rôle, qui est traditionnellement le sien. Dans les négociations entre les États-Unis et Cuba, c’est ainsi la diplomatie du Vatican qui avait servi d’intermédiaire. Comme dans les affrontements au Soudan du Sud ou dans les tentatives de médiation entre Palestiniens et Israéliens.

Ce rôle de médiateur, le Saint-Siège s’y tient depuis l’invasion de l’Ukraine. Le Pape a ainsi nommé le cardinal Zuppi comme son représentant et son envoyé pour rencontrer les différents protagonistes. Il a pu, au cours de plusieurs voyages, discuter et négocier avec les Chinois, les Russes, les Ukrainiens, les Américains et des représentants de l’Union européenne. Dans le processus ouvert depuis janvier 2025, le Saint-Siège pourrait ainsi reprendre ce rôle d’intermédiaire indispensable.

Fractures religieuses

Il faudra à l’Église réparer les fractures religieuses. La première concerne les églises ukrainiennes, où les orthodoxes ont regardé avec suspicions les gréco-catholiques, accusés de ne pas être suffisamment antirusses sous prétexte que le Pape ne soutenait pas Kiev de façon officielle. Un reproche constant dans les guerres où les nations font toujours grief à la papauté de ne pas assez soutenir leur cause. Mais le Saint-Siège ne travaille pas pour un pays en particulier, mais pour l’humanité en général. Avec comme objectif la justice et la paix durable.

L’autre fracture concerne le monde orthodoxe russe. Avant la guerre, les relations entre Rome et Moscou étaient bonnes. François a rencontré le patriarche Kirill, le chef de l’Église orthodoxe russe, à Cuba (2016), Vladimir Poutine s’est rendu plusieurs fois au Vatican, les sujets de convergence étaient nombreux. La guerre a brisé cette entente, créant une fracture qu’il sera difficile de réparer. Alignée sur le Kremlin, l’Église orthodoxe russe a développé une théologie politique qui présente la guerre en Ukraine comme une guerre sainte, face à "un Occident décadent" qu’il convient de purger. Le 7 janvier dernier, Kirill a ainsi expliqué qu’en Ukraine la Russie mène "une bataille biblique". Le 12 janvier, le site Window on Eurasia indique qu’un monastère du Tatarstan a publié un communiqué pour expliquer que participer à cette guerre était "une manifestation d’amour". Quant à ceux qui s’y opposent, ce sont des "traîtres" et des "lâches". Avec de tels propos anti-Occident, il sera difficile de renouer les liens après la guerre. C’est là l’un des autres enjeux de ce conflit.

Un dialogue ?

Si les catholiques ont à cœur l’œcuménisme, cette passion est rarement partagée par la partie orthodoxe. Lors de la visite de François en Bulgarie (2019), le Saint-Synode de Bulgarie avait interdit à ses représentants de participer à une activité avec le Pape. Avec la propagande guerrière déversée par l’Église russe, il sera difficile de renouer le dialogue et d’envisager des rencontres. Un problème concret se posera quand les vols aériens seront de nouveaux autorisés entre la Russie et l’Europe : les prêtres pourront-ils venir librement en Russie, les catholiques pourront-ils pratiquer leur foi sans restriction ? Rien n’est moins sûr. Après la fin du communisme, il avait fallu beaucoup de temps à Jean Paul II pour pouvoir ouvrir des paroisses catholiques à Moscou. Ville où, en dépit d’une forte volonté côté catholique, aucun pape n’a jamais pu se rendre du fait des oppositions du pouvoir russe.

Renouer les liens avec le monde orthodoxe sera, loin du cadre de la guerre et des échanges entre Donald Trump et Vladimir Poutine, un objet intense de négociation entre le Saint-Siège et Moscou.

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