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La tristesse et ses remèdes : la délectation (1/5)

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Isolde Cambournac - publié le 12/02/25
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Parmi les cinq remèdes que saint Thomas d’Aquin préconise contre la tristesse figure d’abord la délectation, cette passion de l’âme que l’on éprouve lorsqu’on possède un bien que l’on désire.

Dans la Somme de théologie, saint Thomas d’Aquin offre une réflexion profonde sur les passions de l’âme. Il évoque onze passions, dont la tristesse. On éprouve de la tristesse quand on est en présence d’un mal qui nous rebute. J’éprouve par exemple de la tristesse lorsque je rate un examen que j’avais préparé. L’échec, le mal que je redoutais, est bien réel et présent. Chaque passion est un mouvement de l’appétit sensitif (un mouvement de l’âme sensitive) qui s’accompagne d’un effet corporel. La tristesse est ainsi un mouvement intérieur - une émotion - qui s’accompagne d’un certain accablement du corps. Aux cinq questions que saint Thomas consacre à la tristesse, l’une retient nécessairement notre attention par sa pertinence pratique : les remèdes à la tristesse. Il mentionne cinq remèdes. Le premier qu’il évoque est la délectation.

Chasser la tristesse par la délectation

Comme la tristesse, la délectation est une passion. Elle est la passion contraire à la tristesse. On éprouve de la délectation quand on est en possession d’un bien que l’on désire. Alors que la tristesse s’accompagne d’un accablement du corps, la délectation s’accompagne d’un certain dynamisme, d’un regain d’énergie. J’éprouve par exemple de la délectation lorsque je mange cette raclette que j’ai tant désirée, ou que je prends le temps d’écouter cette musique que j’aime tant.

Saint Thomas a cette phrase fulgurante : "La délectation est à la tristesse, dans les mouvements de l’appétit, ce que le repos est à la fatigue dans les mouvements corporels." Comme on chasse la fatigue corporelle par son contraire - le repos -, ainsi on peut chasser la tristesse par la délectation. Je me souviens personnellement avoir été très affectée par la mort d’une amie de ma sœur. Le jour de son enterrement, ma sœur avait préparé un gâteau au chocolat pour le retour de la messe. Ce goûter avait été une véritable consolation pour nous tous !

Toute délectation, quelle qu’elle soit, peut chasser la tristesse.

Toute délectation, quelle qu’elle soit, peut chasser la tristesse. Inutile qu’elle soit le strict contraire de la tristesse : évidemment que la résurrection de cette amie aurait chassé notre tristesse ! Pour l’heure, ce qui a pu chasser notre tristesse était une délectation d’un autre ordre : ce délicieux gâteau au chocolat. Plus la tristesse sera forte, plus nous aurons tendance à aller chercher des délectations fortes pour nous en consoler. Saint Thomas écrit que, souvent, on aura tendance à aller chercher des délectations corporelles plutôt que spirituelles car elles sont plus sensibles, plus immédiates.

C’est malheureusement ce que nous démontrent bien les addictions. Une addiction aux drogues ou à la pornographie peut être le symptôme d’une profonde tristesse que la personne atteinte cherche à chasser. Ces excès illustrent bien l’effet de la délectation sur la tristesse. Cela ne signifie pas pour autant que chercher la consolation dans la délectation est toujours une mauvaise chose.

Qu’est-ce qui me ferait du bien ?

Il y a une manière vertueuse de chasser la tristesse par la délectation. Un peu plus loin dans la Somme de théologie, saint Thomas parle par exemple de la vertu d’eutrapélie qui consiste à chasser la fatigue de l’âme par le jeu. À chacun de nous de trouver ce qui nous fait plaisir et nous repose vraiment. Un bon repas ? Une balade en forêt ? Une bonne lecture ? Je sais personnellement que lorsque la tristesse me pèse, il est temps que j’aille me promener en forêt avec mon chien !

Ce premier remède avancé par saint Thomas est simple et en même temps extrêmement utile, non seulement pour soi-même, mais aussi pour ses proches. À des amis qui souffrent, peut-être pouvons-nous leur demander : “Qu’est-ce qui te ferait plaisir ?” On pourrait ainsi tenter de leur apporter un peu de consolation. La délectation est le premier remède évoqué par saint Thomas, et aussi le plus général. Les quatre autres remèdes évoqués auront tous un aspect de délectation.

Pratique

Heureux comme Dieu ! Le bonheur selon saint Thomas d’Aquin, Desclée de Brouwer, janvier 2025, 18,90 euros.
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