La cohabitation de plusieurs traditions religieuses sur notre sol a conduit certains idéologues à mettre toutes les religions sur un pied d’égalité afin de ne pas heurter les susceptibilités des différents croyants. Mais est-ce rendre service à la vérité que de comprendre le christianisme comme une religion comme les autres ?
A-t-on raison de croire que le christianisme est unique ?
La crainte d’être accusé d’ "islamophobie" ou de discrimination paralyse beaucoup de chrétiens en les empêchant de soutenir la singularité de leur religion. Aussi, pour complaire au magistère du "politiquement correct", certains se contentent-ils de soutenir l’égale valeur de toutes les traditions. Cette flagornerie les dispense d’expliciter la différence chrétienne — croyant par-là faire œuvre pie de tolérance en sacrifiant l’excellence du Christ sur l’autel du "vivre ensemble". Mais à la longue, ce relativisme est mortifère. En effet, pourquoi continuer à aller à la messe si la foi au Christ n’amène aucun "plus" par rapport aux autres religions ?
Dans ce contexte, il redevient urgent, dans la pastorale, d’expliciter ce qui constitue la singularité du christianisme, son excellence. Car ce n’est pas faire preuve de complexe de supériorité que de souligner la spécificité chrétienne puisque le mérite en revient à Dieu et non à nous. Par exemple, quelle religion promet à ses disciples de devenir "participants de la nature divine" (2P 1,4), c’est-à-dire de devenir semblables à Dieu (1Jn 3,2) ? Existe-t-il l’équivalant d’une telle promesse dans une autre tradition ? N’ayons pas peur des gros yeux du conformisme et de la bien-pensance qui ne sont rien en comparaison de ce que la Révélation nous fait espérer.
La tentation de vivre en chrétien sans le secours de la grâce
Le chrétien est sommé de se contenter des "valeurs évangéliques" en guise de passe-droit. Les derniers des Mohicans pratiquants du dimanche sont invités à mettre leur foi en sourdine. La doxa allergique à toute référence à une transcendance espère bien, avec cet aplatissement idéologique, araser la différence chrétienne et faire rentrer les disciples récalcitrants dans les rangs. Comme si la foi se réduisait aux "valeurs évangéliques" ! Comme s’il était possible de vivre en chrétien sans le secours de la grâce ! En fait, derrière le paravent de ces "valeurs évangéliques" se dissimule un avatar du pélagianisme, c’est-à-dire de la tentation récurrente d’être disciple du Christ par nos propres forces et par la pratique de nos seules vertus. Dans ce cas, Jésus n’est plus sauveur mais un simple modèle à suivre.
Moralisme manichéen
L’accent mis sur les "valeurs évangéliques" trahit en fait un moralisme présomptueux. En voulant faire l’impasse sur la singularité chrétienne afin de ne pas froisser le pluralisme religieux, on aboutit à culpabiliser les chrétiens qui restent persuadés que seul le Christ et l’Esprit sont en mesure de changer leurs cœurs en profondeur. Bien sûr, derrière ces accusions des chrétiens fidèles à l’enseignement traditionnel de l’Église, le prince des ténèbres se tient en embuscade. Le Malin, jaloux des hommes et envieux des promesses dont ils sont l’objet de la part de Dieu, est trop heureux de voir la foi réduite à une morale manichéenne capable de départager les disciples du Christ entre les chrétiens soi-disant "ouverts" (réduisant le christianisme aux "valeurs évangéliques") et les chrétiens soi-disant "fermés" (qui attendent tout de la grâce divine). Comme de juste, ce sont les premiers, les "ouverts", qui ont sa préférence. Le diable est trop bon !