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Étonnante figure que celle de Jean de Capistran, homme d’action et de foi, tempérament de feu réputé pourtant pour la finesse de ses conseils diplomatiques ; même si elle est aujourd’hui quasiment oubliée, la victoire qu’il remporta devant Belgrade en 1456 à la tête des troupes hongroises, n’a pas été moins déterminante pour l’avenir de l’Europe et de la catholicité que celles de Lépante et Vienne. Jean est né à Capestrano, dans les Abruzzes, bourg dont son père est seigneur, le 24 juin 1386. L’on a longtemps essayé, dans un souci nationaliste exagéré, de lui prêter des origines françaises mais il semble acquis que, si son père est arrivé en Italie à la suite de Louis d’Anjou venu conquérir le royaume de Naples, il est cependant un reître d’origine germanique. Destiné à tenir une place de choix à la cour, Jean poursuit de brillantes études de droit à Pérouse, et se marie. Contrairement à ce qu’on put dire certains hagiographes, l’on ne voit pas pourquoi ce jeune homme ambitieux plus soucieux de ce monde que de l’Autre, aurait renoncé à consommer son union avec une femme dont il était épris.
En ce début des années 1410, tout va pour le mieux dans les affaires de ce mondain devenu gouverneur de Pérouse quand son destin bascule. Lors d’une mission à Rimini, il est fait prisonnier par les hommes de Malatesta, condottiere qui a des vues sur Pérouse et le retient longuement en otage. Lorsque Jean recouvre enfin la liberté, après des mois d’avanies et d’humiliations, il a compris que les richesses, la gloire et le reste ne valent rien.
Des bûchers des vanités
De retour à Pérouse, il apprend la mort de sa jeune épouse. Ce deuil, qui le bouleverse, l’incite à tout quitter et il demande l’habit franciscain au futur saint Bernardin de Sienne. Ordonné prêtre en 1417, Jean révèle bientôt ses talents de prédicateur. On l’envoie prêcher à Milan et Bologne, avec rôle d’inquisiteur. Retrouvant dans ces cités, toutes les tentations qui ont failli l’entraîner jadis à sa perte, il appelle à se débarrasser du superflu, organisant des bûchers des vanités sur lesquels les convertis immolent leurs objets de luxe, tableaux, beaux vêtements, bijoux et autres parures indignes de chrétiens. Méthodes qui nous semblent outrancières mais assurent sa popularité et lui valent malgré tout une réputation de diplomate averti.
Telle est l’opinion, en ces lendemains de la fin du grand Schisme d’Occident, des papes Martin V, Eugène IV, Nicolas V, Calixte III, qui lui confient tour à tour des missions en Autriche, Hongrie, Allemagne, afin de contrer les partisans de Jean Huss, l’un des précurseurs de la Réforme, mais aussi un renouveau inquiétant de la sorcellerie dans ces régions d’Europe Centrale.
Il est temps de sauver Belgrade
Ses pérégrinations sont, malheureusement, l’occasion pour le prédicateur de prendre le contre-pied de ce qui fut jadis l’attitude de saint Bernard, en poussant les populations à chasser de chez elles les communautés juives, en particulier celle de Breslau dont il obtient l’expulsion. Faut-il voir dans ces mesures une retombée du siège et de la chute de Constantinople aux mains des Turcs en mai 1453 ? Dans la crainte, un peu tardive de la papauté, d’une avancée fulgurante des musulmans dans les Balkans, qui se produira en effet, et menacerait toute l’Europe, les communautés juives pourraient lui être apparues comme des alliées potentielles de l’ennemi.
Au vrai, le péril est incontestable et la Hongrie est bientôt en danger. Sur le conseil de Jean de Capistran, Calixte III appelle en 1455 à une croisade contre les Turcs dont son conseiller prendra la tête. Par un tour de force, Jean de Capistran parvient à mobiliser 35.000 hommes du peuple prêts à mourir pour leur foi et leur terre, et les 15.000 mercenaires du redoutable Jean Hunyadi, familier de la lutte contre l’Islam.
Il est temps puisque, lorsque le franciscain, qui a retrouvé les habitudes militaires de sa jeunesse, et le chef hongrois arrivent devant Belgrade, le 6 juillet 1456, la ville, assiégée et bombardée depuis des jours, est sur le point de tomber aux mains des Ottomans, galvanisés par la présence du sultan en personne. Toute victoire chrétienne paraît impossible. Mais jouissant d’un concours de coïncidences miraculeuses, Jean de Capistran déclare aux défaitistes : "Le Seigneur qui a fait le commencement (la croisade) prendra soin aussi de la fin." promet la défaite turque. Les hommes, à défaut des officiers, le croient, leur arrachant cet aveu dépité : "Il a plus d’autorité sur les soldats que nous et leurs princes."
La fête de la Transfiguration
Dans la nuit du 22 juillet, le crucifix en main et au cri de "Jésus, Jésus !", Capistran convainc Hunyadi d’attaquer le camp de Mehmet II. La surprise est totale et, le sultan blessé, les Turcs prennent la fuite, laissant, dit-on, derrière eux plus de 150.000 morts et emportant des centaines de chariots d’estropiés. La défaite est si énorme que Mehmet tente de se suicider de désespoir. La nouvelle de cette victoire inespérée parvient à Rome le 6 août et, pour rendre grâce au Ciel, Calixte III institue à cette occasion pour l’Église universelle la fête de la Transfiguration de Notre Seigneur.
Jean n’en saura rien et ne goûtera pas les fruits de son triomphe. Les armées turques ont amené la peste noire avec elles. Après Hunyadi, qui en meurt en août, Jean de Capistran y succombe le 23 octobre 1456, à Illok en Croatie alors qu’il redescend vers Rome. En dépit des innombrables miracles qui lui sont attribués, il faudra attendre 1690 pour que le pape Alexandre VIII le porte sur les autels. En 1984, Jean Paul II a fait de lui le saint patron des aumôniers militaires.