Le Synode pour une Église synodale est entré dans sa seconde session. Entre enthousiasme et indifférence, beaucoup de croyants restent circonspects sur l’issue et les enjeux de cette démarche, et pourtant ce moment doit être reçu comme la pierre angulaire du pontificat du pape François et, qui sait, comme une manière de vivre renouvelée, rejoignant les attentes de l’homme et de la femme d’aujourd’hui…
Permettre à chacun d’être un disciple missionnaire
Dans une Église toujours plus marquée par sa dimension universelle entraînant des aspirations contradictoires selon les lieux, et dont une partie est secouée par une crise des abus qui semblent ne plus finir et ne pas devoir s’arrêter aux Églises déjà touchées — croire le contraire serait un leurre —, la discussion synodale est appelée à renouveler l’être ecclésial, depuis l’annonce de l’Évangile jusqu’à la gouvernance de la communauté des croyants. Dit autrement, la synodalité doit permettre à chacun selon sa vocation d’être, selon l’expression proposée par le Saint-Père, un disciple-missionnaire. Pas de synodalité sans conversion personnelle alors que chaque baptisé a été marqué de l’Esprit saint… C’est à la mesure de notre conversion personnelle que s’opèrera le renouvellement de l’Église : en ce sens la démarche synodale n’est pas étrangère à l’ouverture de l’Année sainte qui s’annonce prochainement mais elle s’inscrit en elle.
Le concept de synodalité quant à l’organisation de nos communautés n’est pas nouveau : depuis les conciles du premier millénaire jusqu’aux conseils de nos diocèses et paroisses, nous faisons l’expérience d’une forme de synodalité, mais combien ont la conviction que ces instruments de gouvernance sont bien plus qu’une simple organisation ou encore qu’ils ne sont pas là seulement pour entériner les décisions de l’autorité ecclésiastique, qu’il s’agisse de l’évêque ou du curé ? Combien de temps de prière ouvrant ces lieux d’échange sont vécus de manière automatique ou bien encore, combien de ces lieux sont vécus comme une prise de pouvoir par ceux qui y siègent espérant ainsi faire avancer leurs propres idées, les uns et les autres confondant leurs aspirations avec les aspirations de toute la communauté, en définitive avec la volonté de Dieu ? La réflexion synodale nous appelle à nous tenir à égale distance tant d’une vision monarchique de la vie ecclésiale que d’une vision démocratique de la communauté. Elle nous appelle en définitive comme le concile Vatican II à un profond aggiornamento personnel et collectif.
Une réponse à la constitution sacramentelle de l’Église
Pour éviter ces écueils, la réflexion en cours ne peut que s’enraciner dans les sacrements de l’initiation chrétienne — puisqu’il s’agit pour chacun de se convertir — et dans le sacrement de l’ordre — puisque la communion ecclésiale est structurée aussi par le discernement propre des pasteurs, discernement nécessaire mais, chacun l’aura compris, non exclusif. Si le pontife romain est infaillible, c’est parce que l’Église est infaillible, non l’inverse. En ce sens, la synodalité n’est pas d’abord une manière sociale de se comporter ou de vivre mais bien une réponse à la constitution sacramentelle de l’Église : parce que nous sommes tous disciples-missionnaires, nous sommes tous prophètes et nous pouvons participer à l’annonce de l’Évangile, que cette annonce se vivent au sein de la communauté comme en dehors d’elle ; parce que certains ont reçu la charge de pasteurs, ils sont appelés à sentir la bonne odeur des brebis mais non pas à vivre au-dessus d’elles mais à marcher avec… C’est la raison pour laquelle le pape François a pu résumer la colonne vertébrale de cette mission commune — l’Annonce de l’Evangile — ainsi : notre vie synodale fait se rencontrer le Un – l’évêque de Rome – le Quelques-uns – les pasteurs – et le Tous – l’ensemble des baptisés. Que chacun écoute Dieu et ses frères, quelle que soit la vocation qui lui est propre ; que tous ensemble nous écoutions Dieu et nos frères… car "l’Esprit parle aux Églises", et comment seuls pourrions-nous prétendre détenir la vérité ? Il nous faut marcher ensemble.
Faire émerger la vérité de Dieu
Ainsi si le synode est appelé à discuter l’exposé de points de foi comme de points d’organisation ecclésiale, de vie interne comme d’annonce de l’Évangile, il n’est pas appelé à transformer le dogme et la vie ecclésiale selon les aspirations de chacun, aspirations plus ou moins situées selon nos cultures, mais bien à faire émerger la vérité de Dieu à l’œuvre en ce monde et dans son Église, et à réaliser que la force des habitudes et des certitudes ou encore d’un enseignement si elle peut être le signe d’un développement harmonieux de l’Écriture et de la Tradition — autrement dit de la Révélation — peut tout autant être le signe d’une sclérose de la pensée ou de nos activités charitables… Ce qui s’est toujours dit et fait n’est pas automatiquement révélateur de vérité ou d’une vérité absolue mais simplement peut être un point d’étape de l’histoire ecclésiale pour aller plus loin, et espérons-le ne pas être une impasse.
Chaque croyant, chaque Église est appelé à s’emparer de la synodalité comme une occasion de se convertir personnellement et collectivement : ne soyons ni comme la femme de Loth pétrifiés en nous retournant sur notre passé ; ni comme des sépulcres blanchis qui a force de répétition ne voit pas dans leurs frères et sœurs le Christ passer au milieu d’eux. Mais illuminés par la Révélation et forts de nos expériences, avançons au large.
Pratique :