Au tout début de La Divine Comédie, Dante raconte qu’il s’est égaré dans une forêt obscure, comme d’autres confrontés à une rentrée surchargée. Sur son chemin, il rencontre une panthère, un lion puis un loup qui lui barrent la route. Que faire ? Effrayé, il pense rebrousser chemin. Heureusement, Virgile apparaît, et Dante le supplie de lui indiquer comment sortir de cette situation : "Il te faut emprunter un chemin différent, répondit-il en voyant des larmes dans mes yeux, si tu veux t’échapper de cet horrible endroit ; car la bête cruelle qui t’a fait si peur ne permet pas aux gens de suivre leur chemin, mais s’acharne contre eux et les fait tous périr."
Par cette image célèbre, Dante nous livre deux conseils simples quand on se sent dépassé : d’abord, savoir écouter un tiers qui dédramatise la situation et apporte de la mesure, du bon sens. Ensuite, oser un détour qui va ouvrir le champ des possibles, changer de méthode, "emprunter un chemin différent".
Ah, ces rentrées !
Si les vacances estivales opèrent une rupture salutaire, on reprend toutefois son travail avec plus ou moins de bonheur. Rarement évoquée comme un moment stratégique, une reprise est plutôt vécue sous l’avalanche de mails, les urgences à traiter, les décisions à prendre… Les (re)démarrages en trombe sont légion et le risque de parer au plus pressé prend souvent le pas sur la vision stratégique des événements. Et pourtant… comme l’œil du cyclone, il existe une zone de calme relatif à l’intérieur de soi, cette aptitude à l’inspiration et au discernement lent à laquelle on n’accède pas suffisamment, tant les sollicitations extérieures sont pressantes. C’est dommage, car il y a là un gisement de sens et d’intuitions plus efficace sur le long terme qu’une réponse immédiate — même pertinente — aux événements.
En finir avec le "toujours plus de la même manière "
Il n’est pas toujours facile de distinguer nos bonnes habitudes des mauvaises. L’animal humain est ainsi fait qu’il préfère souvent une méthode passable qu’il maîtrise, plutôt qu’une attitude plus pertinente qu’il ne connaît pas encore. Le psychologue Paul Watzlawick et l’école de Palo Alto ajoutaient à cette idée de bon sens que si une méthode se révèle excellente pour atteindre un premier objectif, elle se transforme en contre-performance si l’on continue de l’utiliser pour des objectifs plus importants.
Appuyer sur l’accélérateur est nécessaire pour le démarrage de sa voiture, mais on garde une allure d’escargot si on ne change pas de vitesse… Le principe du "toujours plus de la même manière" consiste à garder une méthode utile dans un premier temps, au lieu d’en explorer une nouvelle quand la situation évolue. "Quelle façon de travailler puis-je changer dans mon travail ?" est une question clé pour reprendre le contrôle d’une rentrée suractive.
Progresser par soi-même
Ceci n’est possible que si l’on prend conscience du piège de ses habitudes, ce qui demande du temps et de la disponibilité… qui font précisément défaut lorsque l’on doit "rattraper" les retards accumulés durant son absence ! Il existe pourtant des solutions. Le philosophe Pierre Hadot a remis au goût du jour les exercices spirituels des stoïciens, et notamment l’examen de conscience. Le soir venu, on se remémore les événements de la journée, on les examine, on fait le point sur les actes posés, on les passe en revue. Pouvait-on faire mieux ? A-t-on subi ou a-t-on gardé la main ? A-t-on obéi à la raison ou plutôt à l’émotion ?
L’idée clé est de ne pas déserter son âme, de préserver son intériorité du brouhaha du monde, de contribuer soi-même à son progrès personnel : un exercice qui conduit à des "prises de conscience, des intuitions, des émotions, des expériences morales" bénéfiques. Une telle démarche est toujours fructueuse !