Auteur génial de la Divine Comédie, le poète italien Dante Alighieri (1265-1321) nous est familier pour son voyage initiatique dans l’Au-delà (Enfers, Purgatoire et Paradis). Un récit en vers qui commence par un chant dans lequel Dante raconte son égarement spirituel. Il est à la recherche de « la route droite » c’est-à-dire de la vertu. Or, sur son chemin, l’auteur doit lutter contre un lynx qui symbolise la luxure, un lion figurant l’orgueil et enfin une louve qui représente, elle, l’avarice… Incapable de faire face, Dante pleure amèrement sur son sort jusqu’à ce qu’il rencontre Virgile. Ce dernier se dit envoyé par Béatrice, une jeune femme dont Dante était follement amoureux dans sa jeunesse et disparue prématurément. Dans sa grande bonté, Béatrice a demandé à Dieu que Dante soit libéré de ses fautes…
Béatrice n’est pas un personnage de fiction : Dante l’a connu dans la Florence du XIIIe siècle. La Divine Comédie possède ainsi une large part autobiographique qui nous aide à cerner la personnalité de ce génie de la littérature. Figure nationale pour les Italiens, Dante est pourtant peu connu des Français. Mais n’est-ce pas Paul Claudel qui écrivait : « J’ai eu beaucoup d’admiration pour Dante. Il m’a énormément, je ne dirai pas “instruit”, mais délecté… Il m’a ouvert une des portes du paradis. » De son côté, l’auteur irlandais James Joyce affirmait : « J’aime Dante presque comme la Bible. Il est ma nourriture spirituelle, le reste est remplissage. » Afin de mieux découvrir cette figure, l’historien italien Alessandro Barbero vient de lui consacrer une belle biographie publiée chez Flammarion. Immense succès de librairie dans la péninsule (200.000 exemplaires vendus), ce livre n’est pas une étude de l’œuvre littéraire du poète mais bien le récit d’une vie : celle d’un homme du Moyen Âge dont nous commémorons cette année le 700e anniversaire de la disparition.
Né à Florence en 1265, Dante était issu de ce que nous appellerions le haut de la classe moyenne. Citoyen aisé qui vivait des rentes de la richesse familiale, il fut aussi un soldat et un homme politique de son temps. Dans l’Italie des XIIIe et XIVe siècles, les villes se divisaient entre les partisans de la papauté — les guelfes — et ceux qui soutenaient l’empereur — les gibelins. Florence adhérait, elle, au premier de ces deux partis. Mais pour corser le tout, les guelfes étaient eux-mêmes divisés en deux factions : les blancs et les noirs. Dante était « un blanc » qui, avec l’ensemble des chefs de son groupe, fut renversé par un coup d’État qui l’obligea à choisir entre la mort et l’exil.
Il chemina alors vingt ans sur les routes de l’Italie mais aussi sur celles du royaume de France, sous la protection de nobles seigneurs fortunés : « Dante fut un invité bienvenu, car c’était un poète et un homme de lettres jouissant d’une certaine notoriété, et aussi un maître dans l’art d’écrire des lettres et des discours politiques ; mais il resta toujours conscient de l’humiliation de ne rien posséder en propre et de devoir dépendre de la bienveillance d’autrui. » Or ce qui fut une humiliation pour lui, a été « notre chance » : dans son exil, Dante rédige la Divine Comédie, un des chefs-d'œuvre de l’histoire universelle, tout à fait comparable à l'œuvre d’Homère ou à celle de Shakespeare. Un texte mêlant à la fois la raison et la théologie : l’histoire d’une âme, en somme, qui peut se relever du mal.
Lettre apostolique Candor Lucis Aeternae par le pape François, 25 mars 2021.
Dante (1265-1321), par Alessandro Barbero, Flammarion, 2021.