"Génocide." Le représentant d’Haïti aux Nations-Unies, Justin Viard, est allé jusqu’à employer ce terme pour évoquer le risque que le chaos actuel fait courir à Haïti : "Plus nous tardons à trouver une solution, plus la population haïtienne est exposée aux risques d'un génocide", a-t-il affirmé jeudi 4 avril, lors de la 55e session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU. La situation d’Haïti est extrême : des gangs armés suréquipés sèment la terreur dans l’île depuis des mois. Kidnappings, racket, assassinats, actes de barbaries, violences sexuelles, tout est bon pour ces milices pour imposer leur loi et récupérer de l’argent.
En face, l’État haïtien ne peut rien. Les gangs sont plus forts et mieux équipés que la police elle-même, par ailleurs fortement corrompue. Le contexte est tellement violent que tout est paralysé : les services publics, déjà faibles depuis des années, ne fonctionnent plus, l’économie est à l’arrêt, l’aéroport de Port-au-Prince est fermé. Le pays est bloqué. L’État, qui n’a même plus de gouvernement, est moribond, voire complètement mort. C’est l’anarchie, le chaos, la loi des gangs et le règne de la sauvagerie. Le terme de génocide peut étonner car nous ne sommes pas en présence d’une ethnie visée par une autre ethnie comme au Rwanda, mais l’appel au secours désespéré qui est se trouve derrière cette phrase se comprend très bien. Haïti appelle à l’aide, pour une aide internationale qui ne vient pas.
Une guerre civile
L’ONU avait bien mandaté des policiers kenyans pour tenter de rétablir l’ordre. Mais le Kenya a très bien compris la situation. Des policiers ne peuvent rien contre les gangs, il faut une armée. Car la situation n’est pas une insécurité due à la délinquance, c’est une guerre civile avec des milices équipées de fusils automatiques et d’armes lourdes. Ces milices quadrillent Port-au-Prince, contrôlent les routes, attaquent les prisons pour recruter parmi les prisonniers, assaillent des bâtiments publics, pillent les maisons. Seules des armées modernes peuvent neutraliser ces milices, et personne ne doute que face à un corps expéditionnaire militaire ces bandits rendraient facilement les armes. Ce sont des criminels purement crapuleux, sans la moindre idéologie ni fanatisme. Face à plus fort qu’eux ils ne seraient guère téméraires…
Pourtant la communauté internationale ne semble guère réagir. La Communauté caribéenne (Caricom), qui regroupe des États des Caraïbes, a demandé la constitution d’un nouveau gouvernement. Le 7 avril, un Conseil de transition présidentielle constituée de neuf membres (sept votants provenant des partis haïtiens et deux observateurs issus de la société civile) s’est déclaré auprès de la Caricom. Mais sans la moindre intervention extérieure, ces paroles resteront en l’air. Les gangs contrôlent 80% de Port-au-Prince, ce Conseil ne peut même pas s’installer en sécurité. Quant à l’Église catholique, elle vit aussi dans la terreur. Elle a été aussi la cible de kidnapping et les gangs ne l’épargnent pas. Les évêques ne participent pas au Conseil de transition présidentielle même à titre d’observateurs, sans doute par prudence. L’Église reste cependant l’un des principaux acteurs de la solidarité en Haïti et un secours pour la population.
Des années d'instabilité
Il faudrait une intervention militaire sous couvert de l’ONU. La France, forte de ses liens historiques et culturels pourraient la diriger, avec d’autres États. Rétablir l’ordre en éliminant les gangs, en mettant en place un gouvernement provisoire, en remettant sur pied l’État avec une police fiable, des services publics et en sécurisant le pays pendant une longue période permettrait à Haïti de retrouver une vie normale. Car vivre en sécurité avec un État stable est la première étape du développement. Si Haïti est dans un tel chaos, c’est parce que ce pays a connu quarante ans d’instabilité dû aux coups d’États, violences, corruptions en tout genre et aussi aux catastrophes naturelles (séisme du 12 janvier 2010, cyclones et choléra). Aujourd’hui, le pays est dans un stade ultime. Il est grand temps d’agir avec force, tel est l’appel des Haïtiens.