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[HOMÉLIE] Tous prophètes comme Moïse, et même plus que Moïse

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Catherine Leblanc @ Byzance-Photos

Jean-Thomas de Beauregard, op - publié le 27/01/24

Comme Moïse, Jésus apporte une loi nouvelle pour Israël, et comme Moïse, chaque baptisé est un prophète. Par la grâce de l’Esprit saint qui change tout, nous sommes tous prophètes pour reconnaître le Christ et l’annoncer. Homélie du frère Jean-Thomas de Beauregard.

Moïse l’avait prophétisé devant le peuple rassemblé : “Au milieu de vous, parmi vos frères, le Seigneur votre Dieu fera se lever un prophète comme moi, et vous l’écouterez” (Dt 18, 25). La prophétie est risquée, surtout lorsqu’elle se pique de prévoir l’avenir… L’astrologue dresse des horoscopes suffisamment vagues pour pouvoir éviter d’être détrompé, et malgré tout il perd en crédibilité lorsque ce qu’il avait annoncé n’advient pas. L’économiste passe beaucoup de temps à expliquer pourquoi la conjecture s’est avérée différente des projections qu’il avait anticipées. Et Moïse, alors ? Ne prend-il pas quelque risque à annoncer la venue, un jour, d’un prophète comme lui ? Certes, après Moïse, beaucoup de prophètes se sont succédé : Élie, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, sans compter la cohorte des petits prophètes, avec Amos, Osée et les autres. Tous inspirés par l’Esprit saint, écoutés plus ou moins selon les circonstances, prêchant la pénitence, la conversion, mais aussi la miséricorde… Des prophètes, il y en a eu, de quoi remplir des centaines de pages de l’Ancien Testament. Mais aucun d’entre eux ne fut comme Moïse.

En homme qui a autorité

À l’époque du Christ, cela faisait déjà quelques siècles qu’Israël n’avait pas connu de prophète, qu’il soit comme Moïse ou pas. Depuis l’Exil, le peuple avait connu toutes les humiliations, jusqu’à subir l’occupation étrangère, grecque puis romaine, en supportant des rois de pacotille qui, quoique juifs, bafouaient la Loi et les traditions d’Israël. Et dans ce marasme, aucun prophète envoyé par Dieu pour renouer avec le fil de l’histoire sainte. À quoi cela rime-t-il d’être le peuple élu, chéri de Dieu, si YHVH est aux abonnés absents quand on a besoin de lui ? Dieu aurait-il abandonné son peuple ?

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la première prédication publique de Jésus, dans la synagogue de Capharnaüm. Devant l’autorité insensée de ce jeune rabbi (Mc 1, 22), chacun se demande si Dieu a enfin répondu à la supplication du peuple. Est-ce là un prophète ? Et si oui, serait-il un prophète comme Moïse, celui que Moïse avait annoncé ? La question brûle les lèvres de tous les auditeurs de ce prêche dont, paradoxalement, l’évangéliste ne nous dit rien.

L’attente grandit lorsque Jésus, après avoir parlé, réalise un exorcisme spectaculaire à l’intérieur même de la synagogue de Capharnaüm. Satan est chassé sans ménagement par Jésus, qui libère ce possédé d’une persécution diabolique qui rendait sa vie littéralement infernale. La scène est d’ailleurs étonnante : on a l’impression que Jésus chasse l’esprit impur non pas tellement pour soulager le pauvre possédé, mais parce que le Diable, en lui, a reconnu en Jésus “le Saint de Dieu” (v. 24). Ce n’est que lorsque Satan reconnaît Jésus qu’il se voit intimer l’ordre de se taire et de s’en aller.

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Un schéma récurrent

En deux ou trois versets, on retrouve d’ailleurs ici un schéma récurrent dans l’Évangile, qui n’est jamais où on l’attend — comme Jésus lui-même — et semble prendre un malin plaisir à dérouter le lecteur. Quel est ce schéma récurrent ? D’une part c’est le plus souvent un démon, un païen ou un grand pécheur qui reconnaît que Jésus est le Messie, le Saint de Dieu, voire le Fils de Dieu, là où les représentants qualifiés du peuple juif, normalement formés pour cela, et supposés l’attendre, passent à côté sans le voir ou le condamnent s’ils le voient, à l’exception de quelques-uns comme Nicodème. Le phénomène est intéressant, même si la transposition facile à notre époque — les catholiques pratiquants et les prêtres seraient souvent moins aptes à reconnaître le Christ que tel athée, tel agnostique, tel musulman — n’est pas totalement pertinente.

Un prophète comme Moïse, c’est un prophète qui communique une Loi venue de Dieu pour tout le peuple. Moïse a donné sa Loi à Israël, recueillie de la bouche de Dieu lui-même, gravée sur des tables de pierre.

D’autre part, lorsque Jésus qui vient pour accomplir en perfection la Révélation est reconnu comme le Messie, le Saint de Dieu ou le Fils de Dieu, il se récrie et préconise le silence. C’est ce que les exégètes appellent le “secret messianique”. Cela relève d’une pédagogie de Jésus qui sait qu’il faut avoir le cœur disposé pour recevoir la Révélation dans sa plénitude, et qu’il serait contre-productif de tout dire d’un seul coup à qui n’est pas prêt à l’entendre. L’Église a retenu la leçon, notamment pour sa doctrine morale, en enseignant selon une loi de gradualité : tout le monde est appelé à la même sainteté et aux mêmes exigences, mais les parents, les éducateurs et les prêtres peuvent choisir d’aborder les difficultés avec prudence et progressivement pour ne pas risquer de braquer et d’éloigner quelqu’un qui serait incapable de recevoir tout en une seule fois. L’objectif reste inchangé, un et le même pour tous, le chemin peut être différent et plus long, fait de patience.

Il apporte une Loi nouvelle

Revenons enfin dans la synagogue de Capharnaüm, avec les auditeurs de Jésus qui se demandent qui est cet homme. Qu’est-ce qui fait qu’un prophète est comme Moïse ? Sur quel critère peut-on en juger ? Un prophète comme Moïse, c’est un prophète qui communique une Loi venue de Dieu pour tout le peuple. Moïse a donné sa Loi à Israël, recueillie de la bouche de Dieu lui-même, gravée sur des tables de pierre. Cela, aucun des autres prophètes de l’histoire d’Israël ne l’a fait. Même Jean-Baptiste, le plus grand parmi les enfants des hommes avant le Christ, n’a pas fait œuvre de législateur.

L’Esprit a été répandu en plénitude. Tout baptisé est, au moins en droit, prêtre, prophète et roi. Tout baptisé est comme Moïse, et plus que Moïse.

Or cela, Jésus va le faire. Jésus est comme Moïse, parce qu’il apporte une Loi nouvelle pour Israël, dont il donne la quintessence dans le Sermon sur la Montagne qu’il personnifie par toute sa vie. Jésus est même plus grand que Moïse ! Pourquoi ? D’abord parce que précisément Jésus personnifie cette Loi nouvelle, il l’accomplit en perfection par ses paroles, ses actes et toute sa vie. Ensuite parce Jésus grave cette Loi nouvelle non pas seulement sur des tables de pierre mais directement dans les cœurs, par le don de l’Esprit-Saint qu’il communique en plénitude à la Pentecôte.

Un instinct spirituel

C’est d’ailleurs parce que la Loi nouvelle est donnée par Jésus avec l’Esprit saint communiqué en plénitude que la transposition trop facile évoquée précédemment avec notre époque ne fonctionne pas parfaitement : s’il est vrai que des catholiques pieux, prêtres ou laïcs, peuvent parfois ne pas reconnaître le Christ ou lui être infidèle, tandis que des hommes plus éloignés de l’Église en sont proches sans toujours le savoir, la situation n’est pas identique à celle du temps de Jésus.

L’Esprit a été répandu en plénitude. Tout baptisé est, au moins en droit, prêtre, prophète et roi. Tout baptisé est comme Moïse, et plus que Moïse. Si le propre de la prophétie n’est pas de prédire l’avenir mais d’annoncer le Christ et de reconnaître la main de Dieu dans le cours des événements, alors la grâce de l’Esprit saint qui jaillit en plénitude au cœur de l’Église change tout. Il va de soi que l’Esprit souffle où il veut, conduisant au Christ des hommes qui ne sont pas encore baptisés. Mais la grâce du baptême, en communiquant l’Esprit saint en plénitude, donne de reconnaître le Christ comme par instinct. Ce cadeau d’un instinct spirituel pour les choses divines, il serait fou de le mépriser.

Pratique

Les lectures du 4e dimanche ordinaire : Dt 18, 15-20 ; 1 Co 7, 32-35 ; Mc 1, 21-28.

Tags:
HomélieMoïse
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