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Qui sont les prophètes aujourd’hui ?

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Martin Škoviera

Photo offerte par un ami de Novi Dvur à Aleteia.

Dom Samuel Lauras - publié le 13/12/22

Dans les difficultés que nous traversons, écouter et parler peut contribuer à découvrir des solutions. Mais que dire et à qui faire confiance ? L’abbé de l’abbaye cistercienne de Nový Dvůr, Dom Samuel, auteur de "Et la nuit devient lumière, la joie du Christ dans les ténèbres de nos vies" (Artège), propose des clés de discernement qui s’appuient sur les lectures de l’Avent.

Nous vivons, avec nos contemporains, dans une société qui refuse toute règle. Nous vivons, nous les chrétiens, dans une Église sidérée par les scandales. “Le monde se permet tout et ne pardonne rien”, dit-on. Sous la pression, l’Église serait-elle sur le point d’adopter cette maxime ? Nous vivons dans une société hypermédiatisée qui juge de tout et qui, se faisant, prend la place de Dieu. À Dieu la miséricorde et le jugement, aux chrétiens la responsabilité de soutenir ceux à qui Dieu a confié une charge, de les avertir quand ils errent, de les estimer pour le bien qu’ils font. “Qu’il haïsse les vices, mais qu’il aime les frères”, écrit saint Benoît. Les frères et les pères… Parce que la société dans laquelle vivent aujourd’hui les chrétiens nie la réalité du péché, ceux-ci auraient-ils du mal désormais à entendre la parole du Christ qui affirme avoir le pouvoir de pardonner ?

Qui sont les prophètes ? Ceux dont Dieu se sert pour s’adresser à moi ; moi-même quand il m’invite à m’adresser aux autres de sa part.

Ayant adopté les critères du monde sans cesser de prétendre annoncer la Bonne Nouvelle, ils seraient contraints au grand écart. On s’y déchire les muscles, on perd la capacité de marcher et d’aller de l’avant.

Qui sont les prophètes ? Ceux dont Dieu se sert pour s’adresser à moi ; moi-même quand il m’invite à m’adresser aux autres de sa part. Au monastère, j’attends de mes frères qu’ils m’avertissent quand il m’arrive de m’égarer, mais j’ai besoin de leur estime pour assumer mon ministère, pour exercer sur eux l’autorité que Dieu m’a confiée. De cette expérience, je tire une règle bienfaisante : avertissons pères et frères quand il leur arrive de s’égarer, sans leur retirer notre estime au nom du bien qu’ils ont fait, au nom du bien qu’ils demeurent encore capable de faire. Sans cette liberté dans nos rapports, et sans ce respect et cette estime manifestée, tout se bloque : personne ne peut plus rien entendre, personne ne peut plus parler, tout progrès devient illusoire. Personne ne peut plus ni donner ni recevoir. Nous ne devons pas oublier que Dieu a déposé ses dons dans les vases d’argile d’hommes et de femmes faillibles et vulnérables, ni renoncer à l’ambition d’accomplir dignement les tâches que Dieu nous a confiées.

Écouter les prophètes et prophétiser

La prière la plus pure qui peut sortir des lèvres chrétiennes est celle que nous avons reçue du Sauveur. Nous demandons à Dieu de nous pardonner nos offenses “comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés”. Si nous cessons d’essayer de pardonner, nous cessons d’être chrétien ; nous cessons de croire que la grâce du Christ peut relever un homme qui est tombé. Nous vivons dans une société qui nie d’un seul mouvement le péché et la miséricorde. La justice sans la miséricorde n’est que cruauté, écrit saint Thomas d’Aquin, et la miséricorde sans justice n’est que faiblesse. Le pardon devra donc avoir toujours une place au milieu de nous. Sachant que reconnaître ses erreurs est la condition pour être pardonnés (Lc 17, 3-4).

Plutôt que de nous enfoncer dans des ornières et de nous condamner mutuellement, apprenons à parler en jugeant des actes sans juger les personnes. L’Écriture nous donne à cette fin d’excellents repères. Balaam était païen et servait un autre dieu que celui d’Israël. Quand l’esprit du Seigneur descendit sur lui, il en fut transformé : “L’homme au regard pénétrant, celui qui entend les paroles de Dieu, […] il voit ce que le Puissant lui fait voir… et ses yeux s’ouvrent” (Nb 24, 2-17). À l’inverse, les grands prêtres et les anciens du peuple, fiers de leur charge, ne voient pas qui est Jésus ni d’où lui vient son autorité. Jésus leur tend alors une perche en leur proposant de reconnaître que Jean-Baptiste est un prophète. Apeurés à l’idée de devoir écouter une parole qui les dérange, puisqu’elle leur propose une conversion plus profonde que leurs conceptions à courte vue, ils refusent de s’engager. La peur… toujours elle ! Et puisque Jésus sait fort bien que nul n’écoute s’il ne veut entendre, et qu’il est vain de parler à qui ne veut pas écouter, il se tait (Mt 21, 23-27).

Que nous est-il demandé ? D’avoir un regard pénétrant, d’entendre les paroles de Dieu, d’accepter de voir ce que Dieu nous fait voir, de le laisser ouvrir nos yeux clos, de répondre aux bonnes questions pour qu’il nous indique à qui il confie son autorité et quels sont les prophètes que nous devons écouter : généralement pas, évidemment, ceux que nous avons envie d’entendre !

Dans la tendresse du Père

“Dans ta tendresse… éclaire les ténèbres de nos cœurs par la grâce de ton Fils” (collecte du lundi, 3e sem. de l’Avent). Quand Dieu notre Père éclaire nos ténèbres par la grâce de son Fils, c’est, de sa part, un geste de tendresse. Nous vivons dans une nuit que le Christ vient éclairer quand nous nous rendons dociles à son autorité en écoutant les prophètes qu’il met sur notre route. Chacun doit donc assumer une double responsabilité : écouter les prophètes et prophétiser quand Dieu l’y invite. Il nous faut alors discerner qui nous devons écouter, et aussi quand et comment nous devons parler.

Pour discerner qui nous devons écouter, il y a cette parole d’Évangile : “Père…, je proclame ta louange. Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits” (Mt 11, 25).Il n’y a là aucun mépris pour la sagesse, l’intelligence et la science — l’acquérir est notre fierté —, mais une mise en garde : Dieu peut avoir quelque chose à nous dire quel que soit celui qui parle. Et puisque nous avons tous la tendance, à un moment ou à un autre, de nous prendre pour des sages ou des savants, Dieu sait alors nous coincer contre un mur, comme Balaam assis sur son ânesse, afin de nous remettre à notre juste place, en nous invitant à éclater de rire ! Père Jérôme de Sept-Fons disait, en déformant, avec son humour piquant, le prophète Zacharie (Za 4,7) : “Qui es-tu, grande montagne ? Une motte !” Et pour discerner quand et comment nous devons parler, il y a un critère très sûr. Dieu irrigue nos actes pour que s’y retrouvent la tendresse du Père, la vérité du Christ et l’amour de l’Esprit. Quels sont, parmi nos réactions, nos dires et nos silences, nos consentements et nos refus, ceux qui procèdent de cette source trinitaire ? 

Passer du “vous” au “nous”

“Vous, les évêques…”, disent les prêtres. “Vous, les prêtres…”, disent les évêques et les chrétiens dans le monde. “Vous, les chrétiens…”, disent ceux qui ne le sont pas. Etc. C’est dans le “nous” que l’Église prend corps, quand nous nous parlons et nous nous écoutons. Qui sont les prophètes ? Tous ceux qui ont quelque chose de vrai à nous dire et que nous avons du mal à entendre ; toi et moi également, quand nous disons le vrai avec amour. Jamais l’un sans l’autre, sous le regard du Père.

Découvrez aussi ces prophètes méconnus de l’Ancien Testament :

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DieuÉvangilesprophetie
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