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Alors que le projet de loi immigration est à l’étude au Sénat, celui-ci a supprimé l’aide médicale d’État (AME), qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès gratuit aux soins. La mesure fait polémique : tandis que certains fustigent ce qui constitue un "appel d’air" migratoire, d’autres s’opposent à cette révocation. "C’est la dignité même de la personne qui se joue dans notre capacité à prendre soin", rappelle Mgr Bruno Valentin, évêque de Carcassonne et Narbonne, membre du Conseil pour la Mission universelle de l’Église. Entretien.
Aleteia : Le projet de suppression de l’Aide médicale d’État (AME), apparu dans les discussions au Sénat, a suscité une vive réaction de plus de 3.000 soignants le mois dernier. Pourquoi est-il important qu’à son tour, l’Église prenne position sur ce sujet ?
Mgr Bruno Valentin : Il me semble que dans l’ensemble du débat sur l’immigration se joue à la fois un débat de raison et un débat de dignité. La question de la raison nous impose d’entendre les soignants et les économistes de la santé qui défendent l’AME et pour qui la supprimer, c’est laisser des maladies plus graves se développer au sein de la population. Il y a d’abord un enjeu de raison : il faut arrêter de faire des migrants le bouc-émissaire de nos débats politiques. Vient ensuite un enjeu de dignité : c’est la dignité même de la personne qui se joue dans notre capacité à prendre soin. L’intégration sociale, l’équilibre psychique, la capacité à contribuer à la vie économique de la nation et la santé physique, tout est lié. C’est une dégradation globale de la prise en charge de la personne qui est en cause ici.
La meilleure façon d’éviter les emballements d’ordre idéologique, c’est d’en revenir et d’en rester à la raison.
Le sujet politique est houleux, comment prendre position sur le sujet de l’immigration et allier justice et charité ?
En acceptant d’en revenir à la raison, c'est-à-dire en acceptant d’entendre les milliers d’hommes et de femmes qui, dans notre pays, sont au contact de cette population tous les jours par leur travail. Sur ce point, nous les évêques n’avons pas voulu porter une parole de principe sur laquelle nous aurions été en première ligne de la réflexion. Nous prenons acte de ce que disent les soignants et les spécialistes : la meilleure façon d’éviter les emballements d’ordre idéologique, c’est d’en revenir et d’en rester à la raison. Sur la question globale des migrants, il y a beaucoup de débats au sein de l’Église, et c’est légitime, mais je pense qu’on touche ici à des questions clefs de la dignité, non seulement des personnes concernées, mais aussi de notre pays lui-même. Un pays qui a presque tout entame sa propre dignité lorsqu'il considère que la priorité pour son équilibre est d’enlever à ceux qui n’ont presque rien.
Que répondre à ceux qui craignent des abus ?
Ces abus doivent être combattus comme tous les autres abus. Bien sûr que les abus sont immoraux, comme le sont les abus d’arrêts maladie, comme les sont les abus qui touchent aux 99,5% du reste du budget. Il ne me semble pas raisonnable d’arguer de l’existence d’abus pour supprimer ces 0,5% que représentent l’AME sur le budget alloué à la santé. Le fléau des abus et la menace qu’ils représentent pour la soutenabilité de notre modèle de santé est menaçant dans de bien plus grandes proportions ailleurs. Nous, les évêques, n’avons cependant pas légitimité à avoir un avis sur le sujet de savoir où prendre ailleurs ces 0,5%, qui représentent tout de même, et c’est considérable, 1,2 milliard d’euros. Nous avons surtout voulu formuler un appel à la conscience pour mettre un repère dans le débat actuel. Le discours de l’Église sur l’immigration fait place à ces discussions, puisque contrairement à ce que beaucoup pensent, il n’est pas unilatéral. Dans son encyclique Fratelli tutti, le Pape évoque cette tension à tenir entre cohésion sociale au sein de chaque pays et fraternité universelle à l’échelle mondiale. Cette tension appelle à des décisions de la part de nos gouvernants légitimes. C’est à chacun de prendre position selon sa conscience, notamment dans la perspective des échéances électorales qui s’approchent. C’est en revanche un devoir de chrétien que de ne pas s’en tenir à des jugements épidermiques liés aux faits divers dont on parle à la télévision. Notre déclaration ne vise pas à dire aux gens ce qu’ils ont à penser, elle vise à éclairer les consciences.