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L’Atelier Bakhita, bien plus que des robes de cortège

Grâce à l’atelier Bakhita, des dizaines de femmes en situation de grande précarité retrouvent le goût du beau et l’estime de soi à travers la couture.

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Mathilde de Robien - publié le 01/11/23
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Grâce à l’Atelier Bakhita, des dizaines de femmes en situation de grande précarité retrouvent le goût du beau et l’estime de soi à travers la couture, et notamment la confection de robes et accessoires pour les cortèges de mariage.

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L’Atelier Bakhita est un endroit unique pour de nombreuses femmes connaissant ou ayant connu la prostitution. Un havre de paix qui leur redonne le goût de la fraternité, de la beauté, de l’effort, en un mot, de la vie. Abrité par la Maison Bakhita, créée par le diocèse de Paris en septembre 2021 pour favoriser l’intégration des migrants, l’Atelier Bakhita s’étend sur 80 mètres carré dans la rue Jean Cottin, à Paris (18e arrondissement). Du lundi au jeudi, de 9 heures à 16 heures, huit femmes, en grande majorité nigérianes, se retrouvent pour coudre, sous la houlette d’une chef d’atelier qui les forme, les accompagne et gère la production. Une production qui se développe et qui s’est spécialisée, depuis 2021, dans les cortèges de mariage.

Lors de sa création en 2017 par l’association Aux Captifs, la libération, l’Atelier Bakhita permettait aux femmes d’apprendre à coudre pour elles-mêmes. Peu à peu, l’atelier de dynamisation est devenu un atelier d’insertion, où les couturières répondent à des commandes, vendent leurs créations et sont rémunérées pour leur travail. Il bénéficie du statut OACAS (Organisme d’Accueil Communautaire et d’Activités Solidaires) permettant à des personnes en situation de pré-insertion socio-professionnelle de participer à des activités encadrées. 

Depuis 2021, l’Atelier Bakhita s’est lancé dans les cortèges de mariage. "Une manière de créer de belles choses, que ce soient des robes, des bermudas, des ceintures, des lavallières, des cravates…, et de valoriser le travail des couturières", explique Florence de Dreux-Brézé, responsable de l’Atelier Bakhita et de l’Atelier Bosco, spécialisé dans la peinture en bâtiment. "Les couturières sont fières de réaliser des tenues de cortège, elles sont félicitées par les mariés, les cortèges sont pris en photo par des professionnels, les photos sont d’ailleurs exposées à l’atelier, c’est très valorisant." Les couturières n’apprennent plus seulement des techniques de couture ou des théories, elles réalisent des tenues pour des jours spéciaux, dans des tissus précieux et beaux. Elles travaillent notamment avec L’Enfant Roi qui fournit des patrons pour enfants que l’atelier adapte selon les envies des commanditaires.

Une forte demande pour les cortèges de mariage

L’activité des cortèges est en pleine expansion. Pour l’été 2021, l’Atelier Bakhita avait réalisé trois mariages. En 2022, pas moins de 24 mariées ont eu recours à leurs services. L’année 2023 s’annonce très belle également avec une vingtaine de commandes pour des mariages qui ne se cantonnent plus à l’été mais qui s’étendent même sur la saison hivernale. "Il existe très peu d’associations qui proposent de la confection de cortèges avec un impact social fort", avance Florence de Dreux-Brézé pour expliquer les raisons d’un tel succès.

En outre, le lien de l’association avec les paroisses joue un rôle important. "Aux Captifs, la libération est ancrée dans la vie paroissiale et diocésaine, or dans les paroisses, les gens se marient ! On s’est appuyé sur les paroisses qui nous soutiennent, et le bouche-à-oreille a fait le reste. Les cortèges bénéficient d’une belle visibilité, les mariés nous recommandent… Il y a une vraie sensibilité des personnes au projet."

Un accomplissement personnel

Au-delà de réaliser un joli cortège, les couturières se réalisent elles-mêmes. La meilleure preuve ? La plupart des femmes restent après 16 heures pour se coudre leurs propres vêtements. Un geste qui n’est pas anodin. En effet, toutes ont connu la prostitution, ou essaient d’en sortir. "Leur rapport au corps et au vêtement est éminemment complexe", souligne Florence de Dreux-Brézé. "Ici, elles s’habillent dans tous les sens du terme. Elles se créent, s’accomplissent, découvrent quelque chose qu’elles aiment faire". À l’Atelier, le corps n’est plus instrumentalisé ou maltraité. Mis en valeur et magnifié, il devient vecteur de beauté. Une expérience inédite pour ces femmes bien souvent victimes de la traite des êtres humains (TEH).

Au-delà de réaliser un joli cortège, les couturières se réalisent elles-mêmes.

Ici, on ne parle pas de prostitution. "Les femmes qui viennent sont couturières, on ne connaît pas leur parcours de vie", précise la responsable. Néanmoins, les couturières sont toutes connues de l’association Aux Captifs, la libération. Chaque couturière est suivie par un travailleur social dans une des antennes de l’association. Ainsi, en parallèle de l’atelier, les couturières poursuivent leur accompagnement social et participent aux autres activités de l’association : les prières, les cours de français, les sorties, les séjours et les permanences…

Un lieu de vie

Les couturières restent à l’atelier en moyenne 18 mois. Les bienfaits sont innombrables : confiance en soi, estime de soi, liens d’amitié, découverte du beau, du travail bien fait, de la rigueur, de la persévérance… "Je suis impressionnée de l’impact du beau sur les couturières", témoigne Florence de Dreux-Brézé. "Les cortèges de mariage sont beaux, les photos de mariage sont belles. Les couturières éprouvent un immense sentiment de fierté, elles se rendent compte qu’elles sont capables de réaliser de belles choses." La responsable témoigne aussi de l’autonomie qui se développe chez chacune de ces femmes de plus en plus alertes et compétentes en couture. Chacune a ses outils et se considère comme professionnelle.

"Les couturières éprouvent un immense sentiment de fierté, elles se rendent compte qu’elles sont capables de réaliser de belles choses."

Enfin, l’Atelier Bakhita est aussi un lieu de vie où se tissent des liens d’amitié très forts. Le vendredi est une "journée communautaire", en lien avec l’Atelier Bosco, une journée pour se retrouver et créer du lien, loin des aléas de la rue. Les femmes sont invitées à s’approprier la maison Bakhita, et ce n’est pas pour rien que ce lieu est appelé "maison". La responsable rapporte le témoignage récent d’une des couturières : "Avant, pour voir du monde, j’allais dans la rue, maintenant que j’ai l’atelier, je n’ai plus besoin". Un atelier de couture et une maison sous le patronage de sainte Joséphine Bakhita, jeune esclave soudanaise devenue maîtresse de sa vie. Une sainte de choc pour accompagner, veiller et encourager les couturières dans leur insertion socio-professionnelle.

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