Deux images illustrent les deux journées de rencontre du pape François à Marseille : la carte de la Méditerranée dans le palais du Pharo et la chape portée par le Pape durant la messe au stade Vélodrome. De blanc et de bleu, évoquant un collage d’Henri Matisse, la grande carte de la Méditerranée déployée au-dessus de l’estrade du palais du Pharo résumait à elle seule l’esprit de ces Rencontres méditerranéennes.
Une carte de la Grande Bleue
Une carte en négatif puisque la mer était la partie colorée, en bleu, quand la terre était représentée en blanc, à rebours de ce qui se fait habituellement dans les atlas, comme pour mieux mettre en avant la spécificité de la grande bleue. Une carte qui exprimait une vision très extensive de la Méditerranée puisque celle-ci intégrait la mer Noire, bordant ainsi l’Ukraine, la Russie et le Caucase. Le cardinal Aveline pouvait alors évoquer les "cinq rives de la Méditerranée" quand, dans le langage courant, on évoque d’habitude ses deux rives, nord et sud. Cinq rives, un concept novateur, pour rappeler que la Méditerranée comprend aussi le Pont-Euxin antique, l’Asie Mineure et le Proche-Orient. En somme, une vision très antique de la mer commune, le Mare nostrum des Romains.
Une mer pour unifier, en dépit de ses nombreuses fragmentations, de ses guerres sans fin et de ses drames. Une "mosaïque d’espérance" selon la formule du Pape. Une condamnation à l’espérance pourrait-on dire, tant il n’y a pas d’autre choix possible dans cet espace où la paix est une formule de salutation habituelle, mais un état de vie malheureusement non habituel. Si le cardinal Aveline, en tant qu’archevêque de Marseille, a été très en vue, l’évêque de Corse, Mgr Bustillo, fut plus discret, alors qu’il sera créé cardinal par le Pape le 30 septembre prochain. Une autre attention à l’égard de la Méditerranée dans un parterre où se trouvaient également l’évêque d’Alger, le Français Jean-Paul Vesco, et plusieurs représentants des Églises orientales. Dans cet auditorium du Pharo, dominant le vieux port, ce sont deux mille ans d’histoire du christianisme qui étaient représentés, chrétiens d’Orient et chrétiens d’Occident regroupés pour traiter des mêmes maux.
Une chape de bleu et d’or
Haut lieu du football et de l’OM, le Stade-Vélodrome fut disposé dans une configuration inédite, celle d’une cathédrale pour une messe du Pape devant près de 60.000 personnes. Une messe fruit d’une prouesse technique, celle d’avoir pu transformer et équiper le stade en seulement trois jours, entre le match de rugby France-Namibie et la venue du Pape. Ces deux jours furent un succès logistique indéniable puisque la sécurité fut parfaitement maîtrisée, ce qui était loin d’être évident dans une ville qui est l’une des plus criminogènes de France.
La chape portée par le Pape durant la messe était aux couleurs de Marseille : blanc et bleu, rehaussée de fils d’or. Comme la statue de la Vierge Marie disposée à côté de lui et les drapeaux agités par la foule lors de son passage sur l’avenue du Prado. Pendant deux jours, Marseille a fait la Une de l’actualité pour autre chose que les trafics de drogue et les assassinats par balle. La venue du Pape a permis un moment d’unité et de joie qui a transcendé les différences religieuses et permis d’unir une cité phocéenne souvent fracturée. Les Rencontres méditerranéennes sont passées au second plan dans l’effervescence de la messe au Vélodrome, preuve que le Christ unit et rassemble et que son vicaire est la figure de l’unité de l’Église. Si les propos répétés sur les migrants étaient attendus et ont répondu aux attentes, pour Marseille, c’est d’abord ce moment d’unité et de joie qui demeure, après ces deux journées d’effervescence où la ville a pu montrer à la France un visage d’espérance.