Luc rapporte le miracle du fils de la veuve dans son évangile juste après la guérison du serviteur du centurion à Capharnaüm. Ce miracle a eu lieu précisément à Naïn (ou Naïm), petit village situé au sud de Nazareth, et qui se trouvait sur le chemin qu’emprunta Jésus pour se rendre à Jérusalem, étape ultime avant sa Passion. Suivi par ses disciples et une grande foule, Il aperçoit en chemin un cortège funéraire avec à sa tête une femme éplorée par la perte de son fils. Jésus pris de compassion lui adresse alors ces mots bouleversants : "Ne pleure pas". Nous savons combien le Christ connaissait intimement les sentiments humains pour les avoir éprouvés lui-même ; rappelons-nous ses larmes lors de la mort de son ami Lazare... Mais, lors de notre épisode biblique, Jésus va dépasser cette compassion en touchant le cercueil et en s’adressant, nous précise l’Évangéliste Luc, directement au jeune défunt : "Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi." (Lc 7, 14). C’est alors que le fils de la veuve retrouva la vie et se mit à parler…
Briser les barrières
Par ce miracle bouleversant, Jésus brise les barrières de la vie et de la mort, anticipant en cela la mort prochaine qui l’attend sur la croix et sa résurrection. Par ses mots prescriptifs, Jésus ordonne à la vie et à la mort de se soumettre à la toute-puissance divine ainsi que l’avait fait par le passé le prophète Élie en guérissant lui-même le fils de la veuve chez qui il résidait : "Élie prit alors l’enfant, de sa chambre il le descendit dans la maison, le remit à sa mère et dit : 'Regarde, ton fils est vivant !'" (1 R 17, 23). Ce précédent était connu de la foule qui entourait Jésus et qui n’hésita pas à rendre gloire à Dieu en disant : "Un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple." Mais, comme lors des autres miracles, Jésus n’apparaît pas ici comme un simple guérisseur tel qu’il en existait tant à son époque, mais bien comme l’envoyé de Dieu, un envoyé dont l’identité n’est pas encore connue mais qui commence à se manifester par ces signes miraculeux dont l’écho se répandit dans la Judée entière.
Une guérison annonciatrice
Cependant, si le fils de la veuve retrouve vie à l’image de Lazare ou de la fille de Jaïre, il ne s’agit pas pour autant de confondre ces résurrections avec la résurrection prochaine de Jésus après sa mort sur la Croix. Benoît XVI dans son deuxième tome du "Jésus de Nazareth" souligne clairement ce point :
Si dans la résurrection de Jésus il ne s'était agi que du miracle d'un cadavre réanimé, cela ne nous intéresserait, en fin de compte, en aucune manière. Cela ne serait pas plus important que la réanimation, grâce à l'habileté des médecins, de personnes cliniquement mortes.
Le Pape rappelle en effet que : "La résurrection de Jésus fut l'évasion vers un genre de vie totalement nouveau, vers une vie qui n'est plus soumise à la loi de la mort et du devenir mais qui est située au-delà de cela - une vie qui a inauguré une nouvelle dimension de l'être-homme" à la différence du fils de la veuve qui reprit le cours de sa vie pour de nouveau mourir ultérieurement.
Un miracle puissant
Le peintre néoclassique français, Jean-Baptiste Wicar (1762-1834), a su se saisir de la force dramatique de ce miracle du fils de la veuve dans cette huile sur toile réalisée alors que l’artiste français s’était définitivement installé à Rome. Cette œuvre monumentale de près de 6 mètres ( 5,7 m) sur 9 mètres et aujourd’hui conservée au palais des Beaux-Arts de Lille exigea pas moins de dix années à l’artiste pour sa réalisation ; son achèvement contribua à la notoriété de son auteur dans sa ville d’élection.
L’ami de Canova et du graveur Pietro Fontana évoque par cette œuvre puissante la maîtrise de Jésus sur la vie et la mort avec ce geste ferme du bras et de la main intimant au mort de revenir à la vie, ce à quoi le trépassé obéit en écartant les voiles funéraires qui recouvraient son corps. Deux faisceaux lumineux, synonymes de vie, se focalisent sur Jésus et sur le jeune ressuscité jusqu’alors tenu par la mort. La foule assiste, stupéfaite, à ce rapport de force d’où la vie sort victorieuse ainsi que le souligne le visage de la propre mère du défunt.