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Ces signes de contradiction pour les bons paroissiens

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JOEL SAGET / AFP

Jacques Gaillot.

Xavier Patier - publié le 19/04/23

Ces chrétiens "signes de contradiction", ne les jugeons-nous pas trop vite, se demande l’écrivain Xavier Patier ? Le Christ n’a pas enseigné l’obsession du péché et la haine du pécheur, mais exactement le contraire : le rejet du péché et l'amour du pécheur.

Le père Jacques Gaillot est mort. Il est urgent de ne pas le juger trop vite. Mieux vaut ne pas juger trop vite, en général, si l’on ne veut pas se tromper. Et d’ailleurs mieux vaut ne pas juger du tout, pour cette simple raison que le Christ nous l’a explicitement interdit : “Ne jugez pas.” On ne saurait être plus clair. Le Christ a ajouté à cette interdiction limpide une injonction positive encore plus folle et encore plus claire : “Aimez vos ennemis.” Comme le disait récemment un prêtre africain de ma paroisse, il est plus facile d’aimer Vladimir Poutine que d’aimer tel de nos proches. Nos ennemis ne sont pas d’abord ces méchants éloignés qui déclenchent des guerres ou commettent des crimes : ce sont des personnes que nous croisons tous les jours, ce sont nos amis.

L’amour du pécheur

Avant d’éreinter Mgr Gaillot, il est bon de se rappeler que le jugement moral est étranger à l’enseignement du Christ pour cette raison que, sans jugement, il n’est point de morale possible. Le “Ne jugez pas” a délégitimé par avance toute possibilité d’un ordre moral chrétien. Les âges d’ordre moral, quand en certains siècles l’Église a disposé du pouvoir temporel, ont toujours été des âges sombres pour le Royaume de Dieu. L’Église n’a jamais été si misérable que lorsqu’elle disposait de la puissance politique et donc morale : ce n’est pas un jugement que je rends, c’est un fait historique que je relève. Le Christ ne nous a jamais demandé, au nom de la merveilleuse aventure de fidélité proposée aux chrétiens, de tenter de faire interdire l’adultère par le code pénal. Il relève la pécheresse en lui disant : “Va et ne pèche plus”, et non pas : reste ici et purge ta peine. Il condamne l’attitude de ceux qui mettent des fardeaux pesants sur les épaules des autres et ne veulent pas les remuer du doigt. Et donc le christianisme n’a pas à se sentir comptable des actuels déboires de la morale naturelle, même si la grâce n’abolit pas la nature.

Le Christ n’a pas enseigné l’obsession du péché et la haine du pécheur, mais exactement le contraire : le rejet du péché et l’amour du pécheur. Mgr Gaillot, avec ses provocations exaspérantes et ses fantaisies sociétales, l’avait peut-être compris mieux que nous. Et Jean Cardonnel aussi, qui rejoignait Blaise Pascal quand celui-ci affirmait que ceux qui fondent leur foi en Dieu sur les seules lois de la nature se condamnent au “déisme”, aussi éloigné du christianisme que peut l’être l’athéisme. Dieu se cache dans la nature et se révèle dans le Christ. Jésus nous commande l’amour de ce prochain très proche qui n’est pas un assassin, qui se réclame de notre Sainte Église, et nous agace tellement parce qu’il ne pense pas exactement comme nous, fût-il évêque ou père dominicain. Aimons cet ennemi. 

Aimons nos ennemis, qui souvent sont nos coreligionnaires et parfois nos amis.

Lisons d’un trait les Évangiles : ils laissent l’image d’un Jésus qui, malgré d’incontestables talents oratoires, une exceptionnelle empathie et un charisme de guérison, cultive l’art de se faire des ennemis par manque de ce que nous appelons le discernement politique. Il se laisse parfumer les pieds en public avec un nard de luxe malgré la misère du peuple, a le front de ne pas croire à l’efficacité des politiques sociales (“Les pauvres, vous les aurez toujours avec vous”), donne raison à une paresseuse mystique contre sa sœur ménagère qu’elle exploite sans scrupule (“Marthe, tu t’agites pour bien des choses”) , s’invite à festoyer aux frais du contribuable chez des élites hors-sol (Zachée), dénigre la famille traditionnelle (“Qui sont mes frères, qui sont mes sœurs ?”), néglige les fêtes chômées et zappe les consignes sanitaires (lavage des mains), bat froid sa propre mère (“Femme, que me veux-tu ?”), recrute des disciples chez les technocrates soumis à l’ordre mondialisé (Matthieu), insulte les religieux de la droite modérée légitimement attachés aux valeurs de la transmission (“Sépulcres blanchis !”), offre aux prostituées un coupe-fil pour le Paradis, fouette sans préavis d’honorables commerçants (du Temple), par-dessus le marché nous demande d’aimer nos ennemis et, provocation ultime, se dit Dieu. 

Si le Christ est Dieu

La seule question qui compte tient dans sa dernière prétention : est-il Dieu ? Aucune autre question que celle-là mérite de nous tarauder. Jésus est-il Dieu ? Si le Christ n’est pas ressuscité d’entre les morts, s’il n’est pas Dieu, il est un imposteur. Alors dans ce cas, mangeons, buvons et forniquons, propose logiquement saint Paul. Et on peut ajouter : jugeons, condamnons, haïssons. Envoyons tous les Jacques Gaillot et tous les Jean Cardonnel en enfer. Mais si le Christ est ressuscité des morts, s’Il est Dieu, alors ne censurons pas son Évangile : ne jugeons pas. Aimons nos ennemis, qui souvent sont nos coreligionnaires et parfois nos amis.

Les signes de contradiction qu’ont pu être Mgr Jacques Gaillot adepte du mariage homosexuel ou, plus anciennement, un dominicain maoïste comme Jean Cardonnel, il ne faut pas nous imaginer plus intelligents qu’eux. Lisons les livres de Jacques Gaillot et de Jean Cardonnel avec les yeux du Ressuscité (lequel Ressuscité nous a appris accessoirement à éviter le fétichisme de l’écrit : on le ne voit jamais lire — excepté Isaïe à la synagogue pour déclarer que l’Écriture est accomplie — jamais s’inquiéter d’un texte rédigé, jamais écrire lui-même, si ce n’est une seule fois et encore sur le sable, et des mots illisibles aussitôt effacés avant le pardonner à la femme adultère). Nous sortirons de ces lectures plus informés, sinon plus convaincus. Nous n’abdiquerons pas notre discernement. Mais nous aimerons nos ennemis et nous découvrirons qu’ils ont cessé d’être des ennemis. 

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