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Le retour des démons Birmans

Une église catholique située à Hakha, dans l'État Chin (Birmanie).

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Sylvain Dorient - publié le 11/09/22
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Prise dans l’enchevêtrement du conflit qui secoue le Myanmar, la minorité chrétienne ne voit pas de sortie de crise. Elle survit, sous la surveillance étroite du régime. Un chrétien birman anonyme témoigne pour l’AED.

"On ne croyait pas qu’ils allaient faire ce coup d’État. On imaginait que la période de la guerre civile était derrière nous", témoigne un chrétien depuis une zone solidement occupée par la junte birmane. Depuis le 1er février 2021, l’armée birmane a repris par la force le contrôle du pays. Ce témoin rapporte des scènes que l’on croyait appartenir au passé. Ainsi a-t-il rencontré cette année une mère de famille qui pleurait devant son foyer détruit en disant : "Mon père a bâti cette maison, je ne la verrai plus debout". 

Pour ceux, comme notre chrétien anonyme qui vivent à présent dans les zones contrôlées par le gouvernement birman, un semblant de vie normale reprend ; mais dans des conditions qui se dégradent de jour en jour. La population se sait sous surveillance, la soldatesque birmane ne se privant pas de mener des perquisitions musclées et des arrestations arbitraires. Il est par ailleurs possible de se rendre à la messe, mais chacun sait que l’homélie du prêtre est enregistrée et attentivement écoutée. 

En voie de libanisation 

Économiquement, le pays est en voie de libanisation. Les coupures d’électricités sont de plus en plus fréquentes, de plus en plus longues. L’inflation, qui était déjà sévère avant l’été 2022 a atteint des niveaux catastrophiques. Avant août 2022, 3000 Kyats valaient un dollar ; en septembre la valeur est de 4500 Kyats pour un dollar. 

L’accès au service public devient lui aussi problématique. La grande majorité des hôpitaux manque de tout, en particulier de médecin et le peu de ressources disponibles sont allouées aux proches du régime. Sur le plan de l’éducation, le bilan paraît plus terrible encore, car la majorité des élèves n’ont plus été scolarisés depuis les confinements liés à l’épidémie de Covid19. Ils ont passé trois années sans enseignements. À présent les écoles réouvrent dans des conditions déplorables, faute de budget. "De toute façon, la plupart des parents refusent de mettre leurs enfants à l’école, de peur de faire croire qu’ils cautionnent l’actuel gouvernement", constate notre chrétien birman. Quand bien même le Myanmar aurait les moyens économiques de revenir à un semblant de normalité – et il ne les a pas – il en serait empêché par la résistance de sa population. 

Manifestations éclair

Cette résistance se traduit de diverses manières. Des manifestations géantes ont débuté dès le lendemain du 2 février, puis ont été réprimées dans le sang. À présent, des évènements-éclairs les ont remplacés, des Birmans se réunissant rapidement, se prenant en photo pour les réseaux sociaux puis se dispersant avant l’arrivée des forces de sécurité. Cette opposition se traduit aussi par une confrontation armée avec une partie de la population. Les armées des ethnies minoritaires, en premier lieu.

Comme par le passé, des armées composées d’ethnies comme les Karens, les Chin ou les Kachin empêchent l’armée birmane de contrôler les États périphériques du pays. La nouveauté, c’est qu’à présent des Bamars – membre de la majorité à laquelle appartient aussi la junte – prennent les armes pour réclamer la démocratie. 

À présent, la junte est dans une impasse. Malgré la politique de répression très dure qu’elle opère dans les zones ethniques, brûlant, pillant des villages entiers, elle essuie des revers importants. Mais à l’inverse, son opposition est morcelée, et paraît incapable elle aussi de l’emporter. 

Le pays dans une impasse

Historiquement, la junte militaire s’est imposée par la force dans la période troublée qui a succédé à la création de la Birmanie. À partir de fin 2010, elle a montré des signes d’ouverture, réintroduisant des élections et libérant la célèbre opposante Aung San Su Kyi de prison. Les militaires espéraient conserver une partie du pouvoir grâce à leur assise populaire, mais ils ont constaté qu’ils perdaient prise, élection après élection. C’est ce qui a précipité leur décision de réaliser le coup d’État du 1er février 2021. S’ils espéraient retrouver le contrôle qu’ils avaient avant 2010, ils en sont pour leurs frais explique Guillaume de Langre dans un entretien accordé à la revue Conflits : "Le pays a goûté à la démocratie, il est à présent plus ouvert sur le monde et a une faculté de résistance plus grande". 

Guillaume de Langre, qui fut ingénieur dans le domaine énergétique au Myanmar, n’imagine pas la junte renoncer au pouvoir qu’elle a reconquis. À présent, elle n’a pas d’autre choix que d’aggraver la répression déjà terrible qu’elle opère contre son peuple. La seule sortie de crise envisageable serait la victoire par les armes de l’un des deux camps en présence.

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