Anticipant la parution de son rapport annuel en septembre prochain, le président actuel de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), Christian Gravel, délivre quelques chiffres. Le nombre de 500 mouvements à caractère sectaire en France serait très largement sous-estimé, le nombre de 500.000 victimes également. Selon lui le phénomène aurait gagné en ampleur à la faveur des confinements successifs : un cocktail délétère associant isolement, inquiétude sanitaire, et complotisme relayé par les réseaux sociaux.
Des chrétiens vulnérables
Un fait est frappant : 40% des saisines, autrement dit des signalements, concerne les mouvements de recherche du bien-être et de la santé. Le nombre d’associations proposant des médecines alternatives, assorties de promesses de guérisons miraculeuses ne cesse d’augmenter. Ce phénomène n’est pas anodin et doit particulièrement attirer l’attention des catholiques.
Plus nous nous formons et ancrons nos jeunes dans l’intelligence de la foi, plus nous les protégeons des nouvelles formes d’emprise sectaire.
En effet, il faut admettre que les chrétiens pourraient représenter un public particulièrement vulnérable : ils croient au pouvoir de guérison de la prière, à la puissance de Dieu, aux miracles de Jésus. Ils se méfient du positivisme scientifique, c’est-à-dire de la croyance à un pouvoir illimité de la science. Et comme rien ne ressemble plus à une religion qu’une secte, certains joueurs de flûte entraînent à leur suite des chrétiens de bonne foi, sous des airs et une rhétorique aux accents catholiques. Ils ne sont plus déguisés en toge blanche comme dans les années quatre-vingt, mais promènent leurs jeans-baskets sur Youtube à longueur de conférences.
Mais alors quelle est l’arme qui peut faire obstacle à l’emprise sectaire ? Cette question importe, pour une raison donnée plus haut : nos jeunes ont été particulièrement éprouvés psychiquement par le confinement, et ont englouti leur temps dans la fréquentation des réseaux sociaux.
L’intelligence de la foi
Paradoxalement, ce n’est pas la science qui est apte à protéger de la tendance à la superstition et donc à la vulnérabilité à l’emprise sectaire, même si l’ignorance en fait le lit. Pourquoi ? Parce que la connaissance des lois de la biologie, de la physique ou de la médecine n’apaise pas les inquiétudes fondamentales portant sur le sens de la vie, ou la vie après la mort. Or ce sont principalement ces inquiétudes et les promesses d’un monde meilleur qui alimentent les discours souvent apocalyptiques des sectes. C’est donc une erreur de penser que le phénomène religieux est le marchepied des sectes, c’est même tout l’inverse.
Paradoxalement, la croyance en Jésus seul qui sauve, voilà l’arme fatale. D’une part Jésus a confié sa puissance de salut aux mains des hommes, c’est le sens même de l'Eucharistie : et c’est pourquoi partout où il y a eu des chrétiens, se sont dressés des soignants efficaces comme Camille de Lélis, ancêtre de la Croix rouge, des médecins rationnels à commencer par saint Luc, ou saint Jean de Dieu, des biologistes comme Pasteur qui était catholique. On ne peut être chrétien et dédaigner ou trafiquer le secours de l’intelligence humaine, pour se tourner vers des techniques ésotériques.
Par ailleurs le chrétien sait déjà qu’il existe un monde où "jeunes et vieux se réjouiront ensemble" (Jr 31, 13), où sera "changé le deuil en allégresse" (Ps 29), il n’a pas besoin de croire à des promesses de salut ou de purification cosmique par la magie des tubercules associée à la méditation pataphysique. Donc, plus nous nous formons et ancrons nos jeunes dans l’intelligence de la foi, plus nous les protégeons des nouvelles formes d’emprise sectaire.