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Saint Jean de Dieu, les “fous”, et sa vocation

Saint Jean de Dieu Shutterstock

Statue de saint Jean de Dieu à Avila, en Espagne.

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Aliénor Goudet - publié le 07/03/21 - mis à jour le 06/03/23
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La conversion renversante de Jean de Dieu (1495-1550) survient après un sermon de Jean d'Avila. S'ensuit une extase telle qu’on le prend pour un fou et qu'il est enfermé quelque temps dans un asile. C’est dans celui-ci que le futur saint patron des malades va découvrir sa vocation.

Grenade, 20 janvier 1537. Dans une rue grouillante de Grenade, la foule s’écarte pour laisser passer trois hommes. Deux soldats en armure traînent un individu à moitié nu et crotté. Des murmures se répandent. Est-ce lui, l’énergumène qui s’est soudainement mis à se rouler dans la boue en criant le nom de Dieu ? Celui qui a déchiré ses vêtements ? N’est-ce pas Jean, le marchand d’ouvrages ambulant ? La folie l’a donc bel et bien frappé.

Mais le fou en question n’a que faire de ces murmures. Même traîné ainsi comme un malpropre, il ne peut s'empêcher de regarder vers le ciel. Le Dieu qui aime et qui règne l’a saisi au cœur et ne le lâchera plus jamais. Comment a-t-il pu ignorer un tel amour pendant plus de quarante ans ? Il ne peut s’empêcher de sourire et de verser des larmes.

- Miséricorde, crie-t-il sans arrêt. Miséricorde !

Les soldats s'arrêtent enfin. On ouvre les portes de l’hôpital Royal et on explique au physicien la situation. Un coup d’œil plus tard, on l’asperge d’eau glacée. Puis on le fouette pour chasser le mal avant de le jeter dans une pièce sombre. Une minuscule fenêtre sous le plafond laisse passer quelques rayons de soleil. Et l’extase de Jean retombe bien vite. Il n’est pas seul.

Une femme ne cesse de crier qu’on lui rende son enfant. Elle griffe de ses ongles ensanglantés le mur comme pour essayer d’atteindre la fenêtre. Recroquevillé dans un coin, un homme au regard perdu se balance d’avant en arrière et bave. Un enfant, ligoté sur le sol, gémit comme un animal pris dans un piège. Le sang de Jean ne fait qu’un tour. Il s’approche pour libérer l’enfant mais une voix l’arrête.

- Ça ne sert à rien, lui dit un cul-de-jatte au sol. Le petit se frappe la tête jusqu’au sang et mord s’il n’est pas attaché.

La pièce empeste la moisissure et l’urine. Il n’y a même pas de paille pour dormir confortablement. Et la porte, fermée à double tour, ne s’ouvre que pour laisser entrer les soignants.

Dans les jours qui suivent, Jean constate avec effroi les traitements de ses compagnons de chambre. On ne les sort que pour leur faire prendre des bains glacés. Personne ne bronche quand ils crient la journée. Mais s’ils crient la nuit, on les bat jusqu’à ce qu’ils se taisent. Ils vivent dans leurs vêtements souillés des jours entiers avant qu’on ne daigne les changer. Et la lumière du jour ne leur vient que par cette minuscule fenêtre. Le cœur de Jean se serre à chaque cri de faim, de douleur et de folie pure.

- C’est entendu Seigneur, dit-il dans sa prière. Ce sont eux dont je prendrai soin.

Le lendemain, Jean demande aux soignants de quoi nettoyer les plaies de ses compagnons. Ils ont besoin de vêtements chauds, de matelas et de nourriture. On lui répond que rien n’est disponible à part de l’eau et des bandages. Alors Jean lave un à un ses compagnons. Il échange sa tunique propre et bande les plaies de ceux qui ont été battus la veille. Quelques temps plus tard, voyant que la lucidité lui est revenue, l’hôpital le relâche.

- Je reviendrai les chercher, dit-il avant de partir.

À dater de ce jour, Jean mendie pour récolter de quoi subvenir aux besoins de ses "fous". Tous les jours, il fait l’aumône dans la rue. Il fonde une "maison de Dieu" pour accueillir tous les affligés dont personne ne prend soin.

- Frères, dit-il. Faites-vous du bien à vous-mêmes en donnant !

Jean d’Avila l’encourage dans cette vocation. Touchés par son altruisme, les habitants de Grenade le surnomment rapidement "Jean de Dieu". Petit à petit, des disciples le rejoignent pour former l’Ordre des hospitaliers.

Saint Jean de Dieu rend l’âme le 8 mars 1550 après treize ans de service auprès des affligés. Il est canonisé par le pape Alexandre VIII en 1690. On dit que le saint patron des malades et des hôpitaux a également porté la couronne du Christ.

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