Que signifie « consentir » ? Cela signifie décider d’accepter une proposition qui nous est faite. C’est une réponse à une offre. Qui peut être mutuelle, d’où l’existence du consentement mutuel. Toute existence est faite de propositions, de situations devant lesquelles nous sommes placés d’entrée de jeu : par exemple ce corps sexué que nous avons, ce corps d’homme ou de femme qui est le nôtre a précédé la conscience que nous en avons eu. Aucun de nous s’est génétiquement programmé lui-même avant même sa conception ! Nous avons eu à découvrir cette situation dans laquelle nous avons été plongés, qui a devancé notre volonté et notre liberté. Et nous ne cessons de la découvrir, de l’explorer au fur et à mesure où notre vie avance : une existence humaine suffit à peine à explorer la richesse et l’intensité d’une vie d’homme, d’une vie de femme, jour après jour, et parfois sans tambours ni trompettes.
Consentir, c’est donc bien cela, adhérer à une proposition qui nous est faite. C’est un acte de liberté pleine et entière que de reconnaître notre condition (on est homme, on est femme, on est mortel, on est fragile) et de se lancer dans l’aventure qui consiste à en découvrir, en explorer, en accomplir tous les aspects.
Les caractères d’un authentique consentement
Par ailleurs, nous sommes des êtres de relation, il faut nous attendre à ce que nous soyons partie prenante de nos existences respectives, il faut s’attendre à ce que notre propre bonheur ne soit pas indépendant de ce que les autres décideront pour eux-mêmes et pour nous… C’est précisément ici, parce que l’être humain est, comme le disait Aristote, zoon politicon, cet animal fait par la vie en société et pour la vie en société, que nous avons à mettre au clair ce à quoi nous pouvons légitimement consentir lorsque s’exprime le désir de l’autre.
N’y a-t-il pas dans nos choix des ressorts inconscients ? des pressions que nous ne parvenons pas à nommer (conformisme social, pression du groupe ou des réseaux, peur du chômage…) ?
Dans le domaine des relations humaines un véritable consentement se doit d'être libre et éclairé. Libre : cela veut dire que celui qui entre dans la relation, qui est partie prenante, ne doit être ni soumis à la menace, à une pression à une contrainte, ni à la violence ou un effet de surprise. Éclairé signifie que le sujet doit être conscient de la nature de ce qu’il fait et des conséquences possibles de son action. Voilà ce qui permet par exemple de qualifier les violences sexuelles. Faut-il le rappeler, le consentement est la condition non négociable du respect de la liberté intérieure et extérieure, il est exigé par notre dignité de sujet capable d’aller vers sa fin de sa propre initiative. Il exprime le fait qu’une personne ne peut être considérée comme un objet à la disposition des projets d’autrui.
La zone grise du consentement
Mais alors on voit deux difficultés se présenter. D’une part le consentement est souvent accompagné d’une zone grise : sommes-nous toujours conscients des conséquences de nos actions, de nos décisions, et pouvons-nous toujours l’être ? N’y a-t-il pas dans nos choix des ressorts inconscients ? des pressions que nous ne parvenons pas à nommer (conformisme social, pression du groupe ou des réseaux, peur du chômage…) ? Et par ailleurs la notion de consentement comporte, on l’a vu, l’idée d’une réponse à une sollicitation, puisqu’il s’agit de donner son accord ou non à une proposition. Par définition il peut être soumis à la négociation, ou pire, à la manipulation.
Par conséquent, puisque le consentement est parfois gris, et fluctuant, négociable, il faut que nous ayons des gardes fous indépendants ; que nous puissions nous dire que ceci est, quoi qu’il arrive, non négociable. Par principe, c’est non, ce sera toujours non. Et si j’y consens, ou si je donne l’impression d’y consentir c’est que je me trompe. On ne peut donc faire du consentement le seul critère de la légitimité d’une action, de sa moralité. Sinon on pourra justifier ce genre de raisonnements : tant qu’elle dit oui, j’ai le droit. Rappelons-le, toute atteinte à la dignité d’une personne, à son intégrité physique, à ses biens, à sa réputation (qu’elle y consente ou non) est moralement indéfendable. On ne peut donc traiter comme un objet qui que soit, même s’il y consent : c’est en réalité une atteinte profonde à sa liberté, à son statut de sujet apte à aller de lui-même vers ce qui le réalise et le fait grandir en humanité. C’est bien ce à quoi chacun aspire.