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Pourquoi les animaux ne parlent pas ?

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Jeanne Larghero - publié le 05/11/21
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Chaque vendredi, la philosophe Jeanne Larghero éclaire les petites et grandes questions de l’existence à la lumière de l’éthique chrétienne. Elle nous invite cette semaine à observer un enfant se construire un monde intérieur grâce à l’apprentissage du langage. Ce dont les animaux, même les plus évolués, sont incapables.

Les mots ne sont pas des étiquettes posées sur le réel, un réel qui serait lui-même divisé en pièces de puzzle prédécoupés : ce serait imaginer l’univers comme un immense château de lego, devant lequel on apprendrait par cœur, minutieusement, le nom de chaque brique, et le nom de chaque catégorie de brique. C’est tout l’inverse qui se produit : la façon dont l’enfant prend progressivement, mois par mois, possession de sa langue maternelle est très instructive. 

L’apprentissage de l’enfant

Face au fouillis de sons qui lui parviennent, depuis sa naissance et même bien avant sa naissance, son jeune cerveau établit des liens d'associations, de reconnaissance de la répétition de certains sons, de leurs combinaisons, jusqu’au jour où enfin il se lance. Après avoir gazouillé, bredouillé, zozoté, après avoir été guidé et corrigé par ses parents, il se construit un monde intérieur dans lequel une boule n’est pas une poule même si les sons sont proches, un monde dans lequel une auto n’est pas une moto, même si les deux font vroum vroum… Autrement dit, par l’assimilation de la langue, le monde peut être perçu par l’enfant dans sa précision : les relations de cause à effet lui parviennent, grâce à ce prodigieux travail de généralisation et d'abstraction que sa jeune intelligence est en train de fournir. Le fouillis du monde, ce fouillis de couleurs, de bruits et de formes se constitue comme un monde ordonné au fur et à mesure que la construction des phrases prend du sens pour lui. 

Désigner ce que nous ne voyons pas

L’enfant peut non seulement avoir accès au réel, mais il peut également inventer un autre monde. La parole ne sert pas à désigner le réel, comme le pensait la philosophie nominaliste pour qui les mots sont des catégories posées sur les perceptions, ce qui ferait de nous des singes savants, de ceux qui mémorisent un grand nombre de signes et apprennent à les associer à des objets. La langue que nous apprenons ne nous sert pas seulement à décrire des objets et à mettre des mots sur les choses, à dire que le chat mange la souris, elle nous permet de dire qu’un lion parle à un rat, qu’un renard se moque d’un corbeau, qu’un agneau négocie avec un loup, ou que la terre est bleue comme une orange. Notre langue nous permet surtout de dire un monde que nous ne voyons pas, elle nous rend capable de penser et de dire que Dieu existe. 

Les animaux les plus évolués sont dotés d’outils de communication et sont capables, notamment les grands singes, d’acquérir et d’utiliser un certain nombre de signes. Cependant on ne peut les considérer comme des êtres vivants capables de parole, comme tendent à le faire trop souvent les tenants de la cause animale : cela consisterait à ignorer la complexité de l’apprentissage de la langue chez les humains, à ignorer la richesse symbolique de la parole et à considérer finalement qu’on éduque un enfant comme on élève un singe savant.

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