La nuit, alors que le monde se repose et que règne le silence, certains veillent et prient. Pourquoi le calme nocturne est-il propice à la prière ? Est-ce la condition idéale pour une prière plus efficace ?
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"Comme beaucoup, je souffrais d’insomnies dues probablement au stress et aux angoisses du quotidien. Les yeux grands ouverts, je comptais les moutons ou les fissures sur le mur, incapable de trouver le sommeil alors que le reste de la famille dormait paisiblement… Et un jour, cette idée m’est venue : plutôt que de tenter de provoquer sans succès mon endormissement, il vaut mieux transformer mes insomnies en veilles." C’est ainsi que Julie confie à Aleteia comment sa vie a changé. Prof de français à Nantes et mère d’un petit garçon de 3 ans, elle le confirme : maintenant, dès qu’elle est éveillée en pleine nuit, elle s’adresse à Dieu dans la prière : "Seigneur, je suis là, je me mets à ton écoute".
C’est une expérience étonnante pour moi : ce temps qui se dilate me permet de plonger entièrement en mon intérieur, comme un sous-marin en eaux profondes.
Depuis lors, ses moments de veille, même s’ils ne sont pas volontaires, restent pour elle très précieux : "Je me sens connectée pleinement à Dieu, de façon beaucoup plus forte, grâce au silence et au calme nocturne, loin du rythme trépidant de la journée. C’est une expérience étonnante pour moi : ce temps qui se dilate me permet de plonger entièrement en mon intérieur, comme un sous-marin en eaux profondes. Parfois j’ai presque envie de ne pas remonter à la surface pour ne pas quitter cet espace paisible où Dieu se manifeste. C’est très surprenant car avant, j’étais angoissée, même désespérée quand le sommeil ne revenait pas…", reconnaît-elle.
Si tout chrétien est invité à consacrer à la prière une certaine partie de la nuit, la durée a peu d’importance : même une très courte veille est l’œuvre de l’Esprit saint en nous.
Dépasser sa propension à l’endormissement pour rester avec Dieu "conduit à la découverte d’une veille plus intérieure, souvent éclipsée par les soucis du monde", explique Xavier Accart dans son précieux ouvrage L’art de la prière. C’est dans ce sens que la prière nocturne peut être plus efficace. Elle permet d’atteindre le silence et le calme intérieur, indispensables pour vivre l’expérience de la présence de Dieu, mais difficiles, parfois impossibles à retrouver dans le quotidien de la journée. "Si tout chrétien est invité à consacrer à la prière une certaine partie de la nuit", affirme Dom André Louf, cité par Xavier Accart, "la durée a peu d’importance même une très courte veille est l’œuvre de l’Esprit saint en nous."
Cette affirmation répond aux appels répétés de Jésus à veiller. Lui-même, il passait ses nuits à prier. Pour lui, la louange comme l'intercession ne s’arrêtent jamais. Alors que le monde se repose et que le silence règne, Jésus prie afin que le monde repose entre les mains de Dieu. Comme lui, les moines se lèvent la nuit pour offrir leurs moments de veille à Dieu. C’est ce que les psaumes le chantent précisément : "Dans la nuit, je me souviens de toi et je reste des heures à te parler" (Ps 62, 7), "Au milieu de la nuit, je me lève et te rends grâce pour tes justes décisions." (Ps 118, 62).
Pratique courante des premiers chrétiens
Sortir un moment de son sommeil pour prier semble avoir été une pratique courante des premiers chrétiens. "Nous devons nous lever souvent de notre lit durant la nuit et rendre grâce à Dieu, conseillait Clément d’Alexandrie au IIème siècle. Heureux ceux qui veillent pour Lui : ils ressemblent aux anges que nous appelons veilleurs".
Guidé par la parole de Dieu, saint Paul exhortait aussi les chrétiens à prier sans cesse. Saint Benoît, père des moines occidentaux, le reprend à son compte en invitant les moines à se lever la nuit pour veiller et prier Dieu. Par cette prière de nuit, ils vivaient ainsi et de manière symbolique le passage de la mort et des ténèbres à la Résurrection lumineuse du Christ.
Jean de la Croix insiste en répétant que la nuit "purifie". Lorsque l'un dit "Dieu m'a abandonné", le saint carme rectifie et dit plutôt : "Dieu me purifie".
D’autres grands saints sont connus pour leurs veilles nocturnes. Charles de Foucauld, marqué par l’exemple du Christ, aimait particulièrement l’adoration la nuit. "Il fait si doux passer à vos pieds les heures silencieuses de la nuit, écrit-il en 1897, être en tête à tête avec vous pendant que tout dort sur la terre, être seul à vous adorer, à se tenir à genoux vous disant que je vous aime… Saint Sacrement exposé ! Quelle félicité !"
L'union à Dieu qui s'opère pleinement
Quant à saint Jean de la Croix, dans ses écrits, le mot "nuit" n'est jamais loin du mot "purification". Il y insiste en répétant que la nuit "purifie". Lorsque l'un dit "Dieu m'a abandonné", le saint carme rectifie et dit plutôt : "Dieu me purifie". Les résonances liturgiques de la nuit de Noël et les nuits de la Semaine sainte, spécialement celle du Jeudi saint et du Vendredi saint, ont fortement influencé le carme espagnol. La nuit est alors pour lui le symbole du dépouillement total, mais aussi celui de la réparation et de l'espérance.
Pour saint Jean de la Croix, l'âme a radicalement sa vie en Dieu. Seulement si Dieu est toujours présent dans l'âme, il n'est pas toujours présent à l'âme… En son sens le plus profond la prière nocturne peut permettre alors que l'union à Dieu s'opère pleinement.
Pour aller plus loin
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