Pendant quatre jours, du 5 au 8 mars, le pape François va partir à la rencontre des chrétiens d’Irak. Entre rencontres interreligieuses et messes auprès des communautés persécutées par des années de guerre, le souverain pontife va profiter de ce voyage exceptionnel pour prier dans des sanctuaires emblématiques. Des lieux sacrés malmenés par l’État islamique mais toujours debout, signe de la foi toujours vive des chrétiens d’Irak. À bien des égards, la visite du pape François en Irak s’apparente à un véritable pèlerinage en “Terre sainte”. Sur cette terre, honorée par la présence d’Abraham, des prophètes de l’Ancien Testament et des apôtres qui ont connu Jésus, brille encore la flamme des premiers chrétiens. Par ce voyage, le Pape entend honorer la promesse du pape Jean Paul II qui renonça, en 1999, à se rendre en Irak après des négociations infructueuses avec l’ancien président Saddam Hussein. “L’Irak sera toujours spécial”, a déclaré Mgr Francis Yohana Kalabat — évêque chaldéen de Saint-Thomas-Apôtre de Detroit, aux États-Unis — dans un courriel adressé à Aleteia, “non seulement parce que nos parents ont immigré de là-bas, mais parce que la foi a commencé là-bas.”
Sur cette terre, qui a vu pousser les premiers sanctuaires chrétiens au monde, une poignée de fidèles résistent encore. Les églises, qui portent encore les stigmates de la folie de Daesh sont, elles aussi, toujours là. À majorité chaldéennes, elles ont été lourdement endommagées ces dernières années par l’État islamique et la coalition menée par les États-Unis. Malgré tout, elles reprennent vie petit à petit grâces aux communautés chrétiennes toujours sur place.
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À l’occasion de sa visite en Irak, le pape François va se rendre dans quelques uns des grands sanctuaires du pays, à Bagdad, Mossoul et Qaraqosh. Un véritable signe d’espérance pour les communautés sur place qui tentent de maintenir une présence chrétienne dans cette région du monde où sont nées les premières communautés chrétiennes du Moyen-Orient.
Cathédrale syro-catholique Notre-Dame de l'Intercession, à Bagdad
À l’issue de sa première journée à Bagdad, la capitale du pays, le Pape va se rendre à la cathédrale syro-catholique Notre-Dame de l’Intercession, ou du Perpétuel Secours (Sayidat al Najatte). Siège de l’archéparchie, c’est ici que 44 fidèles chrétiens ont péri dans un attentat djihadiste le 31 octobre 2010 alors qu’ils assistaient à la messe. L’une des attaques les plus terribles perpétrées contre les chrétiens d’Irak. Dédiée à l’Intercession de la Vierge Marie, la cathédrale a été construite en 1968 dans le quartier moderne de Karada. La communauté syriaque catholique s’est installée dans la région de Badgad au XXe siècle après les massacres des communautés chrétiennes de l’Empire ottoman. La première paroisse catholique a vu le jour en 1942 mais ce n’est qu’en 1952 que le premier évêque syriaque est nommé. Il y a désormais quatre églises syriaques dans la ville de Bagdad.
La cathédrale, construite par un architecte polonais, possède une forme particulière : édifiée comme un bateau, sa grande croix, qui constitue le mat, soutient une voile symbolisée par une arche. C’est la croix qui conduit les chrétiens dans la mer du monde. À l’intérieur, au-dessus de l’autel, l’arche que l’on aperçoit à l’extérieur est reproduite à l’identique. Dans l’abside, on découvre une belle mosaïque représentant le couronnement de la Vierge. Deux ans après le terrible attentat, la cathédrale a été entièrement rénovée. Il n’existe plus aucune trace du terrible massacre. Seuls les noms des victimes, gravés dans la nef et sur les vitraux rappellent le drame. Dans une crypte à proximité de l’église, des objets ayant été abîmés lors de l’attentat ont été entreposés. Les deux prêtres qui sont morts ce jour ont été ensevelis sous l’église. Depuis ce terrible drame, de nombreux chrétiens syro-catholiques ont fui la ville. La visite du Pape, dans ce lieu hautement symbolique, est donc un signe d’espérance très fort pour les familles chrétiennes qui sont toujours place.
Le site d’Ur, terre d’Abraham
Le samedi 6 mars, le souverain pontife se rendra à Nadjaf à 200 km au sud de la capitale pour un échange inédit avec le Grand Ayatollah Ali Sistani, la plus haute autorité musulmane chiite en Irak. Il participera à une rencontre interreligieuse dans la cité d’Ur, berceau d’Abraham mais aussi terre de Jonas, le prédicateur de Ninive. C’est en effet dans ce prestigieux site archéologique que serait né le prophète selon la Bible.
Abram eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste. Puis il dit : « Je suis le Seigneur, qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée pour te donner ce pays en héritage. (Gn 15, 6-7)
Ur est l’une des plus anciennes villes mésopotamiennes qui a connu son heure de gloire vers 4500 avant J.C. Aujourd’hui, le site conserve la ziggurat la mieux préservée au monde. Édifice religieux de Mésopotamie construit sur plusieurs degrés, la ziggurat accueillait certainement un grande temple à son sommet. Par cette visite, le Pape envoie un signal fort. C’est la première fois qu’un successeur de saint Pierre se rendra sur la terre d’Abraham, père des croyants.
L'église Saint-Joseph à Bagdad
Le samedi, en fin de journée, le souverain retournera à Bagdad pour une messe avec le clergé chaldéen en la cathédrale latine Saint-Joseph (Mar Youssef). Cette église se situe aussi dans le quartier moderne de Karada, à l’Est de la ville. Sa construction date des années 1950 suite à l’arrivée massive des chrétiens dans la ville. Autrefois, le patriarcat des chaldéens se situait dans la ville de Mossoul avant qu’il ne soit déplacé à Bagdad. Depuis 2013, son patriarche est le cardinal Louis Raphaël Ier Sako.
Construite dans un style oriental, la cathédrale chaldéenne est la plus grande église de la capitale et peut accueillir plus de 400 personnes. Possédant une nef unique, l’édifice est résolument moderne. Dans l’espace le plus sacré, on peut voir un double maître-autel. Le plus ancien, celui accolé au mur de l’abside, tout en marbre, est placé à l’opposé du peuple. Quelques années plus tard, un autel plus moderne a été ajouté devant par le cardinal Sako qui s’est inspiré des traditions occidentales suite à ses voyages à Rome. Dédiée à saint Joseph, comme en témoignent les peintures accrochées à l’entrée du chœur, la figure du père adoptif de Jésus est très importante pour les chrétiens d’Irak. Protecteur de la Sainte Famille, il l’est aussi pour toutes les familles chrétiennes. Restaurée en 2018 par décision du patriarche, la cathédrale est prête pour accueillir en ses murs le souverain pontife.
Les églises Al-Tahira de Mossoul
À Mossoul, le pape François se rendra dimanche sur place de l’église (Hosh al-Bieaa) où il conduira une prière en hommage aux victimes de guerre. Tombée dans les mains de Daesh entre 2014 et 2017, la ville, qui deviendra la capitale de l’État islamique, a énormément souffert de destructions. Peuplée de chrétiens depuis les premiers siècles, elle possède de nombreuses églises, toutes confessions confondues. À Mossoul, il existe pas moins de six églises baptisées Al-Tahira mais de confessions diverses. La plus importante et la plus ancienne est celle de Mar Touma des syriaques orthodoxes. La Tradition raconte qu’elle aurait été construite sur une maison où aurait séjourné l’apôtre Thomas.
Il existe aussi celle d’Al-Tahira des chaldéens, située au cœur de la vieille ville, très endommagée par Daesh. Elle date du XVIIIe siècle dans sa partie inférieure et c’est certainement l’une des plus belles d’Orient. L’emplacement de la construction de l’église s’explique sans doute par l’existence préalable d’un lieu de pèlerinage, autour d’une chapelle dédiée à la Vierge. C’est un édifice très important pour les chrétiens et les musulmans qui viennent demander la protection de la Vierge et la remercient, aussi, d’avoir protégé la ville des Perses en 1743. Au dessus de la porte des hommes, décorée d’inscriptions syriaques comme celle des femmes, on peut lire l’inscription : “Que la prière de la Vierge, Mère du Christ, soit pour nous un rempart et qu’elle nous garde du mauvais”. Les bombardements intensifs de 2017 ont sévèrement endommagé les murs, la toiture et le clocher de l’église. En revanche, l’église interne, celle de 1744, a été relativement épargnée.
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Parmi les joyaux de Mossoul, on peut également mentionner l’église syriaque catholique Al-Tahira (l’ancienne), accolée à la chaldéenne, quasiment en ruines après le passage de Daesh. La porte royale et les portes latérales du sanctuaire n’ont pas été totalement détruites mais se trouvent très gravement endommagées. Depuis 2020, l’Unesco entreprend de gros travaux de restauration sur l’édifice. Fondée au XVIIe siècle, elle a fait l’objet d’une remise à neuf au XVIIIe siècle après l’offensive des Perses. À proximité, on peut également apercevoir la “nouvelle” cathédrale syriaque-catholique. Construite au XIXe siècle, la nouvelle était beaucoup plus grande et fonctionnelle que l’ancienne. Déblayée de ses gravats, on peut encore distinguer son abside et les murs tout autour. Elle se trouve quasiment totalement détruite.
La cathédrale syriaque catholique Al-Tahira de Qaraqosh
Le dimanche, toujours, le pape François fera une halte à la cathédrale syriaque catholique Al-Tahira de Qaraqosh, église emblématique de la ville dans la plaine de Ninive. Située à 30km de Mossoul, Qaraqosh fut la plus grande ville syriaque catholique du monde avant l’invasion de Daesh et la fuite des habitants en août 2014. L’église, dédiée à l’Immaculée Conception, est l’édifice le plus imposant de la ville. Son grand dôme surmonté d’une croix ne passe pas inaperçu. L’édifice est composé de deux églises, l’ancienne et la nouvelle. La nouvelle, construite en 1939 pour accueillir les chrétiens de plus en plus nombreux, est la plus grande église syriaque catholique de tout le Moyen Orient.
Après l’incendie provoqué par Daesh, l’église était recouverte de suie. Les marbres et les murs blancs étaient entièrement noircis. En sortant de l’église nouvelle, le fidèle pénètre dans une grande cour qui donne sur l’ancienne église, de proportions plus réduites. On y découvre une reproduction de la grotte de Lourdes en briques. Alors que les travaux se poursuivent dans le sanctuaire, une statue de la Vierge a été installée au sommet du clocher au début de l’année. Un beau signe d’espoir pour les chrétiens de Mossoul. “Après avoir entendu l’annonce que le Pape se rendrait en Irak et à Qaraqosh, j’ai été très heureux de pouvoir recevoir le Saint-Père ici, dans cette église, dans cette ville, et de partager notre foi commune. Le Pape peut nous aider à vivre notre foi en ce moment, et nous pouvons lui montrer quelle est notre vie de chrétiens ici”, témoigne le père Ammar Yako qui a supervisé les travaux de la cathédrale. À l’occasion de la venue du Pape, un fauteuil a été réalisé spécialement pour lui par l’atelier de menuiserie de Karamless.
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