« Toujours Vierge », Marie est vierge avant, pendant et après la naissance de Jésus. La virginité de Marie après l’enfantement, “post partum”, a été contestée en raison des références allusives aux « frères et sœurs de Jésus ». Même si le sujet revient régulièrement comme un « scoop », les Pères de l’Église ont tranché la question dès le Ve siècle : Marie n’a pas eu d’autre enfant car elle est « la Vierge du Seigneur », qui lui est totalement consacrée.La virginité post partum, après l’enfantement, a toujours été tenue par les Pères de l’Église et la Tradition, mais trois expressions du Nouveau Testament ont suscité quelques objections, sans troubler la foi des premiers lecteurs attentifs de l’Écriture qui connaissaient le contexte : les mots « premier-né » (Lc 2, 7), « jusqu’à » (Mt 1,25) et la question des « frères et sœurs de Jésus » (Mc 6, 3 ; Mt 13, 55). Les deux premières objections n’ont pas beaucoup de poids : car Jésus « Premier né » ne signifie pas qu’il y a eu un second enfant. Et dans la Bible, l’expression « jusqu’à » ne signifie pas forcément un changement subséquent, mais une mesure de temps. Luc note que Marie met au monde « son fils premier-né » (Lc 2, 7) mais cela ne sous-entend pas qu’il y a eu un deuxième ou un troisième. Un fils unique est incontestablement un fils premier-né. D’après la Loi de Moïse on rachetait le premier-né dans le mois qui suivait sa naissance, c’est-à-dire sans que l’on sache s’il aurait ou non un cadet.
L’attitude de Joseph « jusqu’à » la naissance
La deuxième objection est aussi facile à surmonter : « Joseph ne connut pas [Marie] jusqu’au jour où elle enfanta un fils » (Mt 1, 25). Ce verset insiste seulement sur la conception virginale de Jésus et n’implique aucunement des relations sexuelles ultérieures entre Joseph et Marie. Lorsque la Bible dit par exemple : « Nos regards sont tournés vers le Seigneur notre Dieu jusqu’à ce qu’il nous prenne en pitié » (Ps 123, 2), cela ne signifie pas qu’après avoir obtenu miséricorde, nos regards se détourneront de Dieu. Ou encore lorsque Dieu dit à son Messie : « Assieds-toi à ma droite jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds » (Ps 110, 1) cela ne veut pas dire que le Messie n’est plus assis à la droite de Dieu par la suite, au contraire. L’expression biblique « jusqu’à ce que », signifie plutôt une certaine perpétuité. Quand on nous dit par exemple : « On n’a pas retrouvé son tombeau (de Moïse) jusqu’à ce jour » (Dt 34, 6) cela ne veut pas dire que l’on retrouvera demain le tombeau de Moïse, mais, tout au contraire, c’est une manière bien biblique de signifier que l’on ne le retrouvera jamais ! Méfions-nous des contresens !
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Les « frères et sœurs » de Jésus
La question des « frères et sœurs » de Jésus appelle une réponse plus argumentée qui prend en compte plusieurs arguments forts. Dans le Nouveau Testament, sept citations évoquent des « frères et sœurs » de Jésus : en Marc 6, 3 et Matthieu 13, 55 : « Celui-ci n’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joset, de Jude et de Simon ? Et ses sœurs ne sont-elles pas parmi nous ? » Les Actes des Apôtres 1, 14 parlent des « frères de Jésus ». L’épître aux Galates 1, 19 mentionne « Jacques, le frère du Seigneur ». L’épître de Jude 1 parle de « Jude, le frère de Jacques » (qui peut être le frère du Seigneur). Jean 2, 12 évoque « sa mère, ses frères et ses disciples ». Et Matthieu 12, 46 et ses parallèles parlent de « sa mère et ses frères ». Marie aurait-elle donc eu d’autres enfants ?
Jacques et Joset, les fils d’une « autre Marie »
En fait, Jacques et Joset sont appelés « frères de Jésus » mais ils sont sûrement les fils d’une autre Marie. Jacques, Joset (Marc) ou Joseph (Matthieu) — les premiers deux frères de Jésus nommés en Marc 6, 3 et Matthieu 13, 55 — étaient très probablement les fils d’une Marie différente de la mère de Jésus. Marc dit en effet : « Il y avait aussi des femmes qui regardaient à distance, entre autres Marie de Magdala, Marie mère de Jacques le petit et de Joset, et Salomé » (Mc 15,40). Cette « Marie » est encore appelée plus loin « Marie, [mère] de Joset » (15, 47), puis « Marie [mère] de Jacques » (16,1). Luc 24,10 aussi fait mention de « Marie, celle de Jacques ».
L’histoire des « cousins » du Seigneur
Simon et Jude sont des cousins du Seigneur. Simon était « le fils d’un oncle du Seigneur », « fils de Cléophas, frère de saint Joseph », selon Hegesippe, originaire d’Orient, probablement de Palestine, qui écrivit vers 150-200 des « mémoires » dont Eusèbe de Césarée rapporte plusieurs extraits (Eusèbe, Histoire ecclésiastique III, 11-12, 19-20). Après le martyre de Jacques, Simon fut nommé évêque « parce que c’était un second cousin du Seigneur » : « second » est à comprendre en lien avec Jacques, qui devait donc être aussi le cousin de Jésus (et non pas son frère au sens strict).
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Jésus est le seul « fils de Marie »
Les « frères et sœurs » de Jésus ne sont jamais appelés « fils ou filles de Marie ». Seul Jésus est appelé « le » fils de Marie, ou « le » fils du charpentier. Et de la Vierge on dit seulement qu’elle est « la mère de Jésus ». Jésus n’aurait pas confié Marie à Jean au pied de la croix (Jn 19, 26) s’il avait eu des frères de sang. Si Marie s’était remariée après son veuvage ou si elle avait eu d’autres enfants, elle n’aurait pas pu quitter les siens pour aller chez le disciple que Jésus aimait. Athanase, Hilaire, Épiphane et Jérôme y voient confirmée la virginité perpétuelle : « Si Marie avait des fils ou si son mari était encore en vie, pour quel motif le Christ aurait-il confié Marie à saint Jean ? »
Pas de mot en hébreu pour dire « cousin »
Ces confusions viennent du fait qu’il n’y a pas de mot en hébreu ou en araméen pour dire « cousin ». Ce sont les mots « frères » et « sœurs » qui désignent la parenté proche. La tradition orale s’est fixée en araméen avant d’être écrite en grec dans l’Évangile. C’est dans cette culture orale que s’est fixée l’appellation « frères de Jésus » pour désigner ses proches parents. Ce « titre de gloire » reconnu aux cousins de Jésus fut conservé quand l’Évangile a été écrit ou traduit en grec, de même que les Septante ont traduit servilement l’original hébreu de l’Ancien Testament en utilisant le terme grec adelphos « frère », et non anepsios « cousin », lorsqu’il y a un rapport de parenté plus lointain. Il y a d’abondantes attestations de cet usage : par exemple Lot et Jacob qui sont les neveux, respectivement, d’Abraham (Gn 11, 27 ; 14, 12), et de Laban (Gn 29, 12) ; sont appelés leurs frères (Abraham-Lot : Gn 13, 8 ; 14, 14 ; Laban-Jacob : Gn 29, 15).
Une signification qui n’est pas biologique
Dans le texte grec du Nouveau Testament, le mot « frère » — en grec adelphos — se rencontre 41 fois avec le sens de « frères biologiques » ; « frères » dans le sens « adeptes d’une même religion » est cité 213 fois ; « frères » comme « collaborateurs proches » : 22 fois, dans les épîtres de Paul et Pierre ; et « frères » comme « membres d’une même communauté ou famille » : 42 fois. Autre exemple de cet usage : la « sœur » de Marie au pied de la Croix, qui est sûrement sa cousine. Jean 19, 25 parle d’une certaine Marie, sœur de Marie la mère de Jésus. Il ne peut bien sûr s’agir d’une sœur de sang ou même d’une demi-sœur car les parents n’auraient pas donné le même prénom à deux enfants. Donc l’incertitude du mot « frère » ou « sœur » en grec est telle qu’il n’est pas sérieux de s’appuyer sur ce mot pour affirmer que Marie ait eu d’autres enfants. L’ensemble de ces arguments tirés de l’Écriture apporte une réponse très sérieuse aux objections.
Les Pères et les Docteurs ont tranché
La question des frères et sœurs de Jésus a été posée dans l’Antiquité et les Pères de l’Église y ont répondu avec les mêmes arguments pertinents que l’on redonne aujourd’hui quand des médias ou des exégètes font mine de découvrir ces termes dans l’Évangile. Pendant les siècles de chrétienté au cours desquels de grands penseurs se sont interrogés en détail sur tous les aspects du dogme chrétien, personne n’a senti le besoin de rouvrir ce débat. Saint Grégoire de Nazianze (+390) appelle « athées » ceux qui admettent que Marie ait eu des relations sexuelles. Grégoire de Nysse (+392) voit dans la terre vierge dont furent pétris Adam et Ève, dans le tambourin que frappe Myriam sœur de Moïse, dans le buisson ardent qui brûle sans se consumer, dans la porte close d’Ézéchiel, dans la manne que l’on trouve sur la terre non labourée, autant de symboles de la virginité de Marie.
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Saint Hilaire de Poitiers (+366) déclare que nier la virginité perpétuelle de Marie c’est être « irréligieux et étranger à la doctrine spirituelle ». Saint Jérôme est tout à fait catégorique sur la virginité « post partum ». Son Adversus Helvidium est un véritable pamphlet où le téméraire Helvidius est littéralement mis en pièces avec une ironie cinglante. Désormais plus personne ne se risquera à contester la virginité post partum. Saint Augustin traduit la foi de l’Église en la formule lapidaire déjà citée : Virgo concepit, virgo peperit, virgo permansit – « Vierge elle a conçu, vierge elle a enfanté, vierge elle est demeurée », et saint Thomas d’Aquin peut pourra résumer toute la tradition patristique en disant : « C’est une abomination l’erreur d’Helvidius qui dit que Marie engendra d’autres fils à Joseph. » Les grands réformateurs, Luther et Calvin, sont de farouches tenants de la virginité post partum. Luther va même jusqu’à traiter de « gros porcs » ceux qui la nient !
Marie vierge et mère, modèle de l’Église
Au-delà du signe, il faut comme toujours chercher le sens profond. La virginité perpétuelle de Marie exprime le miracle de la conception et la naissance de Jésus ainsi que la virginité de Marie ensuite, sans donner vie à d’autres enfants. Ce fait a une signification profonde : la virginité de Marie signifie sa consécration totale à Dieu, corps et âme, dans le prolongement du « oui » donné à l’Incarnation. Marie était une âme toute entière consacrée à Jésus et à sa mission dans l’histoire du salut. En n’ayant pas d’autre enfant selon la chair, elle s’ouvre à sa maternité spirituelle. Si Jésus lui désigne Jean en disant : « Femme, voici ton fils », c’est parce qu’elle n’a pas d’autre enfant que Jésus.
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Mais si elle a conçu Jésus dans son corps, elle l’a d’abord conçu dans son cœur, disait saint Augustin. Mère d’un fils unique dans l’ordre de la nature, elle devient mère d’une multitude dans l’ordre de la grâce. En portant Jésus en son sein, elle nous portait tous en quelque sorte, nous qui sommes fils et filles dans le Fils Unique. En enfantant la tête et le corps de son fils unique, elle nous enfantait spirituellement, nous qui sommes membres du Christ.
Totalement consacrée
La virginité de Marie est un signe voulu par Dieu qui est riche de signification pour exprimer la pureté, la beauté et la consécration totale de Marie à Dieu et à ses enfants. Fidèle à l’Alliance et pleinement ouverte à l’action créatrice de l’Esprit saint, elle attendait tout de Dieu : telle est la sublime signification de sa totale virginité. L’Incarnation du Verbe de Dieu dans le sein virginal de Marie a suscité la stupeur, l’admiration et la louange. L’Église d’Orient et d’Occident confesse Marie « toujours vierge » (aei parthenos). Le fait que Marie n’ait pas d’autres enfants mais qu’elle soit toujours vierge s’explique compte tenu de son rôle unique dans l’histoire du Salut, mais c’est surtout un fait riche en signification : la divinité de Jésus comble Marie, et la consacre encore davantage. La virginité de la Vierge est aussi, et peut-être surtout, une dimension morale et spirituelle de sa personne. C’est pourquoi le Catéchisme de l’Église catholique (506) peut dire : « Marie est vierge parce que sa virginité est le signe de sa foi — que nul doute n’altère — et de sa donation sans partage à la volonté de Dieu (cf. 1 Col 7, 34-35) ».
Les trois étoiles traditionnelles sur les icônes de la Mère de Dieu évoquent cette virginité de Marie, avant, pendant et après l’enfantement du Christ : qu’elles illuminent notre cœur !