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Baptême : pourquoi la formule “Nous te baptisons” n’est pas valide

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Thomas Michelet, op - publié le 09/08/20
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La Congrégation pour la doctrine de la foi invalide les baptêmes administrés avec des formules arbitrairement modifiées, comme « Nous te baptisons… ». Une note doctrinale approuvée par le pape explique que la validité du baptême dépend du sens objectif des paroles du rituel : c’est le Christ qui baptise, non la communauté.

La Congrégation pour la doctrine de la foi invalide les baptêmes administrés avec des formules arbitrairement modifiées, comme « Nous te baptisons… ». Une note doctrinale approuvée par le pape explique que la validité du baptême dépend du sens objectif des paroles du rituel : c’est le Christ qui baptise, non la communauté.

La lutte contre le cléricalisme fait parfois tomber dans des excès inverses. Se décentrer de soi, qui est une nécessité spirituelle pour tous, ne doit pas pour autant conduire les prêtres à s’effacer derrière l’assemblée. Car le seul centre, c’est le Christ. Avec sans doute les meilleures intentions pastorales, mais peu ajustées, certains ont cru bon d’user de la formule suivante lors de la célébration de baptêmes : “Au nom du papa et de la maman, du parrain et de la marraine, des grands-parents, des membres de la famille, des amis, au nom de la communauté, nous te baptisons au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.” – On croit rêver. Le baptême serait-il célébré au nom de la Trinité et de la grand-mère ? 

Le problème n’est pas si simple

Interrogée, la Congrégation pour la doctrine de la foi a donné sa réponse le 24 juin dernier (publiée seulement le 6 août dans le Bollettino du Saint-Siège). De tels baptêmes ne sont pas seulement fautifs, illicites : ils sont invalides. Le sacrement n’est même pas donné. Certains s’étonneront qu’il faille aller jusqu’à Rome pour une cause qui leur paraît entendue. Pour eux, que l’on change un iota du texte canonique, et le baptême est nul. Fin de partie.


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D’autres en tireront au contraire argument pour dénoncer une fois de plus l’esprit juridique étroit du catholicisme latin formaté par le droit romain, lorsque ce n’est pas la conception magique de rituels à célébrer au mot près pour que leur charme opère. Pourtant, l’affaire n’est pas si simple. Il vaut la peine de se reporter à la décision elle-même avec la note doctrinale qui l’accompagne pour en mesurer quelques-uns des enjeux théologiques.

C’est le Christ qui baptise

De cette formule improbable, la Congrégation n’a retenu en fait qu’un mot : “nous”. Lorsque le prêtre dit : “Je te baptise”, il ne le fait pas en son nom propre mais “au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit” dont il n’est que le ministre, “signe-présence de Celui qui rassemble…, signe extérieur du fait que le sacrement n’est pas soumis à l’action arbitraire d’une personne ou d’une communauté, et que le sacrement appartient à l’Église universelle.” Il agit ainsi au nom du Christ et de l’Église, et même dans le nom du Christ, dans la personne du Christ : “Quand Pierre baptise, c’est le Christ qui baptise” (Saint Augustin, Traité sur l’Évangile de Jean, VI, 7). En revanche, si le prêtre dit “Nous te baptisons”, il se transforme en fonctionnaire délégué par l’assemblée ; le baptême devenant autocélébration, horizontale et immanente. Les sacrements institués par le Christ ne sont plus alors qu’une œuvre humaine qui ne saurait donner la grâce. Ce pronom est donc d’importance, qui peut ruiner l’ensemble.

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Sebastien Desarmaux I Godong |
Célébration d’un baptême à Saint-Pierre de Charenton (Val-de-Marne).

Un seul ministre représente le Christ

À l’appui, la note doctrinale cite un curieux article de la Somme de théologie (IIIa, Q. 67, art. 6) dans lequel saint Thomas d’Aquin se demande si le baptême pourrait être administré par plusieurs ministres sur un même sujet. Si l’un d’eux se contentait de dire les paroles tandis que l’autre donnait seulement le bain d’eau, aucun des deux ne baptiserait, il n’y aurait rien. En revanche, si les deux accomplissaient chacun et en même temps le rite complet, le baptême serait valide mais illicite : “Ils devraient être punis pour ce rite insolite, mais non pour avoir réitéré le baptême.” Pourtant, même dans ce cas, St Thomas rejette la formule “nous te baptisons” comme allant contre la notion de ministère : “Comme il n’y a qu’un seul Christ, il faut aussi qu’il n’y ait qu’un seul ministre qui représente le Christ.” – De même admet-il la possibilité de la concélébration eucharistique : “Parce que le prêtre ne consacre qu’en tenant la place du Christ, et que beaucoup sont un dans le Christ, peu importe que ce sacrement soit consacré par un seul ou par beaucoup” (IIIa, Q. 82, art. 2). Et là aussi, les concélébrants ne disent pas “Ceci est notre Corps” mais “Ceci est mon Corps” car il n’y a qu’un seul Christ.


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Ministre de l’Église

Dans sa note doctrinale, la Congrégation ne s’étend guère sur la première partie de la formule, “Au nom du papa et de la maman, du parrain et de la marraine, etc.”, qui n’est même pas citée dans la réponse. Pour saint Thomas, cela fait pourtant partie de ces ajouts qui invalident aussi le sacrement si le célébrant manifeste par là qu’il a l’intention “d’introduire un nouveau rite, non agréé par l’Église” et qu’il ne “semble pas avoir l’intention de faire ce que fait l’Église” (IIIa, Q. 60, art. 8). Intention dont le document rappelle bien qu’elle est une règle de l’Église définie par le concile de Trente (Denz. 1611 : “Si quelqu’un dit que chez les ministres, alors qu’ils réalisent et confèrent les sacrements, l’intention n’est pas requise de faire au moins ce que fait l’Église : qu’il soit anathème”). En effet, le ministre n’est pas seulement ministre du Christ. Il est aussi ministre de l’Église, Corps mystique du Christ. Il agit aussi bien dans la personne du Christ que dans la personne de l’Église. Se couper de l’Église revient donc à interrompre le flot de la grâce qui s’écoule par le sacrement.

Le sens objectif des paroles prononcées

Mais il faut aussi tenir compte de la signification objective des paroles prononcées. Pour St Thomas (ibid.), si le sens n’est pas altéré, les ajouts ou omissions ne font pas disparaître la vérité du sacrement. En revanche, si le sens est détruit, le sacrement n’a pas lieu. Ainsi, la formule “Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et que la Sainte Vierge te soit en aide”, n’invalide pas le baptême, car elle se contente d’invoquer l’intercession de la Vierge. Tandis que serait invalide le baptême “au nom de la Sainte Vierge”, soit qu’on l’ajoute comme une quatrième personne de la Trinité, soit qu’on signifie par là que le nom de la Sainte Vierge opère quelque chose dans le sacrement. 


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Baptiser “au nom du papa et de la maman, du grand-père et de la grand-mère…” n’est donc pas seulement maladroit ou équivoque. Quand bien même la série familiale n’est pas mise exactement sur le même plan que la Sainte Trinité, cela peut donner à penser que la causalité instrumentale du rite s’exerce par la médiation de la famille et de l’assemblée, ce qui serait contraire à la vérité du sacrement. Comme le note la Congrégation pour la doctrine de la foi, le Rituel du baptême souligne suffisamment si l’on y prête attention le rôle respectif des parents, des parrains et marraines et de l’assemblée pour qu’il soit inutile de le modifier de manière indue, au risque de réduire la célébration de la Pâque du Christ en une célébration familiale qui ne nous livre plus le mystère en vérité.

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