Le confinement a un effet désastreux sur le cyberharcèlement. De nouvelles formes d’humiliations et de pressions apparaissent depuis quelques semaines, exacerbées par le désœuvrement de certains jeunes et une audience record. Des pratiques à connaître pour protéger et accompagner son enfant sur les réseaux sociaux.
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Instagram, Telegram, Snapchat… Des réseaux sociaux largement adoptés par une grande majorité des adolescents, mais qui, détournés, cachent un côté très obscur que le confinement est venu accentuer. Photos et vidéos à caractère sexuel, volées, extorquées ou publiées par vengeance y sont monnaie courante. Une pratique qui entraîne une détresse de plus en plus palpable chez les jeunes gens humiliés. La plus triste illustration étant le suicide d’une adolescente de 16 ans, au Havre, le 1er avril dernier, par défenestration. Selon ses proches, c’est le harcèlement qu’elle subissait sur les réseaux sociaux qui l’aurait poussée à commettre l’irréparable. « Des photos ont circulé », a sobrement expliqué sa mère à Actu76.
Pourquoi une telle recrudescence du cyberharcèlement pendant le confinement ? De nombreux facteurs interagissent. Il y a d’abord une nette augmentation du temps passé sur les réseaux sociaux : les utilisateurs ont plus de temps pour publier des contenus et sont encouragés par une audience plus forte qu’en temps normal. « Malheureusement, quand les gens s’ennuient, ça les occupe beaucoup de nuire aux autres », déplore Justine Atlan, directrice générale de l’association e-Enfance. D’autre part, les victimes, confinées, isolées de leurs amis, sont beaucoup plus vulnérables. Enfin, la pandémie a perturbé le fonctionnement des équipes de modération de toutes les grandes plateformes, empêchant la suppression des contenus inappropriés.
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Devant ce phénomène, l’association e-Enfance a alerté dans une note publiée ce mercredi 29 avril de l’augmentation des appels reçus par leur plateforme d’écoute. « Les appels reçus par Net Ecoute, le numéro vert national spécialisé dans la protection des mineurs sur Internet, augmentent au cours des dernières semaines en particulier pour du chantage à la webcam et de la sextorsion (avec près de 50% de hausse) ». Les profils des victimes inquiètent : si ce sont les lycéennes de 16 ans qui appellent le plus (à hauteur de 73%), les garçons – collégiens de 14 ans en moyenne – sont les premières victimes de chantage sexuel à la webcam.
Chantage à la webcam
Le terme “sextorsion” désigne toute forme de chantage par internet pour obtenir des faveurs sexuelles ou monétaires, la victime connaissant ou non son maître-chanteur. Il s’accompagne dans certains cas de “chantage à la webcam”. Appelé aussi « crypto porno » ou « chantage au porno », le chantage à la webcam demeure encore le moins humiliant puisqu’il s’agit d’une arnaque massive reposant sur un gros coup de bluff. Un pirate informatique envoie un mail, à un homme ou à un adolescent, affirmant qu’il l’a filmé à son insu pendant qu’il regardait un site pornographique. Il lui demande alors de payer une « rançon » en bitcoin (une monnaie virtuelle) en échange de la destruction de la vidéo, tout en le menaçant de l’envoyer à tous ses contacts personnels ou professionnels. L’arnaque est repérable dans la mesure où elle est généralement rédigée en anglais ou dans un français peu correct.
Revenge porn et comptes « ficha »
Hébergés sur les réseaux sociaux comme Instagram, Twitter, Telegram, Hangouts ou Snapchat, les comptes « ficha », pour « affiche » en verlan, explosent depuis le début du confinement. Le but étant d’« afficher » des jeunes filles, ou, plus rarement, des homosexuels, sur la place publique virtuelle. Ils sont l’outil de prédilection de jeunes hommes qui se vengent d’une ex-petite amie en diffusant des photos ou vidéos compromettantes datant de leur relation, notamment des photos d’adolescentes dénudées appelées nude. Des contenus que l’on publie sur le compte « ficha » du lycée, de la ville ou du département. Un compte “ficha” a cette particularité de regrouper des utilisateurs d’une même entité géographique. De cette manière, les abonnés augmentent leurs chances de reconnaître une victime. Un outil au service du « revenge porn », revanche par le porno, et du « slut-shaming », humiliations publiques massives.
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Si cette pratique était déjà apparue en 2018 en Normandie, elle avait quasiment disparu en raison des plaintes déposées à l’époque. Mais ces dernières semaines, des dizaines de nouveaux comptes ont resurgi : « Nous avons très nettement vu cette thématique resurgir depuis le confinement, explique Justine Atlan. C’est très clair, et ça n’est pas spécifique à une zone géographique, même si ça touche davantage les grands centres urbains. » Un phénomène à prendre en considération afin de dissuader son adolescent d’envoyer des photos ou vidéos intimes à qui que ce soit, et de le sensibiliser à toujours dénoncer ce genre de pratique.