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Chronique de la France confinée (4). Voyage autour d’un pâté de maison

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Xavier Patier - publié le 29/03/20
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Nous comprenons enfin pourquoi Jules César disait des Gaulois querelleurs qu’ils sont un peuple d’avocats et de géomètres. Et la liberté dans le sang !

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Napoléon, disais-je, avait selon Las Cases pris pas mal d’embonpoint pendant son confinement à Sainte-Hélène. Il en plaisantait volontiers avec le maréchal Bertrand, courbé sur un poulet rôti ou sur un jeu d’échecs. Le « général qui gagnait les batailles » comme l’appelait Chateaubriand, perdit la guerre contre l’obésité pendant son confinement. Il était trop sédentaire. Il nous faut méditer cet exemple et, dans le respect des règlements de notre nouvel État policier, entreprendre un voyage sportif autour de notre pâté de maison pour nous dégourdir les jambes. Mais attention aux gendarmes ! 

Une heure, un kilomètre

Un exercice préalable consistera à lire le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, et notamment son article 3, alinéa 1/5° qui nous octroie la permission de réaliser un « déplacement bref, dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile ».



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Une heure, un kilomètre : cela autorise à parcourir, à la vitesse moyenne de 12,56 km/h, exactement deux fois la circonférence d’un cercle idéal de mille mètres de rayon dont le centre serait notre domicile (distance autorisée, soit DA = 1 x 2 x pi x 2). Il sera aussi loisible de réaliser en toute légalité un seul tour à une vitesse moyenne de 6, 28 km/h. Il ne s’agit pas de tourner en rond mais de garder la forme. Il faudra cependant garder de la marge pour pouvoir quitter et regagner le centre du cercle, notre domicile. 

Avocats, géomètres et liberté

Nous comprenons enfin pourquoi Jules César disait des Gaulois querelleurs qu’ils sont un peuple d’avocats et de géomètres. Décidément rien de nouveau dans notre vieux pays : par temps de crise, les fondamentaux refont surface, pour le meilleur et pour le pire. Tout le monde a compris le drame de l’épidémie. Les gens ne sont pas si sots que pensent nos élites. Mais ne nous méprenons pas : les Français ont la liberté dans le sang, comme disait Charles Péguy. Ils ne sont pas des enfants. Il ne faudra pas jouer trop longtemps avec leur liberté, ni trop longtemps les traiter comme des mineurs. Tancez le peuple, faites-lui la leçon : il s’en souviendra. Le président de la République ne craint pas d’affirmer, visant son propre gouvernement : « On se souviendra de ceux qui n’ont pas été à la hauteur. » Il ne croit pas si bien dire : le peuple aussi aura de la mémoire. 

Moi qui avais un instant éprouvé à quoi peut ressembler la vie quotidienne dans une dictature, je découvrais aussi ce que c’est que d’être pestiféré. 

Mais le temps n’est pas aux règlements de compte. Je me suis essayé samedi, tôt matin, à l’exercice sportif autorisé par de décret du 23 mars, muni du « document permettant de justifier que le déplacement considéré entre dans le champ d’une des exceptions » soigneusement plié dans ma poche. Évidemment, je n’ai pas pu décrire un cercle parfait : j’ai couru droit sur le trottoir, profitant du calme absolu de la ville. J’ai traversé des rues désertes en dehors des clous. Je rêvais secrètement d’être interpellé par les forces de l’ordre pour connaître la satisfaction de brandir mon sauf-conduit. Mais il faut croire que les forces de l’ordre avaient mieux à faire. Je n’ai vu personne. Enfin, si. Sur une place, j’ai croisé une dame qui en m’apercevant s’est écartée épouvantée. Moi qui avais un instant éprouvé à quoi peut ressembler la vie quotidienne dans une dictature, je découvrais aussi ce que c’est que d’être pestiféré. 


KWIATY W OGRODZIE
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