Le grand auteur de bande dessinée Claire Bretécher est décédée ce lundi 10 février. Visionnaire, drôle et pertinente, la dessinatrice a marqué l’histoire de l’illustration grâce à son coup de crayon singulier et son regard de femme sur la société. Certains la considèrent même comme une référence littéraire à part entière.Claire Bretécher est l’une des deux seules femmes à avoir reçu le Grand Prix du festival d’Angoulême, qui récompense chaque année le meilleur de la bande dessinée. Née en 1940, elle n’a jamais perdu en modernité. Son regard parfois acerbe, toujours drôle et souvent innovant a ainsi marqué tout une génération. Dans les années 1970, elle publie régulièrement dans les colonnes du Nouvel Observateur, puis se concentre sur des sujets comme la maternité et la médecine. Et jusqu’en 2009, elle sera connue pour sa série de bandes dessinées Agrippine consacrée à l’adolescence et imprégnée de sociologie, qu’elle réalise pendant une dizaine d’années.
Sa Thérèse d’Avila humoristique
Source de vives réactions mais aussi de grands éclats de rire, sa bande dessinée sur sainte Thérèse d’Avila parue en 1979 dans Le Nouvel Observateur brosse un portrait pour le moins décalé de la mystique espagnole. La Vie passionnée de Thérèse d’Avila montre ainsi une religieuse très incarnée tout aussi capable de léviter que d’entrer en extase.
Claire Bretécher joue ainsi des us et coutumes du XVIe siècle et s’inspire pour deux personnages du Soulier de satin de Paul Claudel, n’oubliant pas de représenter saint Jean de la Croix. Cette leçon de prière qu’elle donne à sa grande amie Prouhèze en atteste :
“C’est ça, rentre le ventre enfin autant que possible… Serre les fesses… Davantage, allons n’aie pas peur… Tire sur la colonne cervicale, je veux que ça craque… Relâche les trapèzes… Bien. Maintenant concentre-toi… Regarde à l’intérieur de toi-même. Regarde bien, il y a quelqu’un – Non, exceptionnellement aujourd’hui il n’y a personne”.
Décalée et amusante, cette hagiographie originale raconte ensuite la personnalité de la sainte à travers sa vie quotidienne : exorcisme, lévitation, construction d’un couvent, promenade sur un âne. Et surtout à travers son caractère bien trempé et plein de bon sens.
Quelques années après, la dessinatrice publie Le Destin de Monique (1983), une saga génétique en avance sur son temps. Il s’agit de l’histoire d’une actrice de 38 ans, Brigitte Lemercier, qui tombe enceinte au moment où on lui propose enfin un premier grand rôle. Paniquée par la malheureuse coïncidence, elle décide d’avoir recours à une mère porteuse. Nous suivons alors le destin du fœtus à travers toute une série de péripéties. Au sujet de la situation des femmes, Claire Bretécher a souvent visé juste, comme si elle était au fait du vent qui tourne un peu avant tout le monde. Son regard était indéniablement unique, et elle laisse derrière elle assez d’œuvres pour pouvoir s’y replonger encore.
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