Missionnaire, anthropologue, aventurier, écrivain : le jésuite Jacques Marquette (1637-1675) est même considéré par certains comme le « père fondateur » de la ville de Chicago.Quand on évoque les grands explorateurs du continent nord-américain, quelques noms s’imposent. Celui de Christophe Colomb bien entendu, premier d’entre tous, suivi souvent de celui de Jacques Cartier pour le Canada, ou de l’espagnol Ponce de Léon en Floride. Peut-être même cite-t-on le fameux duo Meriwether Lewis et William Clark qui atteignit en premier les rives du Pacifique. Mais dans ce club très sélect, dans cette caste d’aventuriers, on oublie le plus souvent l’un des plus étonnants d’entre eux : le père Jacques Marquette. Et c’est fort dommage, puisque c’est bien à lui qu’on attribue la découverte de la source du deuxième plus long fleuve de la planète : le Mississippi. Et gageons que le cours de sa vie aventureuse fut aussi magnifique et agitée que celui du « Grand Fleuve ».
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Né le 1er juin 1637 à Laon en France — sous Louis XIII — le jeune Jacques Marquette aurait, selon ses parents, fait connaître dès sa prime jeunesse sa volonté de devenir missionnaire. À l’époque, l’existence d’un continent à peine exploré faisait rêver toute l’Europe, mais il y avait dans cette vocation précoce les germes d’une détermination encore plus singulière. Élevé dans une famille très pieuse — sa sœur, Françoise fondera la communauté des « Sœurs de la Providence » – il envisage très jeune de donner sa vie à Dieu. Entré en 1646 dans le collège jésuite de Reims, il intègre ensuite la Compagnie de Jésus. Après une longue formation pendant laquelle il trépigne sagement, il est ordonné prêtre et demande à sa hiérarchie de l’envoyer en mission. Ce qui arrive enfin un an plus tard, en 1666.
Anthropologue sans le savoir
On l’envoie en Nouvelle-France, soit les territoires français du Québec. Il y commence sa mission, prenant soin d’apprendre les langues des peuples amérindiens de la région. En 1668, il rejoint, un peu plus profondément dans les terres, la mission Sainte-Marie qui est tenue par le père Claude Gablon. Dans cette région des Grands Lacs où les populations locales sont nombreuses, il évangélise aussi bien les Ottawas que les Algonquins, avant de rencontrer des Sioux et des Illinois. Il observe tout particulièrement leurs coutumes et en discute avec les indigènes pour les comprendre. Notant tout, il fait œuvre d’anthropologue sans le savoir, et c’est pourquoi beaucoup de départements d’universités nord-américaines porte aujourd’hui son nom, pour lui rendre hommage. Mais ce n’est pas tout : il s’intéresse aussi à la faune (bisons) et la flore, et consigne toutes ses observations dans de nombreux carnets. Dans le même temps, ne perdant pas de vue un instant la raison première de sa présence, il fonde successivement deux missions sur les bords du Lac Michigan, celle de la Pointe du Saint-Esprit puis celle de Saint-Ignace.
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C’est à cette période qu’arrive Louis Jolliet, explorateur chargé par le Gouverneur de la Nouvelle-France de trouver une voie vers le Pacifique. Du fait de sa grande connaissance des coutumes et langues indiennes, Jacques Marquette lui propose ses services et prend la tête de l’équipe. En mai 1673, à la fonte des neiges, ils embarquent sur des canots avec cinq autres Français et franchissent le lac Michigan et remontent la « Rivière aux Renards ». C’est dès lors dans une vraie terra incognita dans laquelle s’aventure l’équipée. Le chemin d’eau difficile qu’ils empruntent par la suite n’est connu que par quelques rares trappeurs très aguerris. Marquette observe, cartographie, et remonte péniblement pendant des mois le courant. Ils arrivent alors, sans le savoir, à ce qui est considéré comme la source du Mississippi, qu’ils décident de descendre en espérant basculer vers l’ouest. Il rebaptise même à cette occasion le fleuve « Fleuve de l’Immaculée Conception », ignorant qu’ils sont déjà au bout du « Grand Fleuve ». Car le Mississippi coule inexorablement vers le sud et donc vers les territoires espagnols… Il faut rebrousser chemin.
Fondateur de Chicago ?
Le but n’a pas été atteint, mais l’expédition n’aura pas été vaine : le père Marquette a en effet fait la rencontre des Illinois, qui n’avaient jusqu’ici pas été en contact avec les Européens, et il décide d’aller les évangéliser. Il se passionne pour eux et décrit là encore tout ce qu’il voit dans son journal. Il est ainsi le premier à relever l’utilisation de calumets pour les rituels sociaux chez les Illinois. Et sa description des danses traditionnelles montre la fascination qu’exercent sur lui ses ouailles : « Tout cela ferait une magnifique ouverture à quelques-uns de nos ballets en France ». Émerveillé et plein d’entrain évangélique, il poursuit sa mission avec ferveur. Malheureusement, sa santé commence à lui jouer des tours. Alors qu’il vient de fonder une mission tout proche de ce qui allait devenir plus tard Chicago, il tombe gravement malade et meurt rapidement le 18 mai 1675. Comme il avait demandé à être enterré plus au nord dans son autre mission, celle de Saint-Ignace, des Illinois transportent sa dépouille sur des kilomètres et exaucent son dernier vœu.
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Ses écrits, imagés, spirituels et précis lui survivront cependant, et quelques années à plus tard, connaissent un grand succès en Europe. Mais c’est auprès des populations locales, Illinois notamment, ses populations qu’il avait tant aimées qu’il laisse un impérissable souvenir, souvenir que l’Amérique n’a pas oublié, puisqu’elle en a fait un des premiers acteurs de la fameuse « conquête de l’Ouest ».
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