Surnommé « le curé volant de Saône », le père Robert Simon avait trouvé un moyen original mais risqué de récolter des subsides pour la reconstruction de son église et pour venir en aide aux plus démunis : plonger de très haut pour attirer les foules.Chacun a pu en faire l’expérience un jour ou l’autre en sautant d’un plongeoir ou d’un rocher : faire « un plat », ça fait mal ! Et plus on saute de haut, plus les risques sont importants. À une hauteur de 35 mètres, la vitesse de pénétration dans l’eau d’un plongeur dépasse les 100 km/h et même une erreur infime peu avoir des conséquences graves. Et pourtant… de 1947 à 1963, l’abbé Robert Simon a mis ses talents exceptionnels de plongeur au service de l’Église : il a effectué 110 plongeons de 35 mètres et un de 42 mètres après avoir débuté sans avoir appris à plonger, sans préparation, sans organisation, et à une époque où il était très mal vu pour les prêtres de se montrer en maillot de bain. Doté d’une grande audace et d’une totale confiance en Dieu, cet homme d’exception, et d’une grande modestie, a vaincu ses peurs pour pouvoir réaliser ses projets en faveur de ceux qui étaient dans le besoin.
C’est tout d’abord pour récolter des fonds afin de restaurer l’église de son village de Saône (Doubs) que le père Simon commence à plonger. Il effectue son premier plongeon le 15 août 1947 à Villers-le-Lac du haut d’une tour en bois montée au dessus d’un rocher. Il a choisi cette hauteur vertigineuse de 35 mètres, l’équivalent d’un immeuble de 13 étages, pour attirer la foule. Et la foule est là, venue en nombre, elle attend et commence à s’impatienter, pensant que le prêtre a peur et va renoncer. Et il est vrai que tout en haut, le père Simon est impressionné par la hauteur. Mais pas question d’abandonner, il est en train de prier sainte Thérèse et d’invoquer son soutien. Il s’élance dans le vide, la tête la première. C’est un véritable quitte ou double qui se transforme en incroyable succès ! Le corps traumatisé et tuméfié sous l’effet de la violence de l’impact, il lui faudra quelques jours pour se remettre, mais devant le résultat, il décide de recommencer, non pas pour la gloire mais pour continuer son œuvre au service des autres.
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Grâce aux fonds récoltés à chacun de ses plongeons, la petite église est restaurée, il construit une chapelle « dans laquelle les enfants n’auront pas froid l’hiver », fait édifier des maisons ouvrières pour les mal logés, offre des vacances aux enfants de la paroisse, vient en aide aux plus démunis…
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« Chaque plongeon est un acte d’amour »
Les circonstances dans lesquelles il plonge sont rarement favorables. Quel que soit le temps, il part avec tout son matériel, monte et démonte la tour avec ses jeunes bénévoles, « elle bougeait, était mal ajustée ! », se repose comme il le peut, quelquefois tout en haut de la tour, sur une petite plateforme de 40 centimètres de large. L’eau est parfois glaciale et la profondeur plutôt juste ! À chaque fois, il risque sa vie, mais il aime plonger et, convaincu qu’il le fait pour Dieu et pour en faire bénéficier ceux qui en ont besoin, et « grâce au soutien de sainte Thérèse », il garde énergie et courage. « Les plongeurs sont seuls avec eux-mêmes, moi je ne suis pas seul, chaque plongeon est un acte d’amour ».
Ses plongeons le mènent dans le monde entier où il fait de belles rencontres, dont les fameux plongeurs d’Acapulco. À 50 ans, il quitte la Franche-Comté pour s’installer dans le Var, à Sainte-Anne du Castelet où il crée un centre de plongeon de haut vol. Ce mois d’août 2018 marque à la fois le 30e anniversaire de son dernier saut (le 22 août 1988, à 75 ans, il plonge encore de 15 mètres !) et le 18e anniversaire de sa disparition (le 14 août 2000).
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Depuis 2013, le plongeon de haut vol est officiellement reconnu par la fédération internationale de natation. L’épreuve présente toutefois quelques différences : les plongeurs s’élancent d’une plateforme située à 27 mètres pour les hommes, 20 mètres pour les femmes, et effectuent une série de figures avant de pénétrer dans l’eau par les pieds (il n’existe pas de compétitions de haut vol par la tête, simplement des démonstrations). Les conditions de sécurité y sont drastiques : présence d’hommes grenouilles, bateaux de sécurité avec médecin urgentiste et personnel médical… et un minimum de profondeur de 6 mètres.
Des conditions dont n’a pas bénéficié le curé volant, en tout cas à ses débuts. Heureusement, au cours de sa « carrière » de plongeur, le père Simon n’a jamais eu à souffrir de blessure. « N’est-ce pas la preuve que Dieu me soutient ? », disait-il.
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