Peu de gens le savent, mais les deux spectaculaires abbayes de Caen, l’une dédiée aux femmes, l’autre dédiée aux hommes, sont le fruit d’une histoire romantique… désapprouvée par l’Église ! Aujourd’hui, zoom sur l’abbaye-aux-hommes fondée par Guillaume le Conquérant. Tout commence en 1049. Guillaume le Bâtard, alors duc de Normandie, s’éprend de sa cousine lointaine, Mathilde, fille du comte de Flandre Baudoin V et d’Adèle de France, sœur du roi Henri Ier. Mais cette histoire d’amour commence mal. En raison de leur lien de parenté — ils étaient parents à un degré de consanguinité prohibé — le pape Léon IX s’oppose à cette union au cours du concile de Reims. Mais le duc, très amoureux, passe outre et épouse sa cousine en 1050. Cependant, comment continuer à entretenir de bonnes relations avec l’Église dans une telle situation ?
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Avec l’aide de son conseiller Lanfranc de Pavie, Guillaume le Bâtard arrive finalement à obtenir le pardon du Pape en 1059. En contrepartie, les époux doivent construire chacun une abbaye. Le duc choisit alors le village de Cadomus, aujourd’hui Caen, pour édifier ces fameuses abbayes. Le site offre de multiples avantages, aussi bien politiques, stratégiques que religieux. Proche de la mer, la ville se situe près de la rivière de l’Orne et possède un riche sol de calcaire, utile à la construction de bâtiments. Les deux époux déterminent alors le lieu d’implantation : l’abbaye aux hommes sera construite au sud-ouest, l’abbaye aux femmes au nord.
De Guillaume le “Bâtard” à Guillaume le “Conquérant”
Tout comme l’abbaye-aux-dames, précédemment évoquée sur Aleteia, la construction de l’abbaye-aux-hommes a démarré au cours de la décennie 1060, plus précisément en 1066, année qui marque la conquête de l’Angleterre. Édouard, roi d’Angleterre, avait désigné Guillaume, duc de Normandie, comme son successeur. À sa mort, Guillaume prend les armes pour faire valoir ses droits. Il sort vainqueur de la bataille d’Hastings, le 14 octobre 1066. Couronné roi d’Angleterre en l’abbaye de Westminster le 25 décembre, il devient alors Guillaume le “Conquérant”.
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Le chantier de l’abbaye-aux-hommes avance bien grâce aux richesses accumulées par Guillaume et l’édifice est consacré en 1077 en présence du roi et de la reine Mathilde, de leur fils Robert, de l’archevêque de Canterbury et de Thomas, archevêque d’York. Mais durant les Guerres de Religions, l’abbaye va être lourdement affectée et les bâtiments conventuels en grande partie détruits. Le magnifique tombeau de Guillaume le Conquérant, surmonté d’un gisant, est profané par les protestants en 1562. Les restes sont confiés à un moine de l’abbaye. Mais en 1563, les protestants envahissent une nouvelle fois l’abbaye et provoquent la fuite des moines. Les ossements sont alors dispersés à l’exception d’un seul os, un fémur, sauvé par Charles Toustain de La Mazurie, poète normand de la Renaissance. Cet os retrouvera son emplacement d’origine en 1642 après la restauration du chœur. Au XVIIIe siècle, les moines obtiennent du roi Louis XV l’autorisation de réduire le tombeau à un simple caveau recouvert d’une pierre tombale, toujours visible aujourd’hui à l’entrée du chœur.
Une abbaye sublimée au XVIIIe siècle
À l’image de l’abbaye-aux-dames, les bâtiments conventuels vont être totalement reconstruits au XVIIIe siècle après leur destruction quasi complète durant les Guerres de religions. Le cloître de style toscan, construit sur les mêmes plans que son abbaye “sœur”, par le moine bénédictin Guillaume de la Tremblaye, possède de très beaux caissons octogonaux au plafond. Malgré la Révolution et les bombardements des Grandes guerres, les pièces intérieures de l’abbaye conservent leur magnifique décor du XVIIIe siècle : boiseries, ferronneries, lustres, tableaux… L’abbatiale, dédiée à saint Étienne, a, quant à elle, conservé son aspect médiéval, demeurant ainsi un bel exemple de l’architecture romane normande. Le chœur a cependant été remplacé au XVIIIe siècle par un chœur gothique pour faciliter les processions dans l’édifice. À l’extérieur, les tours romanes primitives ont été surélevées et agrémentées de belles tours gothiques élancées. La flèche Nord est la plus ancienne et possède moins de clochetons que sa voisine.
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La Révolution française chasse définitivement les moines, comme pour l’abbaye-aux-dames. L’abbatiale Saint-Étienne est transformée en église paroissiale puis Napoléon Ier reconvertie les bâtiments en lycée impérial. En 1944, les deux abbayes, transformées en hôpital, sont heureusement épargnées. En 1965, la ville de Caen rénove les bâtiments pour y installer l’Hôtel de Ville. L’abbaye-aux-dames accueille, quant à elle, les bureaux du Conseil régional de Basse-Normandie à partir des années 1980. Malgré les vicissitudes de l’Histoire, ces deux splendides monuments ont résisté au temps pour offrir un merveilleux témoignage de la grandeur de la Normandie ducale.
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