Auréolés de leur parfum d’ésotérisme — très à la mode comme en témoigne le succès des romans de Dan Brown — les évangiles dits “gnostiques” peuvent duper les fidèles désireux d’approfondir leur foi. Décryptage.Écrits entre le IIe et le IVe siècle les “évangiles gnostiques” ont été découverts à Nag Hammadi, en Égypte. D’où proviennent-ils et quelle doctrine défendent-ils ? Pour le savoir, il faut s’intéresser un peu plus à leur mouvement d’origine et comprendre ainsi pourquoi le christianisme considère qu’ils n’ont aucun lien avec le Jésus historique.
La Gnose
Le gnosticisme (gnosis : connaissance) est un mouvement spirituel pré-chrétien regroupant des doctrines variées d’Iran et de Mésopotamie, des courants philosophiques grecs comme le platonisme et le pythagorisme et des croyances de la tradition apocalyptique juive. Selon le professeur Francisco García Bazán : “Ce puissant mouvement identifiable par ses nombreux maîtres, la diversité de ses écoles et son rayonnement important (Palestine, Syrie, Arabie, Égypte, Italie et Gaule), s’est largement répandu au milieu du IIe siècle.”
Selon le gnosticisme, le Salut est réservé à ceux qui disposent d’une connaissance particulière réservée à certains élus, à rebours donc de l’universalisme du Salut promis par Jésus. Les gnostiques ne recherchaient pas un savoir intellectuel, ils étaient plutôt en quête d’une connaissance spirituelle et intuitive, à savoir la découverte de la nature divine, éternelle, cachée et emprisonnée par le corps et l’esprit. Une connaissance réservée à une élite d’hommes “spirituels”.
En se rapprochant du christianisme, le gnosticisme a donné naissance à de nombreuses sectes mélangeant des éléments gnostiques et chrétiens, créant ainsi une certaine confusion au sein des communautés chrétiennes.
Bien que non homogène dans ses doctrines, le gnosticisme ancien avait un profond mépris pour le monde matériel et le corps.
Selon les gnostiques, le monde matériel dans lequel nous vivons est une catastrophe cosmique et les étincelles divines qui habitent l’humanité doivent, d’une certaine façon, s’en échapper pour retrouver leurs origines. Ce Salut passe alors par une pleine connaissance de soi-même et de son origine divine.
Le Salut n’est donc pas l’œuvre de Dieu mais quelque chose à atteindre de manière personnelle en recherchant au plus profond de soi son “étincelle divine”. La plupart de ces doctrines, prônant l’auto-salvation, l’auto-divinisation, la réincarnation et un certain panthéisme, considère Jésus et le Christ comme des réalités séparées. On commence à les retrouver dans des mouvements New Age comme la métaphysique chrétienne de Conny Mendez, les Ishayas ou encore les sectes modernes gnostiques et ésotériques.
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Il est nécessaire de bien souligner que les croyances gnostiques sont fortement antichrétiennes et renient les croyances centrales du christianisme : l’Incarnation du Verbe, la mort et la résurrection du Christ. Leur vision du monde est en outre pessimiste.
Grâce aux témoignages de nombreux écrivains chrétiens contre les gnostiques, nous en savons aujourd’hui beaucoup plus à propos de leurs croyances. Les dogmes proclamés par le christianisme primitif se sont employés à protéger la foi originelle contre la contamination d’idées gnostiques qui ont commencées à proliférer au sein du monde hellénistique et de l’Empire romain du IIe au Ve siècles après J.-C.
Mythes répétés
Le gnosticisme n’a pas été une forme marginale du christianisme, comme ont coutume de l’affirmer divers écrivains du monde ésotérique. En revanche il existait bien un discrédit mutuel. Les chrétiens rejetaient les gnostiques car ils déformaient le message et la vie de Jésus par le biais de doctrines orientales et philosophies étranges. Les gnostiques quant à eux attaquaient les chrétiens orthodoxes qu’ils considéraient comme des êtres inférieurs sur le plan spirituel.
La critique était donc réciproque mais le gnosticisme, en assimilant le christianisme à sa doctrine et se faisait passer pour une religion tolérante.
L’historien Paul Johnson écrit à ce propos : “Les groupes gnostiques se sont appuyés sur des fragments du christianisme mais ont eu tendance à les détacher de leurs origines historiques. Ils les ont hellénisés, comme ils l’ont fait avec d’autres cultes orientaux (la plupart du temps par des amalgames). Saint Paul a mené une lutte acharnée contre le gnosticisme en mettant en garde contre son pouvoir de destruction du christianisme. À Corinthe, il a découvert des cultes chrétiens qui avaient réduit Jésus à un mythe. Il a rencontré parmi les Colossiens des chrétiens adorant des esprits et des anges intermédiaires. Il était difficile de lutter contre le gnosticisme car, comme l’hydre, le mouvement possédait plusieurs têtes et était en constante mutation. Bien entendu toutes les sectes avaient leurs propres codes et en général se haïssaient les unes les autres. Certaines se rejoignaient sur la cosmogonie de Platon avec l’histoire d’Adam et Ève et l’interprétaient de différentes manières : les Ophites vénéraient ainsi le serpent… et maudissaient Jésus…”.
Gnostiques postmodernes
Il est écrit que les dogmes chrétiens ont changé la doctrine du christianisme primitif, mais c’est une erreur. Les dogmes chrétiens n’introduisent pas une nouvelle doctrine mais formulent la foi de manière claire et explicite dans un langage précis et théologique afin de la libérer des expressions ambiguës ou encore des interprétations arbitraires pouvant la détourner des apôtres.
Les dogmes venaient en aide aux croyants afin qu’ils ne se laissent pas perturber par de nouvelles doctrines étrangères à l’Évangile. Ces courants gnostiques réapparaissent d’une certaine façon au sein de doctrines que l’on retrouve dans le mouvement New Age, Le livre d’Urantia, le feuilleton télévisé cosmique de Sixto Paz, le Cheval de Troie de J.J. Benítez, le Da Vinci Code et les prétendues nouvelles révélations extraterrestres sur Jésus défendant une version occulte, secrète et apocryphe de l’histoire.
En temps de crise culturelle, de nouvelles versions gnostiques émergent avec leurs illusions, leurs jeux multicolores, leurs contorsions et se diffusent auprès d’un vaste public avide de secrets spirituels et de mysticismes exotiques.
Il faut préciser que les mouvements et “églises” gnostiques d’aujourd’hui n’ont aucun lien historique avec les anciens. Il s’agit en réalité de rééditions actuelles se réinventant avec des éléments similaires aux anciennes gnoses mais avec des caractéristiques nouvelles et changeantes selon le contexte socioculturel et religieux.
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