Pourquoi le troisième dimanche de carême s’appelle-t-il Oculi ?

"Que fais-tu pour l’Oculi ?" auriez-vous pu entendre en des temps où la liturgie rythmait la vie de la chrétienté occidentale. Peu de gens savent, aujourd’hui, que les dimanches ont des noms comme les solennités ou les fêtes avec le mystère du Seigneur ou le saint célébré. En l’occurrence, l’"Oculi" (ou "Oculi mei" désigne le troisième dimanche du carême. Un drôle de nom latin, littéralement "mes yeux" en français.

À vrai dire, l’appellation renvoie – c’est le cas pour les autres dimanches tout au long de l’année – au premier mot de l’Introït, autre terme latin qui désigne le chant d’entrée en grégorien. Tirée le plus souvent de l’Écriture, ou de sa glose, cette pièce musicale, parfois seulement récitée, introduit la messe. Le troisième dimanche de carême, ceux qui participent à l’eucharistie entendent donc : "J'ai les yeux tournés vers le Seigneur : il tirera mes pieds du filet. Regarde, et prends pitié de moi, de moi qui suis seul et misérable" puis "Vers toi, Seigneur, j'élève mon âme, Je m'appuie sur toi : épargne-moi la honte" Ps 24 (vv. 15-16 et 1-2).

Alors que les quarante jours qui préparent à célébrer le Mystère pascal sont bien entamés, et que les fidèles tâchent de "guérir du péché par le jeûne, la prière et le partage" (collecte), la liturgie leur fait diriger le regard vers Dieu. Les exercices spirituels n’ont d’autre but, en effet, que de contempler, par contraste, la miséricorde du Père. La même idée est d’ailleurs présente dans la pièce grégorienne qui précède l’Évangile pendant le carême – le trait – qui cite le psaume 122 : "Vers toi j'ai les yeux levés, vers toi qui es au ciel" (Ps 122, 1).

Comme en écho, ce jour est aussi celui du premier scrutin des catéchumènes qui seront baptisés dans la nuit de Pâques. Il s’agit de scruter, littéralement "fouiller", ce qu’il y a de bien ou de mal dans leur cœur pour guérir et affermir. Un rite préparatoire qui clarifie les dispositions intérieures et qui donne lieu à une prière d’exorcisme. Sous les yeux à la fois de Dieu, qui veut les sauver, et de leurs futurs frères et sœurs, qui sont déjà sauvés mais veulent, par l’ascèse, en avoir une conscience toujours plus vive.