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Être exemplaire ? Pour le meilleur et pour le pire…

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Pierre d’Elbée - publié le 16/01/25
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L’attrait pour une personnalité marquante, par mimétisme, peut déclencher des comportements positifs ou négatifs. L’exemplarité dans les groupes sociaux n’est pas neutre, signale le consultant en entreprise Pierre d’Elbée : l’avenir d’une entreprise ou d’un projet dépend aussi du rayonnement de celui ou de celle qui porte ce projet…

L’événement avait secoué le monde de l’entreprise. En 2005, Vineet Nayar, alors PDG de la multinationale indienne HCL Technologies, proclame : "Employees First, Customers Second". Plutôt que de se limiter à des discours, le chef d’entreprise incarne sa philosophie en rendant les finances accessibles à tous, en exigeant que les managers rendent des comptes à leurs équipes et en appliquant lui-même la transparence qu’il prône. Son geste d’exemplarité instaure un climat de confiance et d’autonomie, favorisant l’innovation et responsabilisant les salariés. Sa volonté de soutenir les employés en priorité — en les écoutant et en valorisant leurs idées — porte rapidement ses fruits : HCL Technologies connaît une croissance notable et les équipes gagnent en motivation. CQFD : un dirigeant engagé et exemplaire peut transformer profondément une organisation.

Le suicide contagieux de Marilyn Monroe et l’effet Werther 

Le cas de Vineet Nayar illustre parfaitement la force de l’exemplarité : un mouvement mimétique positif au sein de HCL Technologies. Preuve que les actes, surtout quand ils proviennent d’une figure marquante, peuvent enclencher une dynamique positive dans les équipes. Mais le mimétisme peut également être malfaisant, porteur d’une onde de détresse. On a appelé effet Werther cette influence négative, en souvenir du roman de Goethe Les Souffrances du jeune Werther paru en 1774 : lors de sa publication, on avait enregistré une vague de suicides par arme à feu selon les mêmes modalités que celles utilisées par le héros. L’Église avait alors demandé l’interdiction du livre en Europe, et les autorités de Leipzig, de Copenhague et de la péninsule italienne avaient obéi à cette interdiction ! Autre mimétisme dramatique : selon le sociologue américain David Phillips, dans le mois qui a suivi le suicide présumé de Marilyn Monroe en 1962, on a observé une hausse de 12 % des suicides aux États-Unis, et de 10 % en Angleterre et au Pays de Galles…

Ces exemples illustrent la puissance du mimétisme : selon René Girard, les êtres humains calquent souvent leurs comportements et leurs désirs sur des personnes modèles, bien plus qu’ils ne l’admettent. On voit comment l’attrait pour une personnalité marquante — manager charismatique ou star mondiale — a pu déclencher des comportements collectifs et illustrer la force de cette influence.

L’enjeu de ce phénomène

En proposant tout récemment une tribune ayant pour titre "Les paroles et le comportement du patron jouent tellement sur le moral des équipes !" le journal Les Échos souligne l’enjeu de l’exemplarité dans la société et dans le monde du travail : l’avenir d’une entreprise ou d’un projet ne dépend pas seulement de son contenu stratégique, mais aussi et tout autant du rayonnement de celui ou de celle qui porte ce projet… pour le meilleur ou pour le pire. 

Le secret de cette influence mystérieuse ? Question très difficile. Pour ma part, j’ouvrirais volontiers une fenêtre tirée du livre du ministre baroudeur Jean-François Deniau, Histoires de courage : quand la favorite de Marie de Médicis, Eleonora Galigaï, fut arrêtée comme sorcière et torturée pour lui faire avouer le secret du philtre qui assurait son emprise sur la reine-mère, elle répondit : "La seule force que donne un esprit déterminé sur une âme qui ne sait ce qu’elle veut." Une façon de dire que la puissance du désir motivée par une conviction chevillée au corps, influence ceux qui n’ont pas la vision claire de ce qu’il faut faire. Cette puissance mimétique est ambiguë, servant le meilleur et le pire : libération des énergies ou emprise destructrice. 

Les deux mimétismes

Quand il est destructeur, le mimétisme est une contagion malfaisante qui stimule les "passions tristes" comme dit Spinoza, à savoir la peur, la haine, l’envie, la colère, la haine, la tristesse et même le désespoir. Il réduit la liberté, affaiblit la capacité d’agir, il alimente les conflits en maintenant les individus dans la dépendance. Quand il est bénéfique, le mimétisme est plutôt perçu comme un rayonnement, une invitation altruiste, un enthousiasme solidaire qui respecte le sentiment intime de sa propre liberté tout en alimentant l’espoir d’obtenir ensemble un bien précieux. 

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