Noël d’angoisse dans ces villages rasés au Sud-Liban, dans les quartiers de Beyrouth détruits, en Syrie avec l’incertitude du nouveau régime, en Terre Sainte avec l’insécurité permanente et l’absence de pèlerins, quant à Gaza, la situation horrible n’est que trop connue. Noël attendu, aussi. La tradition libanaise et orientale fait de cette fête une vraie période de prière et de fraternité. Le jour de la Nativité est précédé d’une neuvaine et beaucoup se réunissent pour prier avant de se retrouver dans l’église dans la sainte nuit du 25 décembre. Ce jour-là est consacré à la famille et le lendemain, on visite les amis, les proches, pour échanger la joie de la venue du Sauveur dans les bras de sa Sainte Mère. Les Libanais de l’étranger et autres membres des diasporas ne sont pas venus cette année — peu d’avions ! — mais ils ont manifesté leur fraternité avec leur pays blessé.
Noël de joie sans illuminations
Noël de joie. Oui de joie à travers la prière et le partage. L’attente du Messie est espérance, sa venue est certitude. Les chants de louange, la prière en famille, l’échange des cadeaux et un bon repas partagé ont fait oublier un instant la situation catastrophique de l’économie, les risques pour la sécurité et toutes ces incertitudes de notre cher Proche-Orient. Toute la tradition spirituelle s’est maintenue cette année avec peut-être plus encore de ferveur et chacun a pris encore plus d’attention à recevoir l’isolé, la famille plus pauvre. La tradition matérielle a été très limitée : pas d’illuminations dans les rues de Beyrouth, les quelques lumières privées ont été assurées par ceux qui possèdent un système photovoltaïque tant l’électricité manque et le prix du pétrole pour alimenter les groupes électrogènes est devenu inaccessible.
La famille et ses valeurs se sont renforcées et la dynamique des communautés, diocèses et paroisses est plus soudée encore, les établissements tenus par des communautés religieuses chrétiennes assurent leurs missions comme cet hôpital de Damas tenu par les Filles de la Charité de saint Vincent de Paul qui accueillent chaque jour les malades sans leur demander leur religion ou leur obédience : les religieuses soignent tout simplement leur prochain avec cœur.
Les cèdres du Liban
À Bethléem, l’usage veut que l’on se retrouve fin novembre pour décorer un immense sapin. Pas d’arbre de Noël cette année, pas de chrétiens venus des quatre coins du monde : les cars pullman sont restés à l’arrêt. Les fidèles de la messe de minuit ont prié pour toutes les intentions de l’humanité blessée, avec une immense ferveur. Sœur Laurice Obeid, visitatrice des Filles de la Charité pour la province du Proche-Orient, nous donne un regard sur toute la région. Elle veille sur ses sœurs, servantes des pauvres et des orphelins au Liban, en Syrie, en Terre Sainte, en Égypte et en Iran, et reçoit chaque jour des informations sur les difficiles réalités. Libanaise, elle ne quitte pas son sourire parce qu’elle vit dans l’espérance. Elle souhaite que son pays si présent dans les Écritures révèle à nouveau sa beauté et retrouve la paix : "Les cèdres du Liban, les montagnes et la mer, le climat, tout est beau ici. Priez pour que notre pays retrouve un gouvernement ! Le parlement se réunira le 9 janvier dans ce but. Priez pour nos jeunes chrétiens si actifs et pour leurs familles, priez en France, pays frère, et priez pour tous les chrétiens qui vivent l’incertitude au Liban, en Syrie, en Iran, en Terre Sainte, en Égypte, nous comptons sur vous. Et prions pour l’humanité entière en cette période de vœux."
La religieuse nous demande d’élargir notre prière à tous ces pays visités par les rois et les prophètes de l’Ancien Testament, par le Christ et les apôtres. Premiers christianisés et martyrs d’aujourd’hui, nous ne pouvons les oublier. Nous ne pouvons pas nous désoler des relatives incertitudes matérielles de notre pays en omettant celles si graves de ce Proche-Orient, proche par la géographie, par notre histoire commune, proche par l’amitié, la fraternité bimillénaire. Souhaitons l'ouverture des frontières entre ces divers pays pour faciliter les rencontres et les échanges entre les pays voisins. Avec Sœur Laurice et tant d’autres chrétiens, prions avec une ferveur fraternelle et une espérance joyeuse en ces temps de Noël.