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Il y a dans les yeux de Laurence Bost une lumière qui n’est pas sans rappeler celle que l’on retrouve sur ses toiles. Une lumière qui inonde un enfant endormi sous les arbres, qui caresse les draps dans lesquels est enfoui un corps indolent, transi des amours de la veille, un jardin à l’anglaise ou le jupon d’une danseuse. Regarder les œuvres de Laurence Bost offre une drôle de sensation de paradoxe. C’est à la fois une échappée vers un monde parfaitement inconnu et la poésie nostalgique d’un instant qu’on a l’impression d’avoir déjà vécu.
Pourtant, Laurence n’était pas destinée à devenir artiste peintre. "Quand j’ai découvert la peinture, j’étais mère au foyer avec derrière moi cinq ans d’études de droit. Je ne m’étais pas du tout projetée dans une carrière d’artiste", confie-t-elle à Aleteia. Sa vocation est née il y a quinze ans, après un dessin à l’aquarelle réalisé un peu par hasard. "Je me suis rendu compte que finalement, ce n’était pas trop mal", sourit-elle. Mais l’aquarelle, ce n’était pas pour elle. “Ce médium ne me plaisait pas, il n’était pas assez puissant en couleurs et en contraste”, explique l’artiste. Alors elle se tourne vers une autre technique, exigeante, ancienne, pleine de caractère : la peinture à l’huile. Elle effectue d'abord un stage de peinture chez André Jude, et c’est là que le ciel lui tombe sur la tête, se souvient-elle. "J’ai eu ce sentiment absolu, convaincu, que je venais de trouver ce pour quoi j’étais faite. J’étais heureuse, et en même temps terrifiée. Qu’est-ce que j’allais faire de ça à 35 ans ?" Laurence se forme pendant un an auprès du peintre Christoff Debusschere qui lui apprend les grandes bases de la peinture et décide finalement de se consacrer complètement à sa nouvelle passion. La maladie et la mort de sa sœur Emmanuelle, emportée à 35 ans par une leucémie, donnent un nouveau souffle à ses peintures. "Cet événement a beaucoup orienté ma façon de voir les choses. Je me suis dit : la vie est courte, vivons. Et vivons au service du beau, du bien et du vrai."
Son travail est reconnu très rapidement, une chance inouïe dans ce métier pourtant ingrat où faire ses lettres de noblesse est souvent un parcours du combattant. Jean-Luc Couillaud, directeur et propriétaire de la Galerie 26 située place des Vosges à Paris, croit tout de suite en son talent et y expose les toiles de Laurence chaque année.
Notre-Dame, là où tout a recommencé
Dans les tableaux de Laurence, on retrouve l’inspiration des peintres de la lumière, courant de la fin du XIXe et du début du XXe siècle : un peu de Joaquín Sorolla, d’Anders Zorn ou encore de Krøyer… Et ici et là, des petits bouts de foi. Une foi fragmentée, tourmentée, dont les brisures se sont répandues en touches de lumière sur des toiles blanches. Éduquée dans la foi catholique, pratiquante, Laurence voit ses certitudes voler en éclats en même temps que son mariage. Cette épreuve la pousse à reconsidérer son rapport à Dieu, cernée de doutes et démunie. "Ça a été chaotique. Vivre le divorce dans l’Église aujourd’hui fait que l’on se sent très en marge. Même si la spiritualité était toujours présente, j’avais l’impression d’y être un peu extérieure", reconnaît-elle.
Et il y a eu Notre-Dame. La fin et le recommencement de tout. Pour la cathédrale bien sûr, mais aussi pour Laurence. L’artiste est autorisée par l’Établissement public chargé de la reconstruction à peindre les différents artisans ayant œuvré sur le chantier. Cette collection, intitulée “Les gardiens du geste”, est exposée au musée de la Légion d’honneur (Paris) du 11 décembre au 2 mars 2025. "Je crois que c’est la grâce de Notre-Dame. Il y a une forme de résurrection qui s’opère par le Beau, qui nous mène à la création divine et à Dieu, tout simplement. Tout est revenu naturellement en peignant ces artisans. La foi est de nouveau une nécessité pour moi. Je retourne à la messe, j’ai l’impression de revenir à la maison", confie-t-elle. Le livre Akedia : Le diable au désert d’Adrien Candiard, frère dominicain, l’inspire tout particulièrement. "J’ai compris que le désir de la foi était déjà la foi. J’ai appris qu’il n’y avait pas besoin d’avoir une conviction absolue pour croire. Notre-Dame, c’est une leçon d’humilité."