Connaissez-vous l’ambonoclasme ? Ce nom donné par l’abbé Thiers (1636-1703) fait référence à l’iconoclasme, pensée hétérodoxe qui promeut la destruction des icônes. Le prêtre français du XVIIe a forgé à partir de ce mot grec antique un néologisme, qui évoque la destruction, en son temps, des jubés dans les églises. Le concile de Trente, qui s’est clos en 1565, a effectivement préconisé une meilleure participation des fidèles dans la liturgie et demandé que les chœurs soient avancés et ouverts sur la nef. Or, depuis plusieurs siècles, une tribune et une barrière séparent les clercs des fidèles. Le diacre y proclame l’évangile après avoir reçu la bénédiction du prêtre qui donne son nom à l’élément architectural : "Jube domine benedicere…"
À Notre-Dame de Paris, le jubé fut donc détruit lors des réaménagements du XVIIIe siècle. Seule une quinzaine de ses fragments furent découverts lors de la rénovation de la cathédrale par Viollet-le-Duc, 150 ans plus tard. Il aura fallu attendre l’incendie de 2019 et les fouilles qu’il a permises pour mettre au jour, en plus du probable sarcophage de Joachim du Bellay et d’une magnifique tête sculptée du Christ, plus de mille morceaux du jubé des années 1230.
Résultats fin 2026
Présentés en septembre dernier par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), les résultats des fouilles menées sous la croisée du transept feront l’objet d’une exposition inédite au musée de Cluny, à Paris, du 19 novembre prochain au 16 mars 2025. Le musée national du Moyen âge accueille depuis longtemps les restes de la statuaire de Notre-Dame, notamment les têtes de la frise des rois de la façade occidentale retrouvées en 1877 dans les sous-sols d’un hôtel parisien.
L’exposition ne présentera, parmi 120 œuvres, qu’une trentaine de pièces du jubé, des pièces polychromes qui permettront d’imaginer à quoi pouvait ressembler la cathédrale avant qu’elle ne perde ses couleurs. Grâce à une mise en regard avec les fragments déterrés au XIXe, le visiteur appréciera l’ampleur des découvertes et l’amélioration des techniques archéologiques. Ce n’est qu’un début pour la valorisation des pierres sculptées médiévales. À terme, les archéologues voudraient "étudier le jubé sous tous ses aspects, proposer un remontage numérique, évaluer la part du jubé encore enfoui et diffuser fin 2026 les résultats de ces travaux" explique l’Inrap. Encore deux ans, donc, avant de pouvoir réaliser comment le chœur et la nef de Notre-Dame étaient séparés avant la terrible épreuve de l’ambonoclasme !
En pratique :