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Que faire de Johny ?

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Benoist de Sinety - publié le 20/10/24
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Curé-doyen de la ville de Lille, le père Benoist de Sinety raconte l’histoire de Johny, Africain déraciné venu en France pour être chrétien. L’histoire singulière d’un cas particulier, mais qui invite au respect et à l’attention de tous.

Ces mots de la chanson de Jacques Brel reviennent à ma mémoire grâce au message publié par un ami qui les cite sur un réseau social, au moment où je raccroche après avoir eu une conversation avec un confrère au sujet d’un jeune exilé, Johny, actuellement sous tente près d’un métro à Lille :

Pourvu que nous vienne un homme
Aux portes de la cité
Que son regard soit un psaume
Fait de soleils éclatés
Qu’il ne s’agenouille pas
Devant tout l’or d’un seigneur
Mais parfois pour cueillir une fleur
Et qu’il chasse de la main
A jamais et pour toujours
Les solutions qui seraient sans amour.
(Jacques Brel, L’Homme dans la cité)

Il veut le baptême

Par la fenêtre, la pluie ne cesse de tomber depuis deux jours. Johny vient d’un pays d’Afrique centrale où les chrétiens sont très peu nombreux. Son père est imam, famille de militaires. Lui, depuis toujours, est attiré par le Christ. Son désir lui a coûté un doigt que son propre père a tranché lorsqu’il a découvert que son fils fréquentait le temple protestant à côté de chez lui. Puis la mâchoire qu’il s’est faite fracasser lorsqu’ils ont découvert qu’il y retournait. C’est sa mère, finalement, qui l’a fait s’enfuir. 

Johny est passé par le Maroc, puis l’Espagne, puis le Nord... Il ne se plaint pas. Un jour, il pousse la porte ouverte de l’église près de laquelle il s’est échoué. Il y rencontre le prêtre. Il parle. Ils parlent. Ce qu’il dit le plus c’est qu’il veut le baptême. Le baptême : vous comprenez ? Il ne vient pas chercher un papier, un travail même si tout cela a son importance, mais la foi. En discutant avec le pasteur du petit temple où il rentrait au risque de sa vie, le prêtre s’entend confirmer en tout point le récit du jeune homme.

Que faire de Johny ?

Le temps passe, les mois, bientôt l’année. Rien ne change, ni dans l’absence de réponse administrative ni dans sa précarité. Il doit se cacher pour ne pas être arrêté et risquer cette reconduite à sa frontière, et de là dans sa tombe. Le voici maintenant sous le drap humide d’une tente de misère. "Vous verrez, me dit le prêtre, c’est un garçon vraiment gentil : il s’informe toujours en premier de vos nouvelles avant de donner les siennes." Comment comprend-il son avenir, Johny ? Il ne l’envisage que chrétien.

À l’heure où l’Europe semble fascinée par les murs de bétons et les barbelés élevés en Albanie sur capitaux italiens dans lesquels seront déportés contre leur gré quelques centaines de bougres qui n’ont rien demandé, mais qui se voient ainsi sacrifiés au marketing politique, que faire de Johny ? Beaucoup diront que c’est tragique mais que c’est inévitable. D’autres expliqueront doctement, depuis leurs salons bourgeois, sans remettre en cause bien sûr la sincérité de la démarche, qu’il faudrait quand même en vérifier attentivement les fondements. Il en est peut-être aussi, sans oser le dire, qui penseront qu’après tout, ce brave garçon devrait accepter le martyre, eux qui n’ont jamais eu à souffrir autre chose que la bêtise sécularisée de certaines déclarations et de certains commentaires sur l’Église en ne craignant pas de crier alors à la persécution. Alors, oui, que faire de Johny ? lui aménager une place dans un camp albanais ?

Se laisser intranquilliser

À ceux qui objecteront qu’il ne faut pas faire d’un individu une généralité, il sera loisible d’expliquer que d’autres font ainsi en n’ayant pas peur de transformer tout mineur non accompagné en délinquant et, au bout du compte, tout étranger en danger. Non qu’il faille prétendre que Johny soit le visage de tout exilé. Mais il n’en est pas si éloigné non plus : si nous prenions le temps de rencontrer les gens avant de les considérer comme un groupe informe, nous découvririons autant d’histoires sincère et touchantes qui, si elles ne donnent pas forcément toutes droit à séjourner durablement sur nos territoires fertiles, méritent cependant toujours le respect et l’attention.

Quelle étrangeté qu’en cette terre pourtant si labourée par l’Évangile, on n’écoute plus avec reconnaissance que ceux qui parlent de barrières et campent la violence tranquille du "bon droit", plutôt que de se laisser "intranquilliser" par les paroles de ceux qui sont parmi les pauvres. Au point que même l’Église, parfois, semble gagnée par la paralysie d’une langue qui ne frémit plus aux doigts tranchés et aux mâchoires défoncées. Que faire de Johny ?

Pourvu que nous vienne un homme
Aux portes de la cité
Avant que les autres hommes
Qui vivent dans la cité
Humiliés l’espoir meurtri
Et lourds de leur colère froide
Ne dressent au creux des nuits
De nouvelles barricades.

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