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Il n’y a de réel que dans l’humain

Christian refugees. Réfugiés chrétiens.

Réfugié Erythréen de confession orthodoxe, dans l'église de Norrent Fontes, 2015. Image d'illustration.

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Benoist de Sinety - publié le 15/09/24
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Ce pourrait être la leçon de cette histoire racontée par le père Benoist de Sinety, curé-doyen de la ville de Lille : la misère ne se combat pas d’abord par l’efficacité administrative, ni par la justesse des théories politiques, mais par la bonne volonté des hommes et des femmes qui se battent pour débloquer des situations absurdes.

Il y a parfois des petites histoires qui valent mieux que des grands discours. En mars dernier, alors que le printemps tardait à percer, on vient me signaler que dans l’église, une famille d’Américains en difficulté demande à me rencontrer. "Des Américains en difficulté ? J’avoue ne jamais encore avoir rencontré une telle situation… On en voit passer des nationalités, qui demandent un coup de main, mais des Américains… c’est bien la première fois." Il s'agit en fait d'une famille haïtienne. Les deux parents avec leur petit bébé se tiennent devant moi. Ils ont l’un et l’autre des visas d’étudiants qui expirent dans quelques mois. Mais ils ont pris la décision de rentrer au pays, prenant conscience qu’ici, en France, rien n’était possible pour eux comme avenir. 

Les mois s’écoulent

Ils viennent de dépenser toutes leurs économies pour acquérir des billets d’avion. Avec les troubles dans le pays il n’y a plus aucun vol direct entre l’Europe et Haïti depuis longtemps déjà. Il faut toujours faire escale dans un pays d’Amérique latine avant de rejoindre leur île lointaine. Ils sont donc partis il y a quelques semaines pour la République dominicaine. À leur arrivée, les douaniers leur disent : "Des Haïtiens ici ? Hors de question !" Et les voici rembarqués de force avec leur bébé par un vol pour l’Europe et de là, un train pour Lille. 

Il serait bon que ceux qui aspirent à nous gouverner puissent rencontrer ces réalités, en vérité, et non pas dans la froideur des rapports administratifs.

Un jeune entrepreneur qui cherche des ouvriers pour son usine, me dit : "Je serais très heureux de les embaucher, mais avec des visas d’étudiants, il faut d’abord déposer le profil de poste à Pôle Emploi pendant plusieurs semaines et prouver que personne n’est intéressé, puis ensuite demander une dispense à la préfecture. Autant dire mission impossible." Les mois s’écoulent. Nous voici en juin. Nous discutons avenir. Ils me disent : "Ici en France, rien de possible, il est préférable de regagner le pays." Ce pays livré à la violence absolue depuis quelques années, ou des bandes tuent et rançonnent en toute impunité.

Un cœur s’ouvre enfin

Mais comment parvenir sur cette île, puisque pour y aller, il faut d’abord faire escale dans un pays d’Amérique latine ? Et que chacun de ces pays exige des Haïtiens un visa de transit dont les conditions d’obtention rendent totalement illusoire la possibilité d’y parvenir. Une addition d’énergie, de bonne volonté, d’enthousiasme, se met alors en œuvre. Certains accueillent, d’autres financent, d’autres encore passent des coups de téléphone. Pendant des semaines et des mois, rien. Et puis un jour, un cœur qui s’ouvre dans une ambassade et qui se laisse toucher par le récit humain de ces trois naufragés. Le papa me disait la veille encore : "J’ai l’impression d’être dans une grande pièce, entourée de portes qui se ferment les unes après les autres, avec une voix dans un haut-parleur, qui me dit, vous devez sortir." Et voilà que, au lendemain de ces paroles, les visas inespérés leur sont donnés. Et les voici partis pour un avenir qui n’est pas rose, ni simple, mais qu’ils ont choisi en fonction de ce que nous avons nous-mêmes permis pour eux. 

On peut toujours ergoter sur les quotas, sur les chiffres, sur les données statistiques, mais on ne dit rien en fait. On ne fait que parler, se faire peur, se rassurer parfois, brasser du vent. Il n’y a de réel que dans l’humain. Il serait bon que ceux qui aspirent à nous gouverner puissent rencontrer ces réalités, en vérité, et non pas dans la froideur des rapports administratifs. Afin qu’à défaut d’avoir le temps de les prendre chacun en compte, ils puissent permettre à ceux qui s’y risquent de pouvoir parvenir à un résultat qui nourrisse l’Espérance et construise la justice.

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