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Un silence complice

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Benoist de Sinety - publié le 21/04/24
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Les jeunes migrants qui arrivent en France sont d’abord victimes de la misère et de leurs illusions. Au lieu d’affronter le problème en vérité, s’indigne le père Benoist de Sinety, curé-doyen de la ville de Lille, on préfère le silence et le mépris, au risque de les abandonner à leurs démons intérieurs.

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Le silence. C’est ce qui frappe le plus aujourd’hui quand on évoque le sujet des migrants. Quelques petits sanglots dans le ton de circonstance des commentateurs qui annoncent le naufrage d’une embarcation ou la découverte de quelques cadavres jetés sur la grève, quelques images gênées de campements immondes dans lesquels on laisse ces invisibles croupir loin des centres villes... Les mineurs isolés, lorsque l’actualité s’y prête, deviennent en deux dépêches l’incarnation du mal et de la violence. Jusqu’à ce que des jeunes Français commettent des crimes aussi horribles et que le silence du coup, retombe, perdu.

La détresse des mères

Il faut le dire avec force : les jeunes, et peu importe leur âge, qui arrivent en nos contrées ne sont ni des barbares ni des délinquants. Ils sont pour l’immense majorité issus de familles qui ont su les élever et leur inculquer la politesse et le respect. Ce ne sont pas eux qui dealent et qui consomment, ils n’arrachent pas les sacs et ne brandissent pas des couteaux en invoquant le nom de Dieu. Ils arrivent dans nos villes, d’abord hagards et confus. Ils n’y connaissent ni les adresses des bureaux d’aide sociale ni les formulaires à remplir comme certains irresponsables le laissent entendre pour attiser les peurs. J’en vois tous les jours ou presque. Ils parlent peu, portent beaucoup, sans avoir les moyens de le partager, le poids psychique et moral de ce qu’ils ont vécu pendant les mois et les années qu’ils ont passées sur les chemins et les flots. Racket, torture, viol, meurtre, vol : pour ceux qui ont quitté leurs villes à 15 ans et qui arrivent en Europe deux ans plus tard, ils ont été sans exception les victimes de toute ou partie de ces crimes. 

Qui peut lutter contre le déferlement d’images et de promesses de jours meilleurs dont les réseaux sociaux et notre mode de vie font à ce point la promotion ?

Bien sûr que leur départ était irresponsable. Bien sûr que les adultes qui parfois les y ont poussé sont irresponsables. Mais il est souvent avéré que ces jeunes partent sans se confier avant à quiconque, certains qu’ils sont d’essuyer reproches et refus. Il faut avoir une bien piètre opinion de la maternité pour imaginer les mamans de ces jeunes les encourager à prendre de tels risques. Les mères africaines savent ô combien que ce voyage est funeste et qu’il risque de les éloigner à tout jamais d’un fils chéri. Elles souffrent de voir que leurs pays ne procurent aucun avenir aux fruits de leurs entrailles. Elles s’opposent autant qu’elles peuvent et veillent. Mais qui peut lutter contre le déferlement d’images et de promesses de jours meilleurs dont les réseaux sociaux et notre mode de vie font à ce point la promotion ? Un jour, cette mère trouvera un message posé sur la table par ce fils qu’elle ne reverra plus. Il lui dit qu’il part, pour être chanteur, musicien, footballeur ou simplement gagner de l’argent "chez les Blancs" et qu’elle pourra enfin la construire, cette maison dont il s’imagine qu’elle rêve !

Un silence complice

Et les voici qui arrivent, chaque jour, toujours, sans cesse. Ils s’entassent puisque nos préfectures ont des consignes, feutrées, de tout faire pour "que ça traîne". Plutôt que d’affronter le problème, on le nie. Ou pire, on le méprise. Les services sociaux reconnaissent-ils la minorité de l’un ? Qu’à cela ne tienne, le Préfet fait recours : "Ça durera six mois, un an, et vous verrez quand ça passera en appel, il les aura, ses 18 ans !" Mais la justice, dans la montagne de tous ces dossiers, parvient à garder son sang-froid et à condamner parfois l’État et souvent à annuler des décisions arbitraires, non-fondées et donc illégales. 

Tout cela dans un silence qui finit par nous rendre collectivement complice du mal qui se déroule sous nos yeux, sans que presque plus aucune autorité morale n’y trouve à redire. Parfois, parmi ces jeunes, l’un ou l’autre devient violent et tous se déchaînent : "Ça y est, on la tient notre justification !"

Rien n’est simple

Sans que personne n’ose se poser publiquement la question : comment se fait-il qu’il n’y en ait pas plus qui deviennent fous dans cette masse d’intouchables ? En refusant de prendre à bras le corps ces situations, en choisissant le silence et le mépris, on abandonne au néant des milliers de jeunes gens qui ont lutté pendant leurs odyssées, comme peu d’entre nous, pour avoir une chance. Au risque de les laisser dériver vers les chants suaves de l’islamisme et de l’ultra-violence, ou de s’abandonner à leurs démons intérieurs.

Rien n’est simple sur cette question : comment aider ces jeunes à croire en un avenir possible en demeurant chez eux ? comment prendre en charge ceux qui arrivent chez nous en essayant de prendre soin d’eux et de leur donner la possibilité d’exprimer leur reconnaissance à leur terre d’accueil ? comment convaincre nos responsables que ce n’est pas en faisant semblant de maîtriser un tel sujet qu’ils nous guideront sur le chemin d’une société fraternelle ? Mais rien ne pourra se faire sans le courage et la responsabilité, non pas en paroles et en posture, mais en actes et en vérité.

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