Dans l’art sacré comme profane, les thèmes abordés par les artistes ne sont pas traités de manière uniforme tout au long de l’histoire. Par moments, certains sont particulièrement valorisés. À d’autres, ils sont moins traités. Si la doctrine de l’Église ne change pas, chaque époque peut être plus attirée par des aspects de la Foi, de la vie du Christ et des saints plutôt que d’autres. Parce que les sensibilités évoluent, que le magistère met en lumière un point particulier du dogme ou tout simplement que les goûts changent. Les prouesses réalisées par des artistes talentueux peuvent en inspirer d’autres, ou donner le souhait à des commanditaires de voir traiter un même sujet pour leur compte.
C’est le cas des ensembles dits de "mise au tombeau". Très présents au XVe siècle, ils disparaissent progressivement au cours du XVIe. L’église Saint-Jean-Baptiste de Chaource, en Champagne, en conserve un des plus exceptionnels exemples, aussi connu sous le nom de "Saint-Sépulcre de Chaource". L’Évangile de Marc rapporte ainsi l’épisode de la mise au tombeau : "Pilate s’étonna qu’il soit déjà mort ; il fit appeler le centurion, et l’interrogea pour savoir si Jésus était mort depuis longtemps. Sur le rapport du centurion, il permit à Joseph de prendre le corps. Alors Joseph acheta un linceul, il descendit Jésus de la croix, l’enveloppa dans le linceul et le déposa dans un tombeau qui était creusé dans le roc. Puis il roula une pierre contre l’entrée du tombeau. Or, Marie Madeleine et Marie, mère de José, observaient l’endroit où on l’avait mis." (Mc 15, 43-47). L’ensemble sculpté n’est évidemment pas le reflet exact des textes bibliques, mais comment ne pas être impressionné par la taille de l’ensemble ?
Un sculpteur inconnu pour un ensemble exceptionnel
Le sculpteur de cette œuvre du tout début du XVIe siècle n’est pas identifié avec certitude. La pièce qu’il nous laisse est si remarquable par la finesse des sentiments exprimés qu’on lui a tout de même donné un nom à son auteur, le "maître de Chaource". D’après certains experts, peut-être s’appelle-t-il Jacques Bachot. L’histoire a retenu peu d’éléments le concernant, si ce n’est qu’il a aussi sculpté plusieurs statues de la région champenoise.
Le décor est monumental (les personnages sont un peu plus grands que nous), créé pour la chapelle sépulcrale d’un seigneur local et de son épouse. Il faut passer une porte, descendre quelques marches pour accéder à la chapelle. Là, trois soldats sont spectateurs, comme protecteurs de la scène qui se tient devant nos yeux, accompagnent les sept personnages qui la composent. Soutenue par saint Jean, Marie se tient au-dessus du visage de son fils, les mains jointes, le regard tourné vers la plaie du côté. Nicodème et Joseph d’Arimathie retiennent le corps de Jésus dans un linceul. Trois femmes accompagnent ce moment douloureux, Marie-Madeleine tenant le parfum destiné à l’embaumement, entourée de Marie-Cléophas, portant la couronne d’épines, et de Marie-Salomé. La douleur contenue, la retenue des visages, tout incite au recueillement, à la contemplation et à la méditation.