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Le Rosaire, la prière de l’automne

"La fête de Notre Dame du Rosaire" d'Albrecht Dürer, Prague, Galerie nationale.

"La fête de Notre Dame du Rosaire" d'Albrecht Dürer, Prague, Galerie nationale.

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Jean-François Thomas, sj - publié le 16/10/24
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La Vierge Marie en octobre prend chacun par la main afin de l’aider, par la méditation et la contemplation des mystères du Rosaire, à marcher sans crainte des pièges et des épreuves de la vie.

Alors que l’année commence à mourir et s’avance dans les frimas de l’hiver, la Très Sainte Vierge nous réchauffe en ce mois d’octobre qui lui est consacré de façon plus austère que le mois de mai, riche de lumière et de fleurs. Le Rosaire règne ici, égrenant ses grains comme autant de petits cailloux nous menant vers l’éternité. Nul ne pourra jamais en épuiser les mystères et la simplicité. Cette prière sauve. Elle a permis à l’Église et à bien des nations de traverser des crises, des hérésies, de gagner des batailles décisives, de repousser l’Ennemi et ses légions, de redonner à chaque âme en peine l’énergie intérieure pour poursuivre le chemin, cahin-caha.

Dans le découragement, s’amarrer au chapelet

Lorsque tout l’esprit est fourbu et las, lorsque le combat semble être sans fin et avec une issue sans espoir, lorsque tout paraît vain et sans intérêt, lorsque le goût des choses et l’amour des êtres risquent de s’émousser, le recours efficace est toujours de s’accrocher au chapelet comme à un cordage de bon aloi, résistant envers et contre tout. La vie s’écoulant peut conduire au découragement, surtout dans l’épreuve ou la solitude. Il est alors nécessaire de s’amarrer et de serrer entre nos mains ces grains du Rosaire qui deviennent autant de bouées de sauvetage. Charles Péguy a su exprimer cette fatigue de l’âme qui rame et qui trouve enfin son refuge près de la Vierge Sainte : 

Nous n’avons plus de goût pour les forfanteries,
Maîtresse de sagesse et de silence et d’ombre,
Nous n’avons plus de goût pour les argenteries,
Ô clef du seul trésor et d’un bonheur sans nombre. 

Nous en avons tant vu, dame de pauvreté,
Nous n’avons plus de goût pour de nouveaux regards,
Nous en avons tant fait, temple de pureté,
Nous n’avons plus de goût pour de nouveaux hasards. 
Nous avons tant péché, refuge du pécheur,
Nous n’avons plus de goût pour les atermoiements,
Nous avons tant cherché, miracle de candeur,
Nous n’avons plus de goût pour les enseignements.
(La Tapisserie de Notre Dame, Prière de report) 

L’épée contre le chaos du monde

Pour lutter contre de telles tentations, le florilège du Rosaire, cette couronne qui ne flétrit pas, est un remède puissant. Pie XII écrivait que cette prière était "abrégé de tout l’Évangile, méditation des mystères du Seigneur, sacrifice du soir, guirlande de roses, hymne de louange, prière domestique, règle de vie chrétienne, sûr gage des faveurs célestes, asile espéré du salut" (Lettre Philippinas insulas, 31 juillet 1946). Comme l’avait rappelé Léon XIII, le Rosaire avait été institué essentiellement pour se mettre sous la protection de la Très Sainte Vierge contre les ennemis du nom chrétien : ceux qui haïssent Dieu, le Christ, son Église. Il est l’épée contre le chaos du monde, une épée pour la vie. Jean Paul II le souligna à Fatima : "Par cette prière, on embrasse les problèmes de l’Église, du Siège de saint Pierre, les problèmes du monde entier. En outre, on se souvient des pécheurs, pour qu’ils se convertissent et se sauvent, et des âmes du purgatoire" (Homélie à Fatima, 13 mai 1982). 

Reprendre la liste des promesses de la Très Sainte Vierge à saint Dominique et au bienheureux Alain de la Roche en ce qui regarde la dévotion au Rosaire est toujours un encouragement car la sanctification, pas à pas, est le fruit de cet exercice à la portée de tous. C’est puiser là à la source comme le soulignait ce dévot marial que fut le bienheureux Édouard Poppe : "Savez-vous que dans la liturgie notre bonne Mère est appelée “Puteus aquarum viventium”, la Source qui fait jaillir les eaux vivantes ? “Fons hortorum”, la Source qui irrigue notre jardin des grâces fécondantes de Jésus ! Puisez au fond de votre âme, à cette Source, ouvrez-la par la confiance et laissez-vous doucement inonder de ses eaux" (Étincelles, III. Dévotion mariale). Cette eau mariale est plus agréable à recevoir que les multiples averses automnales !

De la douleur mariale à la joie mariale

La peine et l’effort, le sacrifice, sont parts intégrantes de cet élan entretenu par le Rosaire. Notre Dame est la Femme des Douleurs, sans pour autant que ces dernières n’éteignent la Joie. Certes, l’homme préférerait échapper à cette nécessité mais l’exemple du Maître est là pour lui montrer que personne ne peut échapper à cette vérité : le salut passe par la Croix et Marie, debout au pied du gibet, nous aide à embrasser le bois pour entrer dans la Résurrection. Le Rosaire nous fait toucher du doigt les joies, la gloire et les douleurs du Christ et de sa Mère et il nous rend conformes à cette réalité à la fois terrible et consolante puisque le mot de la fin s’écrit dans la lumière. Quel est d’ailleurs le signe irrécusable d’un véritable amour ? Être prêt à accepter de souffrir pour l’autre ou à cause de l’autre. Sinon, l’amour demeure irréel. Le Christ a embrassé cette souffrance par amour et sa Mère l’a accompagné dans cette mission, partageant cette douleur à nulle autre pareille. 

En sautant de grain en grain, marmonnant les Ave Maria, nous nous greffons à cette Douleur mariale pour être introduit ensuite à la Joie mariale. Ce chantre de la peine humaine et de la souffrance christique que fut Léon Bloy s’écriait : 

La Douleur ! Voilà donc le grand mot ! Voilà la solution de toute vie humaine sur terre ! Le tremplin de toutes les supériorités, le crible de tous les mérites, le critérium infaillible de toutes les beautés morales ! On ne veut absolument pas comprendre que la douleur est nécessaire. Ceux qui disent que la douleur est utile, n’y comprennent rien. L’utilité suppose toujours quelque chose d’adjectif et de contingent et la douleur est nécessaire. Elle est l’axe vertébral, l’essence même de la vie morale. L’amour se reconnaît à ce signe et quand ce signe lui manque, l’amour n’est qu’une prostitution de la force ou de la beauté (Le Symbolisme de l’Apparition)

Le plus grand amour

Donner sa vie pour ses amis est le plus grand amour, et les saints ont vraiment cru et appliqué cette divine parole en recherchant sans cesse, à la suite de la Très Sainte Vierge, la compagnie de la Passion du Christ. Il avait été annoncé à Marie qu’un glaive lui transpercerait le cœur alors même qu’Elle était habitée par la joie d’avoir enfanté le Fils. La Femme forte est aussi la Mère désolée et torturée. Henri Pourrat, dans sa belle méditation des souffrances du Christ, écrit : 

Le Christ associe sa mère à son martyre, parce que, par-delà l’espace et le temps, il lui ouvre ainsi une fontaine de grâces qui ne tarira plus. La souffrance ne porte-t-elle pas plus avant l’amour ? Et l’amour ne fait-il pas de la souffrance transfigurée autre chose que la souffrance ? Comme le soleil, de l’eau du matin, qui n’était que froid et mouillure, fait ce grand parfum d’herbage qui dilate le cœur. Mais Dieu seul sait faire souffrir sans assombrir le monde. Un océan de douleurs bat la terre, et en ces eaux glauques se trouve infuse comme un sel la charité, essence de Dieu. Ainsi l’amour et la douleur sont liés mystérieusement. Peut-être travaillent-ils ensemble à hausser la vie ? (La bienheureuse Passion.)

La Très Sainte Vierge en octobre prend chacun par la main afin de l’aider, par la méditation et la contemplation de ces mystères du Rosaire, à marcher sans crainte des pièges et des épines. La montée est rude mais le repos nous accueille entre les pans du manteau de miséricorde de notre Mère.

Découvrez aussi les belles méditations de Benoît XVI autour du rosaire :

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