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C’est le signe d’une Église en mouvement que le pape François a voulu envoyer en annonçant ce 6 octobre 2024 la tenue d’un consistoire pour la création de 21 cardinaux, dont 20 ont moins de 80 ans et seraient donc électeurs en cas de conclave. Avec cette nouvelle promotion, le pape François continue de façonner un collège qui comptera le 8 décembre prochain, date du consistoire, 141 cardinaux électeurs. Analyse à chaud de cette dixième promotion de cardinaux créés par François depuis 2013.
Une Église en mouvement
Depuis septembre, le pape François mène tambour battant son agenda. Après un voyage de 12 jours en Asie du Sud Est et en Océanie puis une visite délicate en Belgique et au Luxembourg fin septembre, le pontife de 87 ans n’a pas attendu la fin du Synode d’octobre pour annoncer la création de cardinaux. Le chef de l’Église catholique n’était pourtant pas pressé par le temps puisque le collège des cardinaux électeurs comptait jusqu’à ce jour 122 membres, soit 2 de plus que la limite maximale théorique fixée par Paul VI pour ce collège chargé d’élire les papes.
Avec cette nouvelle promotion annoncée depuis la fenêtre du Palais apostolique du Vatican lors de l’angélus dominical, le collège comptera donc 141 cardinaux électeurs le 8 décembre prochain. François aura ainsi nommé près de 80% de ce collège qui se renouvelle naturellement au gré des décès et des anniversaires (seuls les cardinaux de moins de 80 ans ont le droit de vote).
Signe du mouvement que le Pape souhaite dans l’Église catholique, 9 des 20 nouveaux cardinaux électeurs participent actuellement au Synode sur la synodalité, ce vaste chantier lancé en 2021 qui porte sur la gouvernance de l’Église et sa façon d’être plus inclusive et moins cléricale.
Comme un symbole : le Pape a fait le choix d’offrir la pourpre cardinalice au dominicain Timothy Radcliffe, prédicateur officiel du Synode. À 79 ans, le Britannique a particulièrement marqué l’assemblée par ses catéchèses en exhortant les membres – souvent avec humour – à se débarrasser des résistances et des étroitesses d’esprit.
Prolongeant l’avertissement du pape François contre un Synode qui ne doit pas devenir un "parlement", Timothy Radcliffe a par exemple demandé lundi de ne pas voir dans l’assemblée des "représentants de partis" avec "cet horrible cardinal conservateur" ou bien "cette effrayante féministe !".
Plus largement, ce consistoire participe à rendre le collège cardinalice toujours plus "bergoglien", avec des évêques mettant davantage en avant une approche pastorale plutôt que doctrinale.
L’Afrique patine et l’Asie renforcée
Avec cette nouvelle promotion, la composition du Sacré Collège poursuit son évolution. Si l’Europe reste toujours le plus grand vivier de cardinaux (30% de cette promotion), le poids du continent décroit très légèrement encore. Alors que plus de la moitié des cardinaux du conclave de 2013 étaient Européens, ils représenteront le 8 décembre prochain 39% du collège.
C’est l’Asie, continent qui vient d’être visité par le pape François, qui continue sa progression. Moins de 8% des cardinaux étaient asiatiques en 2013. Ils formeront le 8 décembre prochain 16,3% (et 18,4% si l’on comprend les cardinaux du Moyen-Orient). François a décidé de nommer quatre nouveaux cardinaux asiatiques, dont Mgr Paskalis Bruno Syukur, évêque de Bogor, qu’il a rencontré lors de son voyage en Indonésie début septembre. Le pape a aussi donné un troisième cardinal électeur aux Philippines, en la personne de Mgr Pablo Virgilio David, évêque de Kalookan. Poumon de l’Église catholique en Asie, le pays compte environ 90 millions de catholiques.
En revanche, si l’Afrique est le continent où le catholicisme croît davantage que dans les autres, il n’a pas été récompensé en termes de sièges cardinalices. Seuls deux nouveaux cardinaux africains – dont le franco-algérien Jean Paul Vesco, archevêque d’Alger – composent ce consistoire qui fait passer le poids de l’Afrique dans le collège sous la barre des 13%.
Ce défaut de représentation rappelle en outre que l’Afrique ne dispose plus de cardinal préfet à la tête d’un dicastère de la Curie romaine depuis deux ans.
Des cardinaux pour des Églises ultra-minoritaires
C’est l’une des marques de fabrique du pape François depuis 2013 : donner un chapeau de cardinal à des pasteurs à la tête de minuscules communautés catholiques. Le pape n’a pas dérogé à sa règle lors de ce consistoire. Il en est ainsi avec Mgr Dominique Mathieu, archevêque de Téhéran-Ispahan, en République islamique d'Iran, où les quelque 2.000 catholiques ont de grandes difficultés à vivre leur foi et peuvent faire l’objet de discriminations, voire de persécutions. En créant cardinal ce Belge de 61 ans, le pape renforce la stature de cet évêque capucin dans une région menacée par la guerre avec Israël.
À noter d’ailleurs que le pape François a déjà nommé, ces six dernières années, trois autres cardinaux électeurs au Moyen-Orient : le cardinal Sako, patriarche des Chaldéens (Bagdad), le cardinal Mario Zenari (nonce apostolique en Syrie) et le cardinal Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem. Une façon de donner une voix aux catholiques de ces pays qui ont été nombreux à s’exiler.
Dans la promotion annoncée ce dimanche, Jean-Paul Vesco est lui aussi à la tête d’une petite communauté de fidèles à Alger (environ 4.000). Comme le pape l’avait fait avec Cristóbal López Romero, cet Espagnol archevêque de Rabat créé cardinal en 2019, François a sans doute voulu encore avec Mgr Vesco encourager ces évêques d’ouverture et artisans du dialogue interreligieux, notamment avec l’islam.
Renouvellement sous le ciel de Rome
Ce consistoire est aussi l’occasion pour François de mettre en mouvement la Curie romaine et son diocèse de Rome. C’est ainsi qu’il a officialisé le nom de son vicaire en la personne de Mgr Baldassare Reina. À 54 ans, c’est lui qui gouvernera le diocèse de Rome au nom du Pape. L’un de ses nombreux chantiers sera de faire appliquer les réformes décidées par le pape François ces derniers mois. Il devra aussi œuvrer à rétablir des relations apaisées entre le clergé romain et le pontife argentin après l’apparition de tensions ces dernières années.
Tout à fait surprenant, le cardinalat du père George Jacob Koovakad augure sans doute de nouvelles responsabilités pour ce jeune prêtre indien de 51 ans travaillant à la Curie. Celui qui organise les voyages du pape François depuis 3 ans pourrait recevoir un nouveau poste prochainement.
Il en est de même pour le père Fabio Baggio, 59 ans, sous-secrétaire du dicastère pour le Service du développement humain intégral. En charge de la section migrants et réfugiés, il porte l’une des thématiques les plus chères au pape François. Il pourrait succéder au jésuite canadien Michael Czerny à la tête du dicastère.
Le pape François a enfin choisi de conférer la barrette cardinalice à Mgr Rolandas Makrickas (Lituanie), 52 ans, archiprêtre coadjuteur de la Basilique papale Sainte-Marie-Majeure. Celui qui a participé à la restructuration économique et financière de la Curie romaine a aussi mené la réforme des statuts de Sainte-Marie-Majeure. À noter que c’est dans cette basilique que le pape François souhaite se faire enterrer.
Quelques éléments surprenants de ce consistoire
Chaque consistoire est l’occasion d’un rajeunissement du collège des cardinaux électeurs. La promotion 2024 permet à ce collège de voir sa moyenne d’âge baisser de plus d’un an (de 71 ans à 70 ans). Les 20 nouveaux électeurs ont en moyenne 62 ans. Le pape François a choisi de nommer un nouveau benjamin au collège en la personne de Mgr Mykola Bychok, évêque de l'éparchie Saints Pierre et Paul de Melbourne des Ukrainiens (Australie). À 44 ans, ce responsable de la diaspora ukrainienne en Océanie détrône le cardinal Marengo, missionnaire en Mongolie (50 ans).
À l’autre bout de l’échelle des âges, le pape François vient aussi de donner un nouveau doyen au collège des cardinaux. À 99 ans, l’ancien nonce Mgr Angelo Acerbi ne votera certes pas en cas de conclave, mais il représente au sein du collège la mémoire d’une Église qui a vécu sous Pie XII.
L’annonce d’un consistoire intéresse par son contenu, mais aussi par ses absents. Ainsi, fidèle à sa volonté d’une Église orientée vers les périphéries, François n’a toujours pas pourvu certains sièges épiscopaux traditionnellement cardinalices. Tel est le cas de Milan, Naples, Paris, Lyon, Los Angeles, Berlin ou encore Dakar, Vilnius ou Cracovie. Par ailleurs, quelques jours après le passage du pape en Belgique où il a été accueilli par Mgr Luc Terlinden, certains auraient pu envisager que le jeune archevêque de Malines-Bruxelles reçoive lui aussi la barrette cardinalice.
Au niveau de la Curie romaine, Mgr Rino Fisichella, pro-préfet du dicastère pour la Nouvelle Évangélisation et grand organisateur du Jubilé 2025, aurait pu lui aussi recevoir la pourpre.
Comme il avait pu le faire par le passé, le pape François a enfin étonné en élevant au cardinal trois simples prêtres (le père Fabio Baggio, le père George Jacob Koovakad et le dominicain Timothy Radcliffe). Autre élément à souligner : la moitié des promus sont issus d’ordres religieux.