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11 millions d’aidants en France : “C’est un acte d’amour !”

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Anna Ashkova - publié le 05/10/24
À l’occasion de la 15e édition de la Journée nationale des aidants, ce 6 octobre, conjoints, enfants, grands-parents, frères et sœurs témoignent de leur quotidien en tant qu'aidants. 

La France compte 8 à 11 millions d’aidants qui déclarent apporter une aide régulière à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie, que cette personne vive dans le même logement ou ailleurs. Ces aidants ont des visages divers et multiples. Ce sont des conjoints, des enfants, des frères, des sœurs, ou encore des grands-parents. Certains donnent une heure par semaine de leur temps à leur proche, d’autres beaucoup plus. Nombreux sont ceux qui témoignent d'une charge mentale augmentée, qui sortent moins ou qui ne pratiquent plus leur sport favori pour se libérer du temps et s’occuper de leur proche. Certains aidants en activité professionnelle se retrouvent même contraints de quitter leur travail. S’ils ne cachent pas qu’il leur est souvent difficile de porter cette croix, ils y voient aussi de la lumière. 

Salarié aidant, déchiré entre la vie pro et perso

"Le bonheur, c’est ici et maintenant, avec mon conjoint handicapé", avoue Alice, dont l’époux est devenu handicapé suite à un accident de voiture lui ayant causé un traumatisme crânien. Fauteuil roulant, amnésie, troubles spatio-temporels, dépendance… Son mari dépend totalement de cette trentenaire qui fait partie de ces femmes aidantes, dont le taux s’élève à 60%, selon une note de l’Observatoire de l’émancipation économique des femmes de la Fondation des femmes, réalisée en juin 2024. Les aidantes sont les mères, les filles, les belles-filles. Lorsque l’aide concerne un parent âgé, c’est le plus souvent (deux fois sur trois) sa fille qui s’en occupe. Et lorsqu’il s’agit d’un enfant, les mères sont les aidantes dans 75 % des cas, relève l’Observatoire qui s’est appuyé sur plusieurs enquêtes. Un investissement qui pèse lourd sur leur carrière car 61% des aidants sont en activité professionnelle, d’après l’Observatoire salariés aidants de l’Ocirp.

30 % des aidants actifs se sentent mis en difficulté professionnellement (organisation, efficacité et qualité du travail). C’est le cas de Gérard et de sa femme. "Nous avons dû adapter notre vie professionnelle pour notre fille Karine, de 43 ans. Mon épouse a dû quitter son emploi et se reconvertir pour pouvoir l'accueillir sur son lieu de travail. Les réflexions sur le handicap lors de nos sorties ont affecté notre famille, surtout la fratrie. Nous recherchons activement un lieu de vie adapté pour elle lorsque nous ne serons plus là, une tâche compliquée avec de longues listes d'attente", raconte Gérard. Si la situation est compliquée à gérer pour le couple, il affirme célébrer "malgré tout chaque petite victoire" de leur fille. 

Comme 4,4 à 5 millions de Français, Christophe jongle au quotidien entre son activité professionnelle et l’accompagnement de sa mère vieillissante. En 2030, ce sera un salarié sur quatre. "J’ai dû refuser une opportunité professionnelle à Singapour pour m’occuper de ma mère", souffle le quarantenaire. S’il a longtemps regretté être passé à côté d’un travail en or, aujourd’hui il chérit chaque instant avec sa mère. "Je ne veux pas la mettre en Ehpad. Je préfère m’occuper moi-même d’elle. Oui, c’est difficile de prendre soin d’une personne qui perd petit à petit la tête, qui peut partir sans prévenir, qui ne sait plus parfois faire des gestes basiques tels qu’allumer un micro-onde… mais elle s’est occupée de moi quand j’étais enfant, je lui dois bien ça". Pour Alice, "le plus dur, c’est la vie sociale". Quand le quotidien est trop lourd, elle se répète cette phrase : "fais ce que tu dois et sois à ce que tu fais". Elle délègue, prend une auxiliaire de vie, garde quelques heures pour elle, pour ses passions, s’offre des sorties culturelles. 

Un véritable acte d’amour

Consciente de la difficulté d’avoir un enfant handicapé à la maison, Margilie apporte son incontestable soutien à sa fille dont le fils aîné, Gustave, souffre de la paralysie cérébrale. "Le mot handicap est venu quand il avait 6 mois. J’ai beaucoup pleuré à l’époque. Pendant deux ans, j’avais du mal à accepter cette situation", confie cette grand-mère de 61 ans. C’est en constatant que sa fille et son gendre allaient bien, qu’ils avaient fait le deuil d’un enfant en bonne santé et avaient accepté ce petit garçon que le Seigneur leur a donné, que cette grand-mère de 13 petits-enfants a décidé de s’occuper davantage de son petit-fils. 

"Très vite, je me suis attachée à lui", explique-t-elle. Toujours à disposition de sa fille et de son gendre, elle s’occupe beaucoup du petit garçon de 9 ans. "Il faut le porter, le changer car il n’est pas propre, l’aider à s’habiller et à manger… C’est lourd psychologiquement et physiquement", explique Margilie. Et d’ajouter : "Je voudrais tellement qu’il apprenne à lire ! J’essaye de l’aider. C’est un peu la loi de la lenteur avec lui, mais qu’est-ce que je suis heureuse de le voir faire des progrès sur des petites choses !". Veuve depuis longtemps, elle accueille avec joie le petit Gustave chez elle pour que ses parents puissent souffler un peu et faire des activités avec leurs autres enfants. "Quand nous sommes seuls, il y a une vraie interaction entre nous. Il parle beaucoup et je l’écoute". Néanmoins, cette veuve et mère de cinq enfants est vigilante à ne pas passer son temps uniquement avec Gustave. "Quand on est mamie et aidante, il faut faire attention à trouver la juste place. Il faut accorder aussi de l’attention aux autres petits enfants", note-t-elle, soulignant que dans sa famille il n’y a pas de jalousie à ce sujet ni au sein de la fratrie ni parmi les cousins et les cousines. 

Je suis heureuse de le voir faire des progrès sur des petites choses !

Si chez Claire, il n’y a pas non plus de jalousie, "il y a parfois de la flemme". Issue d’une grande fratrie de huit enfants, elle a dû s’occuper très tôt de sa grande sœur atteinte de trisomie. "Nous devions l’aider à s’habiller, à manger, faire attention lors des sorties pour qu’elle ne perde pas l’équilibre… Ce sont nous, ses petites sœurs, qui devions prendre soin de notre grande sœur", se souvient la jeune femme de 25 ans, qui souligne que parfois cela demandait des efforts. "Nous avons eu deux ou trois ans difficiles car après être rentrée dans le foyer de jour, Valérie a arrêté de parler, elle n’y était pas assez stimulée. Nous avons dû réinventer notre relation, réapprendre à communiquer avec elle", explique Claire.

Le handicap a toujours fait partie de sa vie et continue de l’être car désormais la jeune femme travaille au sein du service réseaux et événements de l’Office Chrétien des Handicapés (OCH). Elle organise d’ailleurs une journée réservée aux frères et sœurs de 7 à 18 ans d’enfants en situation de handicap, à Boulogne-Billancourt le 12 octobre 2024. "Je sais qu’il peut être difficile de trouver sa place quand on a un frère ou une sœur malade ou porteur de handicap… Il est important de laisser les enfants faire une pause, sortir de leur quotidien et s’exprimer sur ce qu’ils vivent". Enfant, elle-même ne pouvait pas toujours faire ce que ses copains faisaient comme partir au ski, faire des longues randonnées ou du bateau, mais aujourd’hui elle affirme que prendre soin de sa sœur, désormais âgée de 36 ans, n’a jamais était un fardeau. "C’est un acte d’amour !". 

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