separateurCreated with Sketch.

Sa femme et sa foi, les atouts choc de Marc dans son combat contre l’alcoolisme et la bipolarité

Raphaëlle Coquebert - publié le 15/09/24
Un père alcoolique, une éprouvante mission en Afghanistan et le suicide de son frère conduisent Marc à abuser de la boisson. Avant de comprendre que ce penchant destructeur cache une maladie psychique. De cette lourde épreuve, il livre un témoignage sans filtre, poignant et salutaire.

En décrétant tout de go à 25 ans à sa future femme Charlotte qu’une « vie normale » ne saurait le satisfaire, Marc était loin d’imaginer que l’avenir lui donnerait raison d’une bien étrange manière. Il a tout alors du gendre idéal : dynamique, chaleureux, déterminé, pétri de grands idéaux enracinés dans sa foi chrétienne et son amour de la France. Il faut appartenir au cercle des intimes pour savoir quelle faille se niche dans l’armure de ce jeune officier d’infanterie élevé dans le culte de l’armée et du don de soi à « une noble cause » : la fragilisation puis l’éclatement de la cellule familiale, suite à l’addiction de son père à l’alcool autour de la cinquantaine. Atavisme, goût de la fête, échappatoire ? Marc a lui-même une bonne descente, mais ne faut-il pas que jeunesse se passe ? D’autant qu’à cette époque chez « les milis », on ne lésine pas sur les soirées bien arrosées… Charlotte elle-même ne s’en émeut pas : aussi assoiffée d’absolu que l’homme qu’elle aime, elle le fortifie dans sa foi, l’initie à la messe en rite extraordinaire (messe en latin dite de saint Pie V) et l’entraîne dans une solide préparation au mariage.

Des bombes à retardement

Les tourtereaux ne se sont pas encore passés la bague au doigt que Marc est envoyé en Afghanistan pour sa première mission : six mois à la tête de 40 soldats dans un pays au bord du chaos où la peur de la mort est sa ration quotidienne. C’est à un autre homme, traumatisé par ce qu’il a vu et vécu là-bas, que Charlotte lie son sort le 27 mai 2006 dans une Sainte-Chapelle auvergnate mais elle l’ignore autant que lui. Les ravages sur l’âme des chocs psychologiques avancent masqués, à pas de loup. Ils ont le temps pour eux. Si bien que les premières années de mariage du couple sont paisibles. Ils attendent leur deuxième enfant et la vie leur est douce. Le répit est de courte durée : en 2008, le frère de Marc, père de deux petites filles, se donne la mort. Stupéfaction, nouvelle plaie au cœur. Marc a plus que jamais un penchant pour la bouteille...

Sus à l'alcool !

C’est en 2012, alors qu’il a choisi de quitter l’armée et intégré l’entreprise Michelin qu’il recourt pour la première fois aux services d’un psychiatre pour réguler sa consommation d’alcool. La vie n’en continue pas moins, au gré des mutations géographiques, des naissances des enfants, des responsabilités professionnelles que Marc embrasse avec passion, voire avec une fougue excessive qui lui pompe toute son énergie. « J’étais déjà bipolaire, avoue-t-il avec la franchise qui le caractérise. Mais je refusais de l’admettre, bien que mon psychiatre m’ait alerté sur ce point. En revanche, j’étais lucide sur mon manque de tempérance vis-à vis de l’alcool, et dans mon chemin de guérison, ma femme et le Ciel ont été des alliés de poids. » Le Ciel tout d’abord permet qu’il tombe, par « hasard », sur un alcoologue profondément croyant. Et Charlotte accepte de rencontrer ce dernier et d’épauler sans faille son mari dans son combat vers l’abstinence. Tous deux savent que la route sera longue, très longue.

La bipolarité, tremplin vers l'humilité

Ce qu’ils ignorent encore c’est qu’elle va les entraîner vers une terre totalement inconnue d’eux : la maladie psychique. Après cinq mois de jeûne, le verdict tombe comme un couperet : l’alcoolisme n’est que la partie immergée de l’iceberg. Marc est atteint de sérieux troubles bipolaires, caractérisés par des alternances de phases dépressives et de phases d’excitation intempestive, dites phases maniaques. « Pour la première fois de ma vie, je me suis révolté, reconnaît Marc. J’avais eu l’humilité de me faire soigner, de dire la vérité à mon boss, de rejoindre un groupe de partage d’alcooliques catholiques grâce auxquels j’avais pris la mesure de ma petitesse… et ça n’était pas assez ? Je n’ai pas osé me rebeller contre Dieu, j’ai pris saint Joseph pour cible : je lui ai tourné le dos pendant deux ans ! »

Il lui faudra encore du temps avant d’admettre sa maladie, de la prendre à bras le corps, d’accepter de se faire soigner. Des années très éprouvantes pour sa femme et ses six enfants contraints de subir ses variations d’humeur et ses accès de violence verbale suite à des rechutes dans son sevrage. « Le plus dur, juge-t-il, a été de renoncer à ma volonté propre pour suivre le conseil de mon beau-frère que je ne jugeais pas pertinent : entrer en hôpital psychiatrique. Ce fut un pas supplémentaire dans l’appauvrissement. Je n’étais pas encore assez humble…  » Cinq hospitalisations (entre 2020 et 2022) pour venir à bout de ses montagnes russes émotionnelles : « J’ai désormais atteint un état de stabilité auquel aspirent tous les bipolaires, se réjouit Marc. Ce qui présuppose d’accepter les conséquences secondaires du traitement : une altération des capacités intellectuelles et de la mémoire, une certaine lenteur dans l’exécution des tâches, un renoncement à toute adrénaline… » Si bien que le père de famille ne travaille plus qu’à mi-temps chez Michelin - « un choix douloureux », même si son poste l’épanouit - et a jugé bon de mettre en place avec sa femme un mode opératoire rigoureux pour affronter sa maladie au quotidien comme en temps de crise (saine hygiène de vie, numéros à joindre dès l’apparition de signes avant-coureurs de mal-être, etc).

Sa femme, sa foi : ses rocs

A quelles armes a-t-il recouru pour y parvenir ? « L’amour de mon épouse, lance-il du tac au tac. Pendant trois ans, avant que je ne franchisse le seuil de la clinique psychiatrique, je lui ai mené une vie infernale. Elle n’avait plus de sentiments pour moi mais s’est accrochée à notre sacrement de mariage, assurant qu’elle ne me laisserait jamais tomber… Alors j’ai eu envie de tout tenter pour être à la hauteur de cette femme si droite dont je suis raide dingue ! » La maladie, assure Charlotte, « nous a appris à communiquer sereinement, souvent et en profondeur. » Y compris avec leurs enfants. Marc évoque ensuite sa foi : les grâces reçues dans l’Eucharistie ou au cours de pèlerinages des pères chers à son cœur, l’exemple de la petite Thérèse : « Après elle, je dis au Seigneur que "je veux bien l’épreuve et la souffrance rien que pour aujourd’hui". Cette maladie est mon chemin de sainteté. »

Vous aimez le contenu de Aleteia ?

Aidez-nous à couvrir les frais de production des articles que vous lisez, et soutenez la mission d’Aleteia !

Grâce à la déduction fiscale, vous pouvez soutenir le premier site internet catholique au monde tout en réduisant vos impôts. Profitez-en !

(avec déduction fiscale)