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Les paroisses sont-elles prêtes à accueillir ceux qui n’ont pas choisi leur célibat ?

Morgane Afif - publié le 12/09/24
Souvent invisibilisés, rarement considérés, les célibataires qui n’ont pas choisi de l’être sont pourtant nombreux à affronter la solitude, tout particulièrement en paroisse. Comment surmonter l’épreuve ? Témoignages.

"Il n’est pas bon que l’homme soit seul." (Gn 2, 18). Après avoir créé le monde, la terre, les eaux et le ciel, Dieu créa l’homme. Émerveillé par sa création, c’est ainsi qu’Il constate que la solitude, pour lui, n’est pas bonne. "Je vais lui faire une aide qui lui correspondra" (Gn 2, 18) : parmi “toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux du ciel”, pourtant, "il ne trouva aucune aide qui lui corresponde" (Gn 2, 19-20). C’est alors, seulement qu’Il créa la femme, plongeant l’homme dans la torpeur pour la modeler depuis l’une de ses côtes. "À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un." (Gn 2, 24). L’union de l’homme et de la femme, qui, avec Adam et Eve, annonce le sacrement du mariage, porte en elle le fondement de la Création, puisque c’est avec elle que débute la Genèse. 

Le Seigneur Dieu dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui correspondra. » (Gn 2, 18)

Ce constat éclaire la souffrance que la solitude entraîne, lorsque le célibat est subi : "Cet état de vie ne correspond tout simplement pas à ce que l'anthropologie nous dit de ce pour quoi nous sommes faits. Nous sommes des êtres de communion", appuie Anne, célibataire de 45 ans. "Être célibataire est un fait, le fait d’être célibataire ne dit rien de la personne que je suis, remarque Marie-Liesse Malbrancke dans Célibataire ? Pas pour toujours ! (Salvator) On ne peut pas définir quelqu’un comme ‘un célibataire’ puisqu’il s’agit là uniquement d’une situation affective".

L’impasse de la solitude en paroisse

Le célibat non choisi est ainsi très différent de celui qui est le fruit d’un discernement et d’un appel que l’Église accompagne : c’est le cas des prêtres, des religieux et des vierges consacrées. Le célibat subi, lui, est éminemment lié à une forme de solitude, surtout quand les années passent, que les amis se marient, que les enfants naissent et que les jeunes parents en construction se concentrent sur leur vie de famille. 

"Cette solitude affective est particulièrement douloureuse le dimanche, reconnaît Anne. Le parvis de l'église, avec ces familles, c'est dur, vraiment ! Alors je sors souvent avant la fin de la messe, ou j’y vais à un autre moment". "Difficile de trouver sa place en Église, complète Marie. Les groupes existants sont pour les couples et les mères de famille, dans les prières universelles, on prie très rarement pour les célibataires. On pense surtout à nous pour les services comme le catéchisme ou l’éveil à la foi pendant la messe". Mathilde, elle aussi, partage ce sentiment : "Quand je suis arrivée dans ma paroisse, on m’a immédiatement proposé la prière des mères. Sourire gêné quand j’ai répondu que j’étais célibataire. On m’a ensuite parlé du groupe des jeunes pros pour les 20 à 30 ans. Quand j’ai répondu que j’avais plus que cet âge-là, la discussion s’est arrêtée". "Je ne cherche pas un groupe pour célibataires entre célibataires, ajoute pourtant Marie, juste un lieu fraternel où l'on peut se rendre sans devoir d'abord rentrer dans une case".

Vivre sa solitude, dans la solitude

"Là, c’est sûr, les lieux ne manquent pas, mais l’engagement n’est jamais définitif, constate Anne. L'Église nous embauche bien volontiers et compte sur notre disponibilité, réelle, j'en ai conscience, mais oublie parfois de venir nous nourrir. Ma vie spirituelle ne se réduit pas à mon célibat et passé 35 ans, il y a peu de lieux de ressourcement qui ne soient pas familiaux". La raison du célibat pose question et en effraie beaucoup : "il y a le pourquoi et le pour quoi" souligne Anne. Les réponses, elles, sont souvent pauvres, peut-être du fait de la sidération que le célibat convoque, ou du refus de l’envisager autrement que comme un état transitoire, une salle d’attente avant la rencontre amoureuse.

L'Église nous embauche bien volontiers et compte sur notre disponibilité, réelle, mais oublie parfois de venir nous nourrir.

Difficile, aussi, d’aborder le sujet avec ses proches. Pour Astrid, 34 ans, "la souffrance liée au célibat est rarement accueillie et reconnue comme telle, elle l’est un peu plus par les couples qui ont vécu l’attente, que ce soit d’un conjoint ou d’un enfant". "Ceux-là ont davantage conscience que le rapport au temps blesse, complète Anne, notamment lors des dates douloureuses, comme Noël et les anniversaires qui nous rappellent chaque année que nous restons sur le quai". Pour la quadragénaire, "la question du célibat se double maintenant de celle du deuil de la maternité... Encore un cap que je dois franchir seule et sans soutien". D'après Marie-Liesse Malbrancke, "nombreux sont les célibataires qui ne racontent pas le manque viscéral qu’ils vivent, l’attente jamais assouvie, l’incompréhension et la place énorme que le célibat prend dans leur quotidien, ou plutôt dans leur esprit".

Trouver du réconfort

"Il y a bien des jours où je me demande à quoi sert ma vie, pour quoi et pour qui ?" soupire Anne, qui explique trouver du réconfort dans la nature qui l’entoure, comme le chant des oiseaux. "Leurs chants manqueraient s'ils s'arrêtaient ! Ils jouent leur partition à la fois inutile et essentielle, ils font ce pour quoi ils sont faits. Il paraît que c'est le sens étymologique du mot perfection : per-facere, faire ce pour quoi on est fait. C'est peut-être ça que je voudrais que l'Église me dise davantage, que ma place est d'être là où je suis, pas dans l'attente de quelque chose d'autre, parce qu'il y a des jours, évidemment, où cette conviction vacille".

Toute croix est appelée à être féconde.

"Pourquoi moi ?" : chacun, face à sa croix, est alors tenté de penser celle de l’autre plus légère. "Il faut alors être très, très vigilant pour ne pas tomber dans la jalousie, qui est le grand écueil du célibat", considère Anne. Le célibat, indiscutablement, est une croix, "mais qui choisit sa croix ?" s’interroge celle qui se dit très inspirée par sa filleule atteinte de trisomie 21 : "son sourire me le fait bien comprendre. Il y a un chemin de joie, même si je n'arrive pas encore à dire ‘bonheur’... Toute croix est appelée à être féconde". 

Pratique

Marie-Liesse Malbrancke, Célibataire ? Pas pour toujours !, Salvator, août 2024
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