L’histoire du christianisme antique s’écrit dans la géographie des villes. Jérusalem et Rome évidemment, celles où les apôtres eurent une action essentielle, comme Alexandrie et Constantinople, celles qui furent les sièges de théologiens majeurs, tels Carthage, Lyon, Arles, Marseille. D’autres villes jouèrent un rôle primordial en ayant été le siège des conciles œcuméniques. Parmi elles, Nicée, dont le premier concile de 325 continue d’éclairer l’Église.
Symboliser la foi
Pour l’Église, il n’y a pas de temps paisibles et sans troubles. La fin des persécutions impériales et la reconnaissance de la liberté de culte (édit de Milan, 313) pouvaient laisser croire à la venue de jours heureux. Loin de là. À Alexandrie, le prêtre Arius développa l’idée selon laquelle le Christ serait seulement homme et non pas homme et Dieu. L’idée se propagea en Orient puis plus tard en Occident, créant l’une des plus graves crises que le monde chrétien eut à surmonter. C’est pour répondre à ce schisme intellectuel et humain que l’empereur Constantin convoqua une réunion des évêques dans une ville située à quelques encablures de sa capitale, Constantinople. Des évêques de toute la chrétienté furent présents, le Pape y envoya un légat.
Ainsi est né le premier concile œcuménique, celui de Nicée, qui a non seulement établi le Credo, encore récité aujourd'hui, mais également initié une tradition, celle du concile, qui consiste à réunir les évêques du monde pour résoudre des problèmes doctrinaux. Même si cette ville est aujourd'hui oubliée, Nicée est l’un des lieux où s’est bâtie la foi et l’unité de la foi autour d’une définition commune. Une première version du credo est ainsi établie à Nicée en 325 avant d’être définitivement fixée lors du concile de Constantinople de 381, d’où l’expression usuelle de symbole de Nicée-Constantinople, symbole signifiant "signe de reconnaissance" selon l’étymologie grecque.
De l’unité à la désunion
Si Nicée est l’une des villes de l’unité chrétienne, son symbole de la foi fut accusé ensuite d’être responsable de la division. Au sujet du Saint-Esprit, les Occidentaux reconnurent qu’Il procède du Père et du Fils, "filioque", quand une partie des Orientaux récusent ce lien. De là est née la justification du schisme de 1054 entre Latins et Grecs, aujourd'hui dénommés catholiques et orthodoxes. Mais cette rupture fut d’abord politique et géographique avant d’être théologique. L’Occident et l’Orient ne partagent pas la même vision de la distinction des pouvoirs entre le spirituel et le temporel, ni le même rapport entre les laïcs et les prêtres.
L’œcuménisme passe aussi par la profession d’une foi commune et par l’attachement au Christ.
En recevant le patriarche Bartholomée Ier, comme avant lui les papes reçurent les patriarches de Constantinople, François se fait garant de l’unité et de la recherche d’une restauration de l’unité de "l’œkoumène" [la terre habitée, ndlr], restauration qui passe par les villes symboles de l’unité chrétienne à l’époque antique, et donc notamment par Nicée. Au moment de la guerre en Syrie et de l’expansion de l’État islamique, François parlait de "l’œcuménisme du sang". L’œcuménisme passe aussi par la profession d’une foi commune et par l’attachement au Christ. C’est le sens qu’il souhaite donner à son voyage qui devrait se tenir à l’été 2025, s’il peut avoir lieu.
La place historique de l’Orient
En 325, le pape avait envoyé un légat au concile œcuménique de Nicée, 1.700 ans plus tard, l’évêque de Rome souhaite se rendre en personne dans la ville symbole du credo afin de contribuer, par la diplomatie, à travailler à l’unité, et par la visite des lieux majeurs de l’histoire du christianisme, à rappeler la place essentielle de l’Orient dans l’histoire chrétienne. Une histoire qui n’est pas composée uniquement de racines, mais aussi de pages resplendissantes même si elles sont malmenées par les guerres et les aléas politiques.