Dans la catéchèse de l’audience du 25 mai 2011, Benoît XVI illustre son enseignement sur la persévérance avec laquelle nous devons prier par le célèbre récit biblique de la lutte de Jacob avec l’ange. Résumons brièvement le contexte de l’histoire : Jacob, qui a dérobé la bénédiction paternelle à son frère Esaü après lui avoir soustrait son droit d’aînesse pour un plat de lentilles, a dû se réfugier chez son oncle. Au bout de quelques années, il rentre au pays et s’apprête à rencontrer son frère. Et voilà que durant la nuit qui précède cette rencontre décisive, il est agressé par un homme qui va se révéler être un ange !
La prière est parfois un combat
La lutte dure toute la nuit jusqu’au matin (Gn 32, 23-32). Qui l’a emporté, du patriarche ou de l’ange ? Le texte est ambigu à ce sujet. D’un côté, Jacob a la hanche démontée mais, d’un autre côté, l’ange reconnaît que Jacob a lutté avec Dieu et l’a emporté. Or, si Jacob a gagné, c’est parce qu’il a obtenu ce qu’il désirait : être béni par Dieu. Sa prière a été exaucée !
Benoît XVI constate que le récit est riche d’enseignements sur la prière. Car en acceptant le combat, Jacob avait pour objectif de se faire bénir par Dieu. Cette lutte de toute une nuit traduit la persévérance de Jacob dans cette quête. Il ne lâcha pas l’ange avant qu’il n’ait obtenu satisfaction. Autrement dit, cette lutte est l’image du combat spirituel que représente parfois la prière. Le pape Benoît rappelle que c’est ainsi que l’a interprétée toute la tradition de l’Église. Prier sans relâche, avec persévérance : telle est la leçon du récit de la lutte de Jacob.
Nos prières sont-elles exaucées gratuitement ou de haute lutte ?
Benoît XVI tire une autre leçon du récit biblique. Jusqu’ici, Jacob avait été un homme plein de ressources et de ruse. Désormais, avec cette lutte, il comprend qu’il ne recevra pas la bénédiction divine par les moyens habituels de ses calculs et de ses expédients mais comme un don divin. Voilà pourquoi il la demande inlassablement à l’ange durant toute la nuit. Étant sans protection — il est seul au milieu du gué où va se dérouler la lutte car il a demandé à toute sa suite de partir en avant de lui —, et ayant abdiqué toute astuce et toute tromperie, Jacob peut recevoir désormais gratuitement la bénédiction. Celle-ci est d’abord une grâce de Dieu. Là encore, Benoît XVI remarque que la Bible nous instruit avec profit : lorsque nous prions Dieu, avant de mettre en avant nos mérites, pensons d’abord que la réponse de Dieu sera pure libéralité de Sa part parce qu’Il est un Père aimant et que, à proprement parler, Il ne nous doit rien.
Force et humilité dans la prière
Enfin, au terme de la lutte, l’ange donne un nouveau nom au patriarche : il s’appellera désormais Israël. Benoît XVI souligne l’ambiguïté du texte. Si d’un côté Jacob a vaincu (c’est l’ange qui l’affirme), d’un autre côté Dieu lui donne un nouveau nom et donc une nouvelle identité — dans la Bible, en effet, le nom n’est pas une convention administrative mais représente la substance de la personne qui le porte. Qui a gagné alors ? Jacob parce qu’il a reçu la bénédiction réclamée ? Cependant, il est blessé à la hanche. De plus, sa nouvelle identité, il ne la tient pas de lui-même mais de Dieu. À ce sujet, Benoît XVI remarque que lorsque l’objet de notre lutte spirituelle est la relation avec Dieu, il arrive un moment où nous devons reconnaître que, à l’instar du patriarche, nous sommes blessés à la hanche parce que Dieu ne peut nous bénir que si nous reconnaissons notre faiblesse. Et cette faiblesse, Jacob la reconnaît précisément en demandant sans relâche la bénédiction. C’est ainsi que la prière est à la fois une question de force, de combat, de persévérance, mais aussi d’aveu de notre faiblesse.
Dans nos existences, surviennent parfois des circonstances où il ne sert plus à rien de ruser comme le fit Jacob avec son frère, mais où il question de demander sans artifices à Dieu l’essentiel. À ces moments-là, souvenons-nous de l’exemple du fils d’Isaac et de Rébecca : notre prière demandera à la fois de la force, de la persévérance mais aussi de l’humilité.